Ce week-end, le Liban sera pris entre trois discours, d’importances différentes, mais qui donneront à eux trois une image de ce qui attend le pays pour les mois à venir.
À l’occasion du lancement des activités organisées dans le cadre de la célébration du centenaire de la déclaration du Grand Liban, qui commencent le 1er septembre 2019 et dureront une année entière, le président de la République prononcera un discours adressé aux Libanais. Michel Aoun a en effet choisi de s’exprimer directement dans le cadre d’un discours officiel, d’abord pour montrer aux Libanais l’importance de cette célébration, et ensuite pour dresser le bilan de ce centenaire au cours duquel le Liban a connu de nombreuses secousses, qui ont frappé sa population, miné les institutions officielles et érodé son image. Mais il est encore là et tient le coup, en dépit du malaise qui semble régner actuellement et qui est principalement dû au fait que la réalité quotidienne n’est pas à la hauteur des attentes de la population.
Dans son discours qui sera diffusé ce soir à 20h, le chef de l’État passera rapidement en revue les grandes étapes de ce centenaire pour en tirer les leçons qui s’imposent et qui devraient permettre aux Libanais de comprendre les points faibles et les lacunes qui sont apparus au cours du siècle écoulé. Mettre en évidence les points faibles est destiné à trouver les moyens de les dépasser. Le président devrait aussi mettre l’accent sur les points forts et donner des conseils pour l’avenir. Ces conseils sont le fruit de sa longue expérience et de sa réflexion profonde sur la signification du Liban, ce petit pays unique au monde et qui, s’il croit en son destin, peut devenir un modèle et un message d’espoir pour les peuples déchirés par les divisions ethniques, religieuses et confessionnelles.
Mais si ce pays préfère perdre son âme et cette diversité qui est au cœur de sa richesse et de sa raison d’être, il ne sera plus qu’un groupe de personnes livrées aux avidités et aux intérêts des uns et des autres. Plus que des idées politiques, c’est un message moral et un rappel des valeurs qui sont à l’origine de l’existence du Liban que Michel Aoun voudrait transmettre aux Libanais. Au passage, le président devrait évoquer les derniers développements, depuis l’agression israélienne contre la banlieue sud, le week-end dernier, pour mettre en avant l’importance de préserver la souveraineté et la dignité du Liban. À ce discours – qui comportera de nombreux messages d’espoir, de confiance dans l’avenir, mais aussi de responsabilisation de toutes les parties pour que le Liban puisse dans cent ans fêter le bicentenaire du Grand Liban dans la sérénité et dans un esprit de continuité –, répondra celui du président de la Chambre Nabih Berry à l’occasion du quarante et unième anniversaire de la disparition de l’imam Moussa Sadr. Le lieu choisi pour le grand rassemblement organisé à cette occasion par le mouvement Amal est, à lui seul, un résumé du contenu du discours de M. Berry. Il s’agit de la place dite de Achoura à Nabatiyé, où, le 16 octobre 1983, de violents affrontements avaient opposé les habitants aux forces d’occupation israéliennes qui voulaient empêcher les fidèles de commémorer le souvenir de cet événement.
Le président du Parlement, qui devrait prononcer son discours vers 18h, devrait commencer par mentionner l’élan d’unité interne qui est apparu après l’agression israélienne contre la banlieue sud, pour insister sur l’importance de l’entente interne face aux incendies qui sont en train de détruire la région. Selon des sources proches de Aïn el-Tiné, M. Berry devrait ainsi évoquer les guerres au Yémen et en Syrie, pour appeler à des solutions politiques. Il devrait aussi évoquer la cause palestinienne et réitérer le refus du Liban du plan américain de règlement du conflit israélo-palestinien, appelé « deal du siècle », avant d’appeler les Palestiniens à l’unité, celle-ci restant à ses yeux une des conditions essentielles de toute victoire.
Le chef du législatif devrait aussi appeler à un dialogue entre l’Iran et l’Arabie saoudite avant d’aborder les questions internes, notamment le dossier du tracé des frontières maritimes et terrestres, pour affirmer qu’il continue à en avoir la charge et que le Liban n’est pas prêt à céder un pouce de territoire ni un mètre cube d’eau. Il devrait enfin parler de la crise économique et de la réunion élargie qui doit se tenir à Baabda lundi pour traiter ce dossier et pour dresser une sorte de feuille de route économique et financière. Par certains points, le discours attendu dimanche du chef des Forces libanaises Samir Geagea, à l’occasion de la messe annuelle en hommage aux martyrs de la résistance libanaise, rejoindra les deux premiers, notamment sur le plan de l’importance des institutions de l’État et du respect de la souveraineté libanaise. Mais pour le chef des FL, ce discours sera l’occasion de dénoncer le fait que les institutions de l’État sont en recul à cause, certes, du Hezbollah, mais aussi de la mentalité clientéliste et de celle qui considère l’État comme un gros gâteau à partager.
Le chef des FL devrait aussi dénoncer les tentatives d’isoler son parti et de l’écarter des institutions en l’oubliant sciemment dans le dossier des nominations administratives. En même temps, il devrait lancer des piques à l’adresse du chef du CPL, le ministre Gebran Bassil, accusé de ne pas avoir respecté « l’entente de Meerab » et du président de la République, en affirmant que la détérioration des relations entre les FL et le camp du président n’a pas seulement nui aux deux parties, mais qu’elle a eu également des répercussions sur le plan national. Il devrait aussi réitérer son appel à une une stratégie nationale de défense donnant à l’État le monopole de la décision en matière de paix ou de guerre. Ces trois discours qui occuperont donc les Libanais ce week-end résument en réalité la situation complexe du pays, tiraillé entre conflits régionaux et pourrissement interne, efforts d’unité et intérêts particuliers.
Ce week-end, le Liban sera pris entre trois discours, d’importances différentes, mais qui donneront à eux trois une image de ce qui attend le pays pour les mois à venir. À l’occasion du lancement des activités organisées dans le cadre de la célébration du centenaire de la déclaration du Grand Liban, qui commencent le 1er septembre 2019 et dureront une année entière, le président...
commentaires (10)
Les Libanais ne sont pas dupes des discours patriotiques et moralisateurs du "fakhamat"et du "dawlat el rais ainsi que des maalis al wazir qui ont conduit le pays a la ruine.
Tabet Ibrahim
07 h 47, le 02 septembre 2019