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Économie - Éclairage

Recouvrement des fonds publics détournés : ce qui pourrait être proposé

Le Club des juges libanais tente depuis lundi de mobiliser la commission d’enquête spéciale pour geler les comptes de tous les responsables du pays.

Le Premier ministre s’est engagé lundi à appuyer la loi de « restitution des fonds pillés ». Photo Dalati et Nohra

Lundi, le Premier ministre Saad Hariri s’est engagé à donner un coup de fouet au processus d’élaboration de la loi de « restitution des fonds pillés ». L’objectif de ce texte est de permettre à l’État de poursuivre en justice des élus ou des membres de l’administration – anciens ou actuels – accusés de détournement de fonds publics, et de geler et saisir, le cas échéant, les montants concernés ou d’obtenir leur remboursement.

Cette promesse, qui tend à répondre à l’une des revendications principales des Libanais qui ont investi les rues du pays depuis plus d’une semaine pour protester contre le pouvoir, a été réitérée hier par le président Michel Aoun dans son discours retransmis depuis le palais de Baabda. Elle correspond également à l’un des engagements imposés par la Convention des Nations unies pour la lutte contre la corruption à laquelle le Liban a adhéré en 2009. Celle-ci impose à chaque État signataire « d’adopter les mesures (…) nécessaires pour conférer le caractère d’infraction pénale, lorsque les actes ont été commis de manière intentionnelle, à la soustraction, au détournement ou à un autre usage illicite, par un agent public, à son profit ou au profit d’une autre personne ou entité, de tous biens, de tous fonds ou valeurs publics ou privés, ou de toute autre chose de valeur qui lui ont été remis à raison de ses fonctions ».


(Lire aussi : Aoun brise son silence... mais l’impasse persiste)


Pas de prescription
Si les deux hauts responsables ne se sont pas engagés sur un calendrier, plusieurs moutures du texte devant servir de base à la proposition de loi ont déjà été élaborées. L’Orient-Le Jour a pu consulter l’une d’entre elles, rédigée pour être présentée en tant que proposition revêtant le caractère d’urgence et devant être adoptée au « plus vite », quitte à ce que son vote justifie la convocation d’une session parlementaire exceptionnelle, comme le précise le préambule du texte, précédant les 22 articles qu’il contient.

Selon une source juridique proche du Club des juges libanais, « la proposition est l’une des plus complètes qui aient été émises ». L’association, qui a été enregistrée en 2019, s’est fixé comme objectif de lutter contre la corruption au sein de la magistrature du pays. « La proposition est bien élaborée à plusieurs niveaux, mais pèche sur d’autres. Le texte devra être méthodiquement remanié par les commissions parlementaires avant d’être soumis au Parlement », estime, pour sa part, le président de l’Association libanaise pour les droits et l’information des contribuables (Aldic), l’avocat fiscaliste Karim Daher.

Le principal point fort du texte est qu’il définit très précisément la notion d’ « avoirs détournés », une catégorie qui englobe aussi bien les sommes d’argent que les propriétés immobilières, les parts de sociétés, obligations, lettres de change, voire les sukuk – produits obligataires acceptés par la finance islamique. Les avoirs concernés peuvent être localisés au Liban ou à l’étranger.

Le statut « d’agent public » est également détaillé pour inclure les membres, à temps plein ou partiel, des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire, ainsi que ceux des forces armées. Les notaires, experts, ou encore les personnes travaillant dans des entreprises privées mais dont le capital est en partie détenu par l’État sont également concernés, tout comme les entrepreneurs qui ont travaillé pour l’administration. L’objectif final de la loi étant de recouvrer les sommes détournées, le texte permet en outre de déclarer nulles et non avenues toutes les immunités dont peut bénéficier un agent public poursuivi et s’étend également aux membres de sa famille et à ses héritiers. Il autorise par ailleurs la levée du secret bancaire pour toutes les personnes citées plus haut. Les infractions définies ne sont enfin pas prescriptibles.


(Lire aussi : Un discours en deçà des attentes, le commentaire d'Elie FAYAD)


Incohérences
Malgré ces atouts, la proposition de loi souffre également de plusieurs défauts, à commencer par les caractéristiques de la commission indépendante dédiée qu’elle prévoit d’instituer et dont la mission sera de piloter toutes les procédures prévues. Premier problème soulevé par la source proche du Club des juges, le fait que cette instance prévoit d’intégrer deux ministres, « ce qui pose un problème pour une commission décrite comme indépendante ». « Autre incohérence, le texte prévoit que la commission soit présidée par la ministre d’État sortante pour le Développement administratif, et que cette dernière soit secondée par le ministre de la Justice. Or, non seulement cet agencement est étrange, mais en plus le ministère d’État en question a disparu depuis la formation du gouvernement Hariri III », ponctue Me Daher. 

Les sept autres membres de la commission incluent un membre du parquet financier, un représentant de la Banque du Liban, un autre de l’Association des banques du Liban, un juge membre de la Cour des comptes, un représentant du ministère des Affaires étrangères, un représentant d’une organisation de la société civile investie dans la lutte contre la corruption, et le bâtonnier ou un autre membre de l’ordre des avocats. La proposition de loi ne contient enfin aucune disposition précisant le budget de cette commission ou les rémunérations de ses membres. Il n’y a pour l’instant aucune certitude que ces détails figurent dans le projet de budget pour 2020 que le gouvernement a adopté en catastrophe lundi. La durée du mandat de la commission n’a pas non plus été précisée, note la source précitée.


(Lire aussi : La fin de la corruption au sein de l’État, une des principales cibles des Libanais dans la rue)


« De manière plus générale, la proposition renvoie plusieurs détails importants à un décret d’application à venir, sans lesquels le mécanisme mis en place serait inopérant », alerte Me Daher. « Ce risque existe même si l’article 20 impose que le décret d’application soit adopté dans les trois mois suivant la publication de la loi, contre deux mois et pour le règlement intérieur de la commission, selon l’article 21 », ajoute-t-il.

De fait, plusieurs lois votées par le passé ont finalement été indirectement neutralisées de cette manière, comme la loi d’accès à l’information votée en février 2017. L’article 7 de la loi, qui liste les compétences de la commission et les modalités d’exécution de sa mission, se réfère à six reprises sur 8 alinéas au décret d’application. Enfin, un des principaux chantiers des législateurs va consister à régler les conflits entre la loi, si elle est votée, et d’autres textes déjà existants, comme la loi n° 154/1999 sur l’enrichissement sans cause, la loi n° 33 qui ratifie l’adhésion du Liban à la Convention des Nations unies contre la corruption et la loi n° 44/2015 qui élargit la définition du blanchiment pour y inclure, entre autres, le financement des organisations terroristes, l’évasion fiscale, la corruption, l’abus de pouvoir ou l’escroquerie.

Peu enclin à attendre que les dirigeants libanais prennent ces chantiers à bras-le-corps, le Club des juges libanais a décidé de prendre les devants lundi en enjoignant à la Commission d’enquête spéciale (CIS) de geler à titre conservatoire les comptes supérieurs à un demi-million de dollars de tous les politiciens, hauts responsables, juges et autres personnes affiliées, et ce afin d’enquêter sur la provenance de leurs fonds, entre autres requêtes. « C’est une mesure qui se justifie vu la période exceptionnelle de contestation populaire que vit le pays. Et au stade où on en est, tous les responsables peuvent être soupçonnés », assure la source proche du Club des juges. La CIS est une autorité indépendante créée en 2001 disposant du pouvoir exclusif de lever le secret bancaire dans les enquêtes liées à des opérations de blanchiment d’argent. Cette dernière n’a pour l’instant pas publiquement réagi à la requête qui lui a été envoyée.


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Lundi, le Premier ministre Saad Hariri s’est engagé à donner un coup de fouet au processus d’élaboration de la loi de « restitution des fonds pillés ». L’objectif de ce texte est de permettre à l’État de poursuivre en justice des élus ou des membres de l’administration – anciens ou actuels – accusés de détournement de fonds publics, et de geler et saisir, le cas...

commentaires (14)

Vous avez déjà vu des hommes politiques se tirer une balle dans le pied ? Coire au père Noel c'est un peu tard

yves kerlidou

16 h 23, le 28 octobre 2019

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Commentaires (14)

  • Vous avez déjà vu des hommes politiques se tirer une balle dans le pied ? Coire au père Noel c'est un peu tard

    yves kerlidou

    16 h 23, le 28 octobre 2019

  • Je vais laisse les juristes s’exprimer, ce m’est pas ma spécialité. Juste deux commentaires: 1. Vous ne trouverez rien d’illégal. Ils sont trop malins. Des lois, souvent temporaires, été votées pour "légaliser" leurs actes... 2. Il faut d’urgence les placer (tous, ya3ni tous) sur les blacklists de l’OFAC etc. pour les exclure des circuits financiers internationaux le temps que tout se mette en place...

    Gros Gnon

    14 h 45, le 25 octobre 2019

  • JE RAPELLE QUE QUAND LA JUSTICE D'UN PAYS LE DEMANDE LES SOMMES DANS LES BANQUES A L'ETRANGER SONT GELEES AUSSI MAIS IL FAUDRAIT AUSSI VOIR TOUTES LES SOCIETES STYLE PANAMA PAPERS OU SONT LOGES LES FONDS et les familles de ces pauvres gens Un examen encore plus facile Combien aviez vous d'argent et de biens immobiliers avant de devenir un fonctionnaire du gouvernement ,un politicien, parlementaire , ministre depuis 1990 , un President a ce jour ( pour ne pa aller plus loin encore) et combien a ete votre salaire pendant ces 29 ans et combien a ete votre declaration d'impot chaque annee pendant cette periode quelques questions et documents facile a obtenir et tout le monde connaitra la verite non dissimulee Si on voit qu'il y a anguille sous roche on pousse les investigations plus loins pour d'abord cueillir les gros poisons puis les moins important Mais malheureusement il faudrait aussi le faire pour les juges car beaucoup ont ete nomme par les personnes qu'ils doivent aujourdh'ui investiguer IL Y A UN DEBUT A TOUT

    LA VERITE

    14 h 00, le 25 octobre 2019

  • La crédibilité de tout les politiciens est complètement effacee. Le peuple libanais le sait très bien et cest renouveau complet qu'il faut et non du ter'jjj bi ter'iii! en plus du ter'iii fait par ceux là même qui en sont la cause...

    Wlek Sanferlou

    13 h 35, le 25 octobre 2019

  • On nous prend (encore) pour des cons......

    Tabet Karim

    13 h 15, le 25 octobre 2019

  • en somme, en peu de mots : on sait qu'ils(les politiques) n'ont pas encore baisse les bras, QUE, et C la le plus dangereux , QU'ILS TIENNENT ENCORE PT'T PR LONGTEMPS DES ARMES QUOIQUE PLUS CACHEES MAIS SUREMENT SUPER EFFICACES POOUR NEUTRALISER TTE LOI CONTRAIRE A LEURS INTERETS

    Gaby SIOUFI

    12 h 05, le 25 octobre 2019

  • Je suis contre la démission de Saad Hariri pour ne pas paralyser le pays durant cinq ans... par les supplétifs des Pasdaran. Je suis pour un remaniement profond de certains ministères à leur tête les Affaires étrangères en remplaçant l'actuel titulaire par une personnalité neutre, intègre et pur patriote. Je suis en faveur d'une Loi de restitution des fonds pillés sans participation de ministres et encore moins d'un représentant des Affaires étrangères, en espérant qu'il ne sera pas un comité Théodule pour noyer le poisson. Je suis pour neutraliser les pickpockets qui ont pillé l'Etat dont certains ministres.

    Un Libanais

    11 h 37, le 25 octobre 2019

  • Il faudrait un scénario similaire à celui du Ritz en Arabie Saoudite, mais ou l' armée requisitionnerait ces messieurs, bien dodus, pour les interroger sur la cause de leur embonpoint ! Allez, trois étages à l' hotel Phoenicia, ( si ca les contient tous!)..! Pas de perte de temps dans des procédures fumeuses...

    LeRougeEtLeNoir

    11 h 12, le 25 octobre 2019

  • Et concernant la corruption, notre grand barbu va pondre un Nème discours cet après midi. Un discours sûrement préparé dans le scénario englobant celui dictée et préparé pour notre cher président, ou alors, voyant que le premier discours élaboré n'a pas réussi à désamorcer la bombe populaire, il va nous sortir un de ses discours incitant à la haine et remuant le bâton devant la foule en la menaçant, comme il l'a fait il y a plusieurs jours, de lâcher sa m...dans la rue semant la terreur et l'anarchie. Il ne faut pas oublier non plus, car le peuple n'est pas dupe, que cette situation d'impunité et de corruption qui perdure depuis des années arrange bien notre rat des égouts, je dirais même qu'il est partie prenante de cette situation qu'il a toujours hypocritement critiqué alors que lui seul pouvait, s'il le voulait, mettre un peu de dignité et d'ordre dans ce pays. Il veut lâcher ses décérébrés dans la rue? Qu'il le fasse, de toute façon un jour ou l'autre on doit se soulever contre cette autre dictature barbare arriérée sans foi ni loi.

    Citoyen

    10 h 45, le 25 octobre 2019

  • Une personne compétente et honnête( non corrompu par ce système mafieux) peut tracer les fonds partout dans le monde,sinon se faire aider par une personne compétente et neutre de l'étranger(un juge),car en effet,cette démarche et elle seule au départ peut détendre et rassure la rue. Compter sur les loi, établis à la carte et neutralisées par nos politiques et nos juges actuels n'est nullement une garantie de probité. Un comité dans lequel statue un ministre est une hérésie, c'est faire garder le fromage par un renard de la fontaine. Il faut y croire, et si cette première et importante étape paraît infranchissable alors le reste le sera certainement. Ces malpropres doivent tous dégager et doivent être traduits en justice car ils sont seuls responsables de la pauvreté dans laquelle plonge le peuple de puis des années et même pire, cette pauvreté les laissait complètement indifférents à la douleur de ce peuple qui a été plus que patient et plus que tolérant.

    Citoyen

    10 h 19, le 25 octobre 2019

  • Il n’y a que celà qui va calmer la rue. Passez à la caisse Messieurs !

    LeRougeEtLeNoir

    09 h 17, le 25 octobre 2019

  • On va y arriver...

    NAUFAL SORAYA

    07 h 53, le 25 octobre 2019

  • C'est un attrape-nigaud. on sait tres bien que les comptes de ces voleurs se trouvent a l'exterieur du Liban. Si pour une fois seulement MBS pouvait venir au Liban et nettoyer ce tas d'ordures!

    sancrainte

    00 h 43, le 25 octobre 2019

  • ENCORE FAUT-IL L,APPLIQUER A CETTE LOI. MAIS LES MONTANTS VOLES MALHEUREUSEMENT SE SONT VOLATILISES ET IL EST PRESQUE IMPOSSIBLE DE LES TRACER. HEUREUX SI ON RECUPERE FUT-CE LES 10PCT. MAIS LA PREMIERE REVENDICATION DES MANIFESTANTS C,EST LA DEMISSION DU PRESENT GOUVERNEMENT ET LA FORMATION D,UN GOUVERNEMENT DE TECHNOCRATES SANS DES GENDRES ET DES MILICES SUIVI D,ELECTIONS LIBRES ET DEMOCRATIQUES. IL FAUT BIEN EN PRENDRE NOTE ET LE PLUS VITE.

    LA LIBRE EXPRESSION

    00 h 25, le 25 octobre 2019

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