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Liban - Don d’organes

Don d’organes : L’anonymat, un principe éthique

Le sujet reste entouré au Liban de préjugés à tous les niveaux. Cette série d'articles bimensuels vise à faire la lumière sur les différents aspects de ce don de vie.

Il y a quinze ans, Rose a été greffée du cœur, un don qui lui a sauvé la vie. Si cette femme est reconnaissante et rend toujours hommage à la mémoire de la jeune femme qui lui a permis de poursuivre sa vie normalement, elle regrette d'avoir fait la connaissance de sa famille. C'était au lendemain de l'opération. Rose était encore aux soins intensifs.

« Mon mari avait réussi à connaître l'identité de la donneuse, se rappelle-t-elle. Il avait alors insisté à rendre visite à sa famille et à les remercier pour ce don. Je m'étais opposée à cette décision, parce que je ne savais pas comment les choses allaient évoluer. Il n'avait rien voulu entendre. »

Les craintes de Rose se sont avérées justifiées. « La famille de la donneuse est venue à mon chevet et mon mari leur rendait visite, raconte-t-elle. La femme décédée avait deux garçons. Ils sont entrés en contact avec mes enfants. L'un deux s'est mis à envoyer à mes enfants des photos de diables. Il leur disait que sa mère était décédée, alors que la leur était toujours vivante. »

« Je n'aurais jamais dû leur rendre visite, poursuit Rose. D'ailleurs, je n'ai plus remis les pieds chez eux. Je suis toutefois restée en contact avec la maman de ma donneuse. J'ai été la voir une seule fois. Ce jour-là, son mari s'était éclipsé. J'avais alors senti que j'avais mal agi. J'ai continué toutefois à l'appeler de temps à autre, jusqu'au jour où elle m'a dit que ses petits-fils lui en voulaient, parce qu'elle avait accepté de faire don des organes de sa fille, sachant que c'était la volonté de la jeune femme. » Depuis, Rose ne l'appelle plus. Elle continue toutefois à prier et à rendre hommage à la mémoire de la donneuse. « Il faut encourager le don d'organes, mais il faut que celui-ci reste anonyme », insiste-t-elle.

« La dette de vie, sentiment que le receveur doit la vie à son donneur, doit se centrer sur l'idée du don d'organes et non sur le donneur ou sa famille, explique Boutros Ghanem, docteur en psychologie clinique et pathologique, maître de conférences à la faculté des lettres de l'Université Saint-Joseph et membre du Comité national pour le don et la greffe des organes et des tissus (NOD Liban) ». D'où l'importance de « respecter l'anonymat qui existe pour prévenir toute dérive possible », ajoute-t-il.

En fait, l'anonymat est indissociable du don d'organes cadavérique, non seulement au Liban, mais aussi dans le monde. « Le principe de l'anonymat est éthique », insiste Boutros Ghanem. Son but est de protéger la famille du donneur et le receveur d'un éventuel chantage affectif et/ou matériel.

Par ailleurs « lorsqu'on annonce la mort à quelqu'un, le processus du deuil est enclenché », souligne le spécialiste. « Il se déroule en plusieurs étapes, la première étant celle du refus de la réalité de la mort, ajoute-t-il. C'est une phase où la personne endeuillée est comme clivée. D'une part, elle sait que la mort est survenue, d'autre part, elle ne le croit pas. Or, si durant la première phase, la personne sait qu'une partie du mort vit dans un autre corps, le passage à la phase dépressive se complique, empêchant le déroulement normal du deuil. Cette deuxième phase est salutaire parce qu'elle permet à la personne de réaliser que l'autre n'est plus et qu'elle doit agir pour dépasser cette réalité. Si la famille sait où est allé l'organe, elle risque de prendre le receveur de l'organe pour la personne disparue. Pour la protéger et lui permettre de finir son deuil, l'anonymat est donc nécessaire. »

 

 

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