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Lifestyle - This is America

« J’Instagram, donc je suis »

Une exposition revient sur l’évolution des moyens utilisés pour échanger des images à travers l’histoire.


24 heures en photos, d’Erik Kessels.

Le Musée d’art moderne de San Francisco (SFMOMA) est remonté aux origines de la culture du partage d’images et l’a retracée dans une exposition intitulée « Snap + Share : Transmitting Photographs from Mail Art to Social Networks » (la transmission de photographies, de l’art postal aux réseaux sociaux). Prendre des photos, les archiver soi-même, les regarder à satiété chez soi, les (re)montrer, mais toujours à partir de chez soi... Cette activité remonte déjà à deux décennies. « Plus précisément, au 11 juin 1997, explique la chargée de presse du musée. Ce jour-là, l’ingénieur logiciel français Philippe Kahn a envoyé à sa famille et ses amis une photographie en couleurs, quelque peu granulée, de sa fille Sophie, peu de temps après sa naissance, à l’aide d’un outil improvisé, composé d’un téléphone portable, d’un appareil photo numérique et d’un réseau en ligne. Cette transmission a marqué un tournant dans l’histoire du partage des photos, élément essentiel dans les nouvelles possibilités de la photographie. » La technologie est montée d’un cran et a accéléré la création, la distribution et la consommation d’images photographiques. Aujourd’hui, ce sont des millions d’images qui sont postées sur internet chaque jour.


Années 70, réseaux sociaux via la poste
La communication par images, toujours très appréciée, s’est concrétisée avec le Mail Art, un procédé épistolaire qui a fait florès dans les années 60 et 70 avec de grands artistes de l’époque, notamment l’Américain Ray Johnson, issu du néodadaïsme et souvent qualifié de père de cet art. Il s’agissait de s’envoyer des missives décorées : cartes postales et lettres comportant des messages et des dessins. La lettre et l’enveloppe devenaient ainsi un support d’expression artistique, un véhicule anticonformiste donnant lieu à des échanges dans lesquels une liberté totale de création était proclamée. Ray Johnson avait aimablement demandé à ses destinataires d’y ajouter de nouveaux éléments de leur cru et de les renvoyer à d’autres pour ne pas casser la chaîne, invitant même les employés de la poste par où transitaient ces enveloppes à en faire de même. Tous, se souciant moins de recevoir une réponse que de prolonger la métamorphose de leur matériel, avaient constitué un réseau de correspondance, annonciateur des actuels réseaux sociaux. On les retrouve à travers certains de leurs travaux qui ont été inclus dans l’exposition « Snap+ Share », notamment avec une installation qui semble la plus proche de la technologie actuelle signée de l’artiste contemporain On Kawara (1933-2014). Datée de 1975, elle s’intitule « I Got Up... » (je me suis levé) et regroupe 56 cartes postales que cet artiste conceptuel envoyait tous les matins à ses amis en précisant l’heure de son réveil.


Instagram, 20 ans et enfant du Mail Art
Clément Chéroux, historien de la photographie, conservateur et commissaire d’exposition français en charge du département de photographie au Musée d’art moderne de San Francisco, précise à ce sujet : « Cette œuvre est un exemple parfait du lien entre l’art postal et les médias sociaux. En envoyant ces cartes postales des années 1970 avec ce genre de message, “Je me suis levé à 8h15”, “Je me suis levé à 8h22”, etc., l’artiste affirme :« Je suis là, j’existe, je suis une personne. Et c’est essentiellement ce que nous faisons aujourd’hui avec Snapchat et Instagram. » Il ajoute que, certes, les échanges de missives datent des débuts de la photographie, mais qu’ils n’ont jamais atteint ce débit que leur ont procuré, aujourd’hui, les réseaux sociaux. « L’actuel procédé est nouveau, mais pas vraiment nouveau, une ambiguïté sur laquelle joue l’exposition. » La critique d’art du New York Times, Jori Finkel, abonde dans ce sens quand elle écrit que ce processus est « évolutionnaire et non révolutionnaire ».


2019, Snapshot via un congélateur
En allant à la recherche des racines du langage moderne constitué de faits et d’images, le musée est entré de plain-pied dans l’expansion de l’art numérique. Parallèlement à la section contant les origines de cet art, il a prévu une autre donnant à voir des réalisations contemporaines dans cet esprit : des vidéos et des installations dans lesquelles des artistes examinent comment l’on partage des images à l’ère numérique. Dans 24Hrs in Photos (2011), d’Erik Kessels, la transmission massive d’images prend une place physique dans une installation immersive, où chaque photo téléchargée sur internet en 24 heures est imprimée et placée dans une seule galerie. Poussant les choses encore plus loin « Snap + Share » n’a pas oublié les œuvres ludiques impliquant les mêmes internet.

Enfin, avant de quitter les lieux, les visiteurs sont invités par l’artiste aux multiples médias, David Horvitz, à mettre leur tête dans un congélateur, où leur photo sera prise et téléchargée à l’aide d’un système de balises reliant virtuellement des milliers de personnes, initiant ainsi, par cet acte partagé, la création de mémoires contemporaines. Le spectacle se termine par Ceiling Cat, une sculpture en trois dimensions du mème félin viral regardant les visiteurs d’en haut.



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