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Liban - CONFÉRENCE

À Ehden, un appel à reconstruire dans les sociétés postguerre

Les participants à la conférence d’Ehden. Photo J.F.

Sous le patronage de la municipalité de Zghorta-Ehden, et en collaboration avec l’Institut français de Tripoli, l’Association Pierre Farchakh a organisé une table ronde autour du thème : « Reconstruire dans les sociétés postguerre ». Cette table ronde – la deuxième organisée par l’association cette année – a eu lieu le week-end dernier à al-Koubra à Ehden, au Liban-Nord.

Modérée par Ghassan Tayoun, ingénieur et membre de la municipalité de Zghorta-Ehden, le panel s’est déroulé au bâtiment historique d’al-Koubra, à l’initiative de l’Association Pierre Farchakh. Celle-ci porte le nom d’un jeune et talentueux peintre originaire de Zghorta tué durant la guerre civile. Paulette Farchakh, présidente de l’association, a remercié les quatre intervenants et le modérateur avant de préciser que l’engagement humaniste et démocratique de son frère Pierre s’est construit à travers sa culture foncièrement française. « La France était partie intégrante de sa personnalité. » Elle a aussi précisé que les thèmes des conférences et actions de l’association étaient tirés de la vie et des écrits du défunt artiste.

Sont intervenus, au cours de cette causerie à plusieurs voix, l’ancien ministre Tarek Mitri, le docteur en droit Mohammad Nadim el-Jisr, le chef des départements d’éducation et de psychologie à l’Université de Balamand Samer Annous et l’activiste Zeina Sami el-Hélou.


(Lire aussi : À Ehden, un appel à défendre la liberté d’expression et à lutter par la culture)



Législation et citoyenneté

Dans le bâtiment historique d’al-Koubra, un des sites archéologiques du riche patrimoine d’Ehden, les intervenants étaient unanimes quant à la difficulté de reconstruire une société bouleversée, voire détruite, par la guerre sans l’implication et l’engagement de tous les citoyens. Cette responsabilité donnée à chacun d’entre eux réside tout d’abord dans le dialogue, comme l’a avancé Tarek Mitri. L’ancien ministre a insisté sur l’importance du dialogue, facteur « crucial » dans la reconstruction des sociétés postguerre. M. Mitri a élaboré sur trois types de dialogue, le premier étant quotidien, le second de valeurs, le troisième de citoyenneté (ou entre citoyens).

Le dialogue quotidien, comme l’explique M. Mitri, ne se limite pas aux échanges entre les résidents d’un même territoire. Celui-ci se base sur « les liens forts d’amitié qui vont créer une ambiance de convivialité et de pluralité entre les citoyens, loin des tensions de la guerre civile ». L’ancien ministre regrette la situation « dramatique » au Liban et déplore le vivre-ensemble « mal conçu » par les politiciens, pour qui le mot est synonyme de quote-parts. Il mentionne le dialogue de valeurs, qui repose sur le respect des libertés, la plus importante d’entre elles étant la liberté d’expression qui garantit à chaque citoyen le droit de s’exprimer sur tous les sujets, polémiques notamment.

Tarek Mitri a suggéré de surpasser le confessionnalisme par l’intermédiaire du dialogue, auquel il a attribué des qualités dont « la suspension des jugements sectaires » et « l’inclusion de tous les partis ».

L’engagement des citoyens n’est pas suffisant pour reconstruire une société. En effet, Nadim el-Jisr – grâce à qui la mort tragique de Pierre Farchakh a pu être transformée en une association qui milite pour les valeurs de l’artiste assassiné par la sauvagerie de la guerre libanaise – parle du rôle « législateur » que l’État doit assurer « en donnant la priorité au bien public, durable, qui privilégie la pluralité ; et délaissant le bien commun qui favorise l’individualisme et la compétition malsaine ». Le docteur en droit précise que le rôle du législateur ne se limite pas à réconcilier les individus et organiser le système ; mais il doit aussi fortifier la société, consolider son unité et échapper à ce confessionnalisme qui ronge l’État libanais. « Nous devons utiliser la législation pour créer une nouvelle société basée sur le bien public durable en passant d’un État confessionnel à un État de citoyens », a-t-il dit.

Samer Annous a quant à lu, rappelé l’importance de l’éducation dès le plus jeune âge dans la (re)construction d’une société et mentionné l’échec du Liban dans ce domaine. « Nous avons raté notre chance pour reconstruire, a-t-il affirmé, l’immigration est l’exemple le plus important de cet échec. » De ce fait, M. Annous a comparé la situation européenne après la Seconde Guerre mondiale à la situation libanaise. « Les Européens ont reconstruit leurs sociétés après la guerre, contrairement à nous, qui étions passifs face à cette opportunité. »

Zeina el-Hélou a pour sa part fait remarquer que la reconstruction d’une société postguerre se fait par la mémoire, qui gravite autour du dossier des disparus. « Les 17 000 disparus libanais en Syrie, dont les familles font face à la passivité des États libanais et syrien, sont désormais oubliés », a-t-elle martelé.


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