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Lifestyle - This is America

Le curry rouge, vert et jaune, symbole de l’art et de la fraternité

Trois grandes marmites posées sur un feu doux trônent dans un coin du prestigieux Hirshhorn Museum and Sculptures Garden à Washington dans une installation insolite qui souligne, à sa manière très visuelle, qu’il n’existe pas d’unité spirituelle sans partage de nourritures terrestres.

La dégustation du curry, partie intégrante de l’œuvre. Photo Hirshhorn Museum and Sculptures Garden

Non, il ne s’agit pas d’une réception organisée à l’occasion d’un vernissage mais plutôt d’une invitation ouverte au public, jusqu’au 24 juillet. Une exposition-installation où tout le monde est invité, après les avoir longuement regardées, à déguster, de 11h30 à 13h30, le contenu de ces marmites, à savoir du curry tout chaud. Ainsi en a voulu son auteur, Rirkrit Tiravanija, un célèbre artiste contemporain dont le credo est de toujours « rompre le pain », en l’occurrence un bol de curry. Car, selon lui, peut-être qu’en partageant un même mets, les gens pourraient se retrouver autour de mêmes idées. D’origine thaïlandaise, né en Argentine, Tiravanija (57 ans et fils de diplomate) a vu du pays et pas en touriste. Citoyen du monde, il vit et travaille actuellement entre Berlin, New York et Bangkok. Le centre d’intérêt de sa créativité : la globalisation du monde et surtout ses moult fractures. La directrice du Hishshorn Museum, Melissa Chiu, précise que l’installation de l’artiste, une interactivité culinaire, « offre une nouvelle perspective sur la manière dont l’art est utilisé pour interpréter les problèmes sociaux de notre temps ».

En effet, c’est une œuvre à plusieurs facettes et en train d’être achevée, que l’artiste a conçue sous le titre Who’s Afraid of Red, Yellow, and Green ? (Qui a peur du rouge, du jaune et du vert ?). Sous ces trois couleurs, qui sont celles des curries proposés au public, perce une symbolique existentielle. Elles font référence aux groupes politiques en conflit dans la Thaïlande contemporaine : le rouge représentant les activistes ruraux, le jaune les royalistes et le vert les militaires omniprésents.


Nourriture commune et peintures à plusieurs mains
Cependant, l’artiste ne s’est pas limité à ce qui se passe dans son pays d’origine mais a pris fait et cause pour toutes les tensions qui déchirent la planète et qu’il a étalées sur les murs du grand espace que le musée lui a consacré. Ainsi, Rirkrit Tiravanija a monté un collage d’images et de coupures de presse retraçant les marches protestataires historiques qui se sont déroulées à travers les années et jusqu’à aujourd’hui : notamment la célèbre « March on Washington », la manifestation contre la guerre en Irak et celles, innombrables, pour les droits civils des femmes. Son travail ne s’est pas arrêté là. Il a invité des peintres muraux américains à apposer librement leurs touches sur ses propres compositions, soit dans une nouvelle direction, soit dans la continuité. Une interaction par couches destinée à noircir les murs et qui surprend encore plus les visiteurs car il faut souligner que ce n’est pas courant, pour un musée, d’accueillir une création éphémère incluant nourriture et peinture à plusieurs mains.

La longue carrière de Rirkrit Tiravanija qui développe un talent à plusieurs facettes a défié toute classification. Durant environ trente ans, sa production s’est concentrée sur des expériences en temps réel, éliminant ainsi les barrières entre les objets et les spectateurs. Son style, qualifié de « pas très orthodoxe », s’est imposé dès 1989, dans le cadre du New York Group Show, avec une réalisation intitulée Untitled Empty Parenthesis, (une parenthèse vide, sans titre), qui n’était autre que les restes d’un plat de curry vert.


Regarder et goûter l’histoire impalpable
Puis son art a connu un grand rayonnement avec des passages dans les musées les plus prestigieux du monde, à New York, Los Angeles, Francfort, Vienne, Paris et dans le cadre des Biennales à Venise, Liverpool, São Paulo, au Solomon R. Guggenheim Museum, New York, au Guggenheim de Bilbao et enfin au Hirshhorn Museum.

Il n’a jamais cessé de défier les espaces des galeries d’art, notamment en les transformant en des lieux de convivialité où s’établissent des échanges et se créent des liens autour d’un repas commun. Il a même été jusqu’à inviter les visiteurs à vivre dans la galerie même qui avait été transformée en réplique de son appartement new-yorkais du quartier d’East Village. Son but étant de stimuler davantage l’interaction avec l’art. Et, surtout, précise la curatrice du musée Hirshhorn, « Tiravanija veut permettre de nouveaux échanges en diminuant l’importance des objets, à travers une reconsidération de leur cycle de vie et de leur fonction. Dans le cas de la dégustation de curry, allant selon lui de pair avec ce qui se passe dans le monde, l’artiste demande de regarder, de goûter et de sentir pour mieux saisir ce qui est impalpable dans l’histoire, par le biais donc de l’acte universel du partage de nourriture».



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