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Liban - Liban

Déchets : les 25 décharges sanitaires sont la seule solution, affirme Jreissati

« La diabolisation des décharges sanitaires est une erreur », estime le ministre de l'Environnement, lors d'une conférence de presse.

Des déchets accumulés dans une rue au Liban. Photo d’archives/Hassan Assal

Après la brève annonce qui a suivi le Conseil des ministres mardi consacré au débat sur la feuille de route de gestion des déchets présentée par le ministère de l’Environnement, beaucoup de questions restaient en suspens notamment au sujet des trois incinérateurs approuvés (dont celui de Beyrouth qui est un projet du conseil municipal et ne se trouvait pas initialement dans le plan du ministère), mais aussi des sites de décharges prévus par le plan à court terme, qui n’ont pas tous fait l’unanimité.

C'est dans ce contexte que le ministre de l’Environnement Fady Jreissati a tenu jeudi une conférence de presse afin d’expliciter son plan et ce qu’il considère comme des améliorations de ce secteur miné par les soupçons de corruption et la réputation d’inefficacité de l’État depuis des années.


A court terme (2019-2020), le plan du ministère prévoit la création et la réhabilitation de décharges, accompagnée de la création et la réhabilitation de centres de tri. A plus long terme, (2020-2030), l’objectif est de ne plus enfouir que 20% des déchets et d'établir des incinérateurs, deux cités dans le texte original de la feuille de route et un troisième qui est un projet de la municipalité de Beyrouth. Quant au sort des déchets de la moitié de Beyrouth et du Mont-Liban après la saturation prochaine de la décharge de Bourj Hammoud-Jdeidé, ce point reste flou, malgré les questions posées.

Pratiquement, le ministre a confirmé que 10 sites de décharges font l’objet d’un consensus alors que 15 continuent de poser problème auprès de certains responsables. M. Jreissati appelle dès lors les ministres, députés et responsables municipaux « à ne plus compter les voix », en d’autres termes à ne plus privilégier les calculs électoraux.

Interrogé sur le manque de confiance endémique de la population en raison des échecs passés, il précise qu’il veut « remplacer près de mille dépotoirs sauvages par 25 décharges sanitaires, ce qui n’est certainement pas la même chose puisque les secondes sont dotées de systèmes de protection comme une membrane, ou encore une station d’épuration du lixiviat (liquide résultant des déchets) ». « La diabolisation des décharges sanitaires est une erreur », martèle le ministre.

A la question de savoir si les 15 sites de décharges problématiques pourraient faire capoter le plan, à l’instar des refus exprimés par les populations du Liban-Nord de recevoir les déchets de quatre cazas, empilés dans les rues suite à la fermeture d’une décharge sauvage, M. Jreissati précise que les différents responsables ont un délai d’un mois pour proposer d’autres lieux. Sans quoi, les sites premiers seront retenus. A condition que des problèmes politiques et sociaux n’en découlent pas, ce qui est loin d’être acquis…

Pour ce qui est des incinérateurs, sujet polémique s’il en est, le ministre a précisé, en réponse à une question, que « ce qui a été approuvé en Conseil des ministres, ce sont les études d’impact environnemental pour ces usines », confiant son impression que cette question prendra beaucoup de temps et qu’une vague de contestation est à prévoir. Interrogé plus spécifiquement sur l’incinérateur de Beyrouth, approuvé en Conseil des ministres alors qu’il a été rejeté au conseil municipal de la capitale face à la grogne populaire conséquente, M. Jreissati fait valoir que ce projet est bien celui du conseil municipal en vertu de la loi qui favorise désormais la décentralisation, et que c’est donc à ce dernier de communiquer sur son projet (le ministère n’étant concerné que par l’examen de l’étude d’impact). Il confirme en outre que le site proposé pour Beyrouth est la Quarantaine (jusqu’à nouvel ordre), Deir Ammar pour le nord, mais que le site du sud reste à déterminer par Amal et le Hezbollah.


« Les réformes de la feuille de route »
Outre la question de l’infrastructure, M. Jreissati insiste sur les aspects réformateurs de son projet, notamment « le décret sur le tri à la source, approuvé en Conseil des ministres, qui rend cette activité désormais obligatoire ». « C’est la première fois que cela est décrété officiellement au Liban, dit-il. Mais il faut savoir que c’est un processus qui prendra du temps. » Il précise qu’un décret ne peut pas imposer des pénalités financières à l’encontre des contrevenants (il faut une loi pour cela) mais que les municipalités seront libres d’appliquer le décret et de sanctionner.

Toutefois, après des années de prélèvement de fonds dans la Caisse autonome des municipalités pour payer les sociétés privées pour la gestion des déchets, il faut donner aux municipalités les moyens d’appliquer le tri à la source (qui ne dépasse pas les 6 ou 8% aujourd’hui). D’où un projet de loi sur les dispositions financières présenté dans le cadre de la feuille de route, qui est le seul point non encore approuvé par le Conseil des ministres, et devant être examiné par une commission dans un délai d’un mois. Selon le ministre, il s’agit de taxes directes et indirectes : une taxe payée aux municipalités par les foyers, les entreprises, etc., et des taxes telles que celles imposées sur 99 produits qui finissent en déchets difficilement traitables.

M. Jreissati s’étonne du tollé provoqué par la question des taxes, étant donné que « la facture des déchets s’élève déjà de 300 à 350 millions de dollars ». Il ajoute qu’exempter les municipalités du remboursement des dettes qu’elles continuent de devoir aux anciennes sociétés chargées de la collecte et de la gestion des déchets n’a pas été acceptée par les responsables concernés. « Nous avons toutefois introduit une réforme essentielle, consistant à séparer la collecte et le tri du traitement. Ceci signifie que ces tâches seront désormais effectuées par des acteurs différents, ce qui motivera les responsables du traitement à enfouir le moins possible, puisque cela leur coûtera cher », explique-t-il.


La colère des ONG
Certaines annonces faites par le ministre de l’Environnement, notamment en ce qui concerne l’approbation des trois incinérateurs, ont été accueillies avec colère par divers groupes de la société civile. La Coalition civile pour la gestion des déchets, qui tient vendredi une conférence de presse en vue de répondre in extenso aux points figurant dans la feuille de route, a publié mercredi un communiqué dans lequel elle considère que « la décision d’approuver ce texte est intervenue sans études stratégiques pour évaluer ces choix des points de vue sanitaire, écologique, social et économique, avant que la stratégie de gestion des déchets ne soit adoptée, et avant toute étude de faisabilité ». Le communiqué considère que ces décisions « auront un impact sur le peuple libanais pour trente ans au moins ». Il note l’adoption du décret sur le tri à la source, mais le juge « faible et excluant les déchets dangereux », soulignant qu’il « faut attendre son exécution pour en juger de la bonne marche, surtout avec la création prévue d'un grand nombre de décharges et d’incinérateurs ». Et de conclure : « Nous combattrons tous ces mauvais choix afin d’éviter aux Libanais davantage de dégradation écologique. »

Le bureau de Greenpeace dans la région MENA, basé au Liban, a également publié un communiqué demandant au Conseil des ministres de ne pas adopter l’option des incinérateurs, que l'ONG qualifie de « pire des solutions ». Julien Jreissati, directeur des campagnes, a estimé que ces incinérateurs « seront une catastrophe pour le pays », du fait de « l’historique désastreux en matière de gouvernance environnementale et de la situation économique précaire ». « Nous demandons au gouvernement libanais de revenir sur sa décision et d’adopter une feuille de route fondée sur le principe de l’économie circulaire en vue de réduire le volume des déchets (…) au lieu de recourir à des incinérateurs qui transforment les ordures ménagères en cendres toxiques », a-t-il conclu.



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commentaires (4)

C’est une plaisanterie ce plan? Les déchets ça se trie et ça se valorise. Mais commençons par une grande campagne pour empêcher nos concitoyens de balancer leur bouteilles vides par la fenêtre de leur voiture, de ne pas jeter leur mégots par terre et j’en passe. J’ai revisité le site de Byblos aujourd’hui, Baalbeck hier... qu’avons nous fait de notre pays, béni des dieux et devenu la poubelle du monde par incivisme et corruption. Et ce n’est pas en nous comparant à des régions sous la coupe de mafias diverses que nous devons nous réconforter, mais par l’action de nos représentants et de la société civile. Merci également à la presse (le 4ème pouvoir) de s’accrocher sans lâcher, et d’enquêter sur les magouilles et corruptions de nos très riches politiciens.

Bachir Karim

17 h 55, le 30 août 2019

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Commentaires (4)

  • C’est une plaisanterie ce plan? Les déchets ça se trie et ça se valorise. Mais commençons par une grande campagne pour empêcher nos concitoyens de balancer leur bouteilles vides par la fenêtre de leur voiture, de ne pas jeter leur mégots par terre et j’en passe. J’ai revisité le site de Byblos aujourd’hui, Baalbeck hier... qu’avons nous fait de notre pays, béni des dieux et devenu la poubelle du monde par incivisme et corruption. Et ce n’est pas en nous comparant à des régions sous la coupe de mafias diverses que nous devons nous réconforter, mais par l’action de nos représentants et de la société civile. Merci également à la presse (le 4ème pouvoir) de s’accrocher sans lâcher, et d’enquêter sur les magouilles et corruptions de nos très riches politiciens.

    Bachir Karim

    17 h 55, le 30 août 2019

  • "...mais que le site du sud reste à déterminer par Amal et le Hezbollah." Pourquoi? C’est hors de la juridiction du gouvernement?

    Gros Gnon

    17 h 50, le 29 août 2019

  • FAUT TRAVAILLER SUR DES SOLUTIONS ECOLOGIQUES A LONG TERME. CENTRES DE TRIAGE ET USINES DE TRAITEMENT.

    LA LIBRE EXPRESSION

    16 h 59, le 29 août 2019

  • Je suis passé par Naples cet été , cette photo semble être sortie de cette ville . J'y suis pas allé cet été mais la Sicile paraît-il c'est pareil . Pourtant on parle de pays européen avancé .

    FRIK-A-FRAK

    11 h 58, le 29 août 2019

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