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Liban - Protestation

Une nouvelle taxe déguisée, la goutte d’eau qui a fait déborder le vase

Malgré l’annonce, jeudi soir tard, par le ministre des Télécommunications de l’abandon de la mesure visant à « taxer » l’utilisation WhatsApp, la population continuait hier à manifester dans toutes les régions.

Les manifestants rassemblés dans le centre-ville de Beyrouth. Mohammad Azakir/Reuters

Les dernières taxes déguisées que le gouvernement proposait hier d’imposer, notamment celle des 20 cents par jour concernant l’utilisation des applications de messagerie sur base du principe du VoIP (Voice over Internet Protocol), un service notamment disponible sur WhatsApp, Skype, Viber, Facebook Messenger et Tango entre autres – des applications largement utilisée par les Libanais – a fait exploser la colère dans la rue. Des centaines, puis des milliers de personnes ont investi les rues du centre-ville de Beyrouth, un mouvement qui a grossi au fil des heures, se propageant à toute la capitale et à d’autres villes du pays. « Le peuple veut renverser le régime », « Révolution ! Révolution ! », ont scandé les manifestants. Les visages rougis par l’exaspération trop longtemps contenue, la voix qui se brise… La population semble avoir agi dans un élan tout à fait spontané sur l’ensemble du territoire. Une véritable révolution était en marche et aucune partie politique n’était épargnée. Beaucoup de manifestants évoquaient le chômage, les difficultés de la vie, la corruption qui a atteint des sommets… et assuraient ne plus vouloir sortir de la rue.Face à la gravité de la situation, le président de la République, Michel Aoun, a appelé le Premier ministre, Saad Hariri, pour discuter des derniers développements et annoncer qu’une réunion du gouvernement aurait lieu aujourd’hui vendredi au palais de Baabda. Premier résultat des manifestations : le ministre des Télécommunications, Mohammad Choucair, a annoncé sur la chaîne al-Jadeed que ce qu’il a appelé « l’idée de faire payer l’utilisation de WhatsApp, qui a été décidée avec l’approbation de toutes les forces politiques, ne sera plus mise à l’étude à la demande du Premier ministre Saad Hariri ». Auparavant, il avait parlé de « mains occultes » qui manipulaient les mouvements. Mais il en fallait plus pour décourager les manifestants qui, au-delà d’une imposition ou d’une autre, exprimaient leur volonté d’un véritable changement. Hier soir, à l’heure de mettre sous presse, et malgré la rétractation du ministre, les manifestants restaient mobilisés et des heurts étaient rapportés.

Les manifestants avaient commencé par fermer la voie express du « Ring » avant qu’elle ne soit rouverte par les forces de l’ordre. En soirée, des routes ont également été coupées dans la banlieue sud.


(Lire aussi : Faire payer les appels via « WhatsApp » : un chantier inextricable)


Coups de feu du convoi de Chehayeb

L’incident le plus grave s’est déroulé vers 21h dans le centre-ville de Beyrouth, lors du passage du convoi du ministre de l’Éducation, Akram Chehayeb. Face à la colère des manifestants, les gardes du corps ont tiré des coups de feu avant de dégager les voitures de la foule. Il n’en fallait pas plus pour causer un véritable vent de folie. « Ils nous tirent dessus ? Ces miliciens qui nous gouvernent depuis quarante ans ? » se sont écriés des manifestants, montrant des douilles ramassées dans la rue. Ils n’ont pas hésité à traiter les responsables politiques de tous les noms et à demander la démission du gouvernement.

Plus tard dans la soirée, l’ancien député Walid Joumblatt, chef du Parti socialiste progressiste auquel appartient M. Chehayeb, a écrit dans un tweet avoir demandé au ministre de l’Éducation de livrer les personnes responsables des tirs. Le PSP a annoncé un peu plus tard qu’il s’apprêtait à livrer les responsables de l’incident.

M. Chehayeb a, pour sa part, déclaré à la chaîne al-Jadeed que les deux gardes du corps sont des agents de l’ordre qui sont affectés à sa sécurité, affirmant qu’ils se livreraient le soir même à leur hiérarchie. Le ministre a assuré que son convoi avait été pris d’assaut avec beaucoup de violence et que son parti demande une enquête sur l’incident au milieu duquel il s’est trouvé à son passage au centre-ville.


(Lire aussi : Grèves, manifs, fermetures : ce à quoi il faut s'attendre vendredi au Liban)


Dans tout le pays…

Fait marquant des mouvements de la nuit : beaucoup de citoyens dans des quartiers à majorité chiite, généralement attachés à leurs deux grands partis, le Hezbollah et Amal, étaient parmi les critiques les plus virulents de la prestation gouvernementale, sans épargner leurs leaders. « Nous voulons vivre ! » criaient beaucoup d’entre eux. Des figures du Hezbollah ont néanmoins été vues participant aux manifestations. Le ministre Mahmoud Qmati du Hezbollah a déclaré à la télévision que son parti « n’est pas du tout d’accord avec la décision concernant WhatsApp, ne savait pas qu’elle avait été prise et travaillera à la faire supprimer, ainsi que les autres taxes ».

Si l’imposition de WhatsApp est la goutte qui a fait déborder le vase, l’ensemble des difficultés financières ont été criées devant les caméras par les manifestants. « Ils ont laissé le pays brûler durant deux jours, et pour quelques pneus brûlés aujourd’hui, ils envoient tous leurs pompiers », lançait un manifestant. « Ils ont tout pillé et nous mourons de faim », disait un autre. « Nous ne sortirons pas de la rue et déambulerons partout dans Beyrouth jusqu’à ce qu’ils démissionnent », criait un troisième.

Beyrouth n’est pas la seule ville qui s’est embrasée hier. Saïda et Tyr au Sud, Taalabaya et Masnaa dans la Békaa en ont fait de même. Jounieh et Zouk au Kesrouan, où l’autoroute a été coupée, et Bhamdoun (Aley) se sont joints au mouvement vers 22h, ainsi que Haret Naamé. Le tunnel de Salim Salam a été fermé par des pneus brûlés peu après 22h. Tripoli a offert le même spectacle peu après, ainsi que Chtaura dans la Békaa. Bref, un soulèvement sur l’ensemble du pays. Le mouvement a même atteint des localités éloignées, comme Rachaya ou Brital dans la Békaa, par exemple, ou encore Zghorta.

À l’heure d’aller sous presse, les manifestations se poursuivaient partout au Liban et plusieurs routes étaient toujours coupées.



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commentaires (3)

Pourquoi ne dites-vous pas CLAIREMENT que les "mains occultes" qui dirigent ce "soulèvement organisé" , parti des quartiers chiites des banlieues de Beyrouth, et des zones chiites de la Bekaa, sont celles du HEZBOLLAH qui tente d'organiser un COUP D'ETAT en soulevant la majorité Chiite du pays, pour prendre le pouvoir, au nom du "Croissant" iranien allant de Téhéran au Liban???? Ilest temps d'ouvrir les yeux !!!

Saab Edith

21 h 43, le 18 octobre 2019

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Commentaires (3)

  • Pourquoi ne dites-vous pas CLAIREMENT que les "mains occultes" qui dirigent ce "soulèvement organisé" , parti des quartiers chiites des banlieues de Beyrouth, et des zones chiites de la Bekaa, sont celles du HEZBOLLAH qui tente d'organiser un COUP D'ETAT en soulevant la majorité Chiite du pays, pour prendre le pouvoir, au nom du "Croissant" iranien allant de Téhéran au Liban???? Ilest temps d'ouvrir les yeux !!!

    Saab Edith

    21 h 43, le 18 octobre 2019

  • Où sont les femmes dans ces affrontements? Elles sont, filles, mères, soeurs, épouses; que font-elles?

    GAF

    11 h 11, le 18 octobre 2019

  • Le ministre devrait tirer les conséquences de ses actes et démissionner sur le champ.. au fait il voulait prélever 20 cents par mois sur l’application WatsAPP, mais cette monnaie (Dollar) à t elle encore cours au Liban ? Quel mépris envers notre monnaie...

    C…

    10 h 04, le 18 octobre 2019

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