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Liban - Vie politique

Hariri critique avec virulence Bassil et stigmatise la position du Hezbollah

« Le manque de confiance entre Libanais est le plus grand danger pour la République », affirme le Premier ministre lors d’une conférence de presse.

Le Premier ministre libanais, Saad Hariri, lors d’un point de presse au palais présidentiel de Baabda, le 5 décembre 2017. Photo d’archives Mohammad Azakir/Reuters

Décontracté et le débit souvent rapide, le Premier ministre, Saad Hariri, a tenu hier soir une conférence de presse durant laquelle il a réglé certains comptes et mis les points sur les « i ».

M. Hariri a notamment été virulent à l’égard du chef du Courant patriotique libre (CPL), Gebran Bassil, dans un contexte de tensions politiques entre le courant du Futur du chef du gouvernement, et la formation fondée par le président de la République, Michel Aoun.

Saad Hariri s’est également adressé à la communauté sunnite dont il est le leader, tentant de la rassurer et de la défendre après la triple attaque terroriste qui a endeuillé la ville de Tripoli dans la nuit du 3 au 4 juin.

« J’étais honnêtement très dérangé par les propos de M. Bassil dans la Békaa (…). La meilleure chose qu’il ait faite a été de démentir ces propos, mais il aurait dû le faire plus tôt, car les conséquences se sont fait ressentir sur la scène locale et sunnite », a fait savoir Saad Hariri.


(Lire aussi : En odeur d’insanité, l'édito de Issa GORAIEB)


Les « fanfaronnades »

Le chef du CPL avait effectué, il y a quelques semaines, une tournée dans la Békaa-Ouest. Dans des propos à l’emporte-pièce tenus lors de cette tournée – propos repris par les réseaux sociaux –, M. Bassil aurait critiqué ce qu’il a qualifié de « sunnisme politique », estimant qu’il était né « sur le cadavre du maronitisme politique (…) ». Plus récemment, et lors d’une tournée dans le caza de Baabda, le ministre des AE s’en est pris au directeur général des Forces de sécurité intérieure, le général Imad Osman (proche du courant du Futur). Toutes ces prises de position jugées « provocatrices » par les détracteurs du chef de la diplomatie avaient suscité la colère des ténors de la communauté sunnite. Mettant le comble à ses sorties malencontreuses, Gebran Bassil, qui parlait dans le cadre de la conférence Lebanese Diaspora Energy (LDE) dont il est l’initiateur, avait affirmé samedi qu’« il est naturel que nous défendions la main-d’œuvre libanaise face à toutes les autres, qu’elles soient syrienne, palestinienne, française, saoudienne, iranienne ou américaine », lançant « les Libanais avant tout ! ». Ces propos avaient soulevé une tempête de protestations, notamment dans les pays du Golfe, ainsi qu’au sein de la classe politique libanaise, les détracteurs de M. Bassil l’accusant de racisme. Samir Geagea lui avait conseillé de « peser ses mots ».

« Je refuse toute surenchère me concernant et concernant le courant du Futur. Mais nous ne pouvons pas passer sous silence le mal et les propos qui transgressent les lignes rouges, la Constitution et les us et coutumes. Le pays ne peut être dirigé par le biais de fanfaronnades et des propos irréfléchis qui portent atteinte à notre économie », a martelé M. Hariri.


(Pour mémoire : Bassil persiste et signe : Tous les pays donnent la priorité à leurs ressortissants)



Aoun rectifie le tir

Conscient des torts que ces propos pouvaient infliger au partenariat CPL-Futur, le président de la République, Michel Aoun, s’était employé, après ces déclarations jugées « revanchardes et infantiles » dans certains milieux politiques, à tenter de rectifier le tir, consolidant par là la pérennité de l’entente politique élargie de 2016, qui avait donné le coup d’envoi à son mandat.

Ainsi, le ministre d’État pour les Affaires présidentielles, Salim Jreissati, a été dépêché à Dar el-Fatwa, la plus haute instante religieuse sunnite libanaise, pour une rencontre avec le mufti de la République, le cheikh Abdellatif Deriane, afin de calmer le jeu.

« Les relations du Liban avec les États arabes ne dépendent pas de l’humeur de certaines formations et partis politiques. Il est inacceptable de mettre les pays arabes, surtout l’Arabie saoudite, dans le camp des adversaires du Liban », a prévenu hier Saad Hariri. « Il n’y a pas un seul État du Golfe où on ne retrouve des milliers de jeunes Libanais qui y travaillent », a-t-il également rappelé.

M. Hariri a mis en garde contre « les propos racistes » à l’égard des réfugiés syriens au Liban, affirmant que de tels discours « ne peuvent que provoquer des tensions ». Le chef du gouvernement s’est montré tout aussi incisif à l’égard du Hezbollah qui avait critiqué son discours durant le sommet arabe de La Mecque, lorsqu’il avait condamné « les attaques contre les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite », en référence au sabotage de navires au large des Émirats le 12 mai, ainsi que les attaques au drone contre un oléoduc le 14 mai en Arabie saoudite revendiquées par les rebelles houthis au Yémen. Au Hezbollah qui avait jugé que ce discours « représentait le seul point du vue du Premier ministre », Saad Hariri a répondu : « Il serait utile de rappeler que lorsque le chef du gouvernement s’exprime à une tribune, il le fait au nom du Liban. Et c’est au nom du Liban que j’ai pris part au sommet de La Mecque et approuvé ses résolutions. Ma position et mon discours sont conformes à la déclaration ministérielle. Ceux qui pensent le contraire n’ont qu’à revenir à toutes les résolutions des sommets arabes passés pour voir qui est en train de fouler aux pieds la politique de distanciation. »


(Lire aussi : CPL-Futur : Aoun rectifie le tir et redynamise le compromis présidentiel)



Le partenariat avec le CPL

Revenant sur le compromis politique scellé entre sa formation et le CPL, M. Hariri a exprimé son attachement à cette entente. « Certains veulent porter atteinte au compromis (avec le CPL). L’alternative à cette entente est l’inconnu, la discorde et l’affrontement avec le chef de l’État. Certains ont évoqué la mort de cette entente. Peut-être que cette entente, ce partenariat, était une aventure, et c’est vrai que cette décision était à contre-courant et ses conséquences se sont manifestées lors des législatives de mai 2018. Mais nous avons fait des sacrifices pour protéger le pays », a insisté M. Hariri.

« Le respect de l’accord de Taëf était le point le plus important de l’entente politique. Les sunnites sont des partenaires qui ne chercheront pas de soutien étranger. Ils sont le nerf du pays, et sans nerf un pays ne peut exister. En toute honnêteté, je dis aux Libanais, et surtout aux sunnites, le plus grand mensonge est de dire que l’entente s’est faite aux dépens des intérêts sunnites », a affirmé le chef du gouvernement afin de faire taire ses détracteurs.

« Les prérogatives du Premier ministre se portent bien et personne ne peut les violer. Lorsque nous protégeons le pays, nous empêchons la discorde et le conflit syrien d’atteindre (le Liban). Lorsque nous organisons les conférences de la CEDRE, de Rome et de Bruxelles (…) nous protégeons le rôle historique des sunnites du Liban. Je poursuis le chemin tracé par Rafic Hariri », a-t-il poursuivi.


(Lire aussi : Le PSP et le Futur s’écharpent autour d’une querelle au conseil municipal de Chehim)



Le manque de confiance

« Je vais voir le président de la République et lui parler en toute sincérité pour lui dire que le manque de confiance entre Libanais est le plus grand danger pour la République. Le chef de l’État est une garantie pour nous tous et pour le vivre-ensemble. Tout problème a une solution, mais il ne faut pas croire qu’on peut éliminer l’autre », a ensuite dit M. Hariri.

Par ailleurs, en réponse à des questions des journalistes, le Premier ministre a répété que « la relation avec le président Aoun est spéciale ». « Tout ce que j’ai dit à propos de Gebran Bassil, je le dis avec conviction. Nous voulons bâtir un État et mettre en œuvre des projets. La relation avec M. Bassil existe, elle connaît certaines tensions. Nous ne voulons éliminer personne mais nous ne voulons pas qu’on nous élimine non plus. »


Les attaques de Tripoli

Par ailleurs, Saad Hariri a évoqué les attaques de Tripoli menées par un islamiste qui s’est fait exploser après avoir tué deux policiers et deux soldats. « Un terroriste ne changera rien à Tripoli. Elle restera la ville de la modération et du vivre-ensemble. Tripoli sait qui a créé Fateh el-Islam, et qui a exporté les terroristes en les libérant de ses prisons », a dit M. Hariri, en allusion au régime du président syrien Bachar el-Assad. Sa formation a fait l’objet de campagnes qui l’accusent de soutenir des islamistes. « Des questions inutiles ont été soulevées, notamment sur le fait de savoir pourquoi l’auteur des attaques avait été libéré. Le tribunal militaire l’avait condamné et il avait subi sa peine de prison », a relevé M. Hariri.


L’ingérence dans l’affaire Ziad Itani

En outre, Saad Hariri a abordé l’affaire Itani, du nom du metteur en scène libanais Ziad Itani qui avait été faussement accusé d’espionnage au profit d’Israël et emprisonné.

« Il est inacceptable qu’un juge fasse cavalier seul et mène une campagne contre les Forces de sécurité intérieure (FSI) et la branche des services de renseignements de la police. Cela est inacceptable et toute couverture politique qui lui est accordée est inacceptable. Je n’accepterai pas que quelqu’un porte atteinte aux institutions militaires et sécuritaires. L’armée, les FSI, la Sûreté générale et la Sécurité de l’État appartiennent à tous les Libanais, et ne peuvent être taxées de confessionnalisme », a dit M. Hariri, en allusion au commissaire du gouvernement près le tribunal militaire, Peter Germanos. Le parquet militaire a acquitté l’ancienne directrice du bureau de lutte contre la cybercriminalité au sein des Forces de sécurité intérieure (FSI), Suzanne el-Hajj, dans cette affaire.

Mme Hajj avait été arrêtée le 2 mars 2018, suivie par le pirate informatique Élie Ghabach, pour « fabrication de fausses preuves » contre le réalisateur Ziad Itani ainsi qu’en raison de « piratages et cyberattaques visant des sites de ministères, de services de sécurité et de banques libanaises, et d’autres sites au Liban et à l’étranger ». Ils étaient tous deux accusés d’avoir faussement dénoncé M. Itani auprès de la direction générale de la Sécurité de l’État au moyen de documents falsifiés selon lesquels le dramaturge aurait commis des actes criminels, alors qu’ils le savaient innocent. À l’issue du procès devant le tribunal militaire, Mme Hajj a été innocentée et M. Ghabach condamné à un an de prison. Ce jugement a provoqué des tensions politiques, notamment entre des responsables du courant du Futur et le Courant patriotique libre.

« Évidemment qu’il y a eu interférence dans le dossier de Ziad Itani, car ce qui s’est passé est anormal », a jugé M. Hariri, en réponse aux journalistes.


« Walid, c’est Walid »

Enfin, le Premier ministre a commenté les récentes tensions entre sa formation et celle du leader druze Walid Joumblatt, son allié. « Walid, c’est Walid », s’est contenté de dire M. Hariri. Le courant du Futur de M. Hariri et le Parti socialiste progressiste de M. Joumblatt s’étaient écharpés ce week-end sur la rotation à la présidence de la municipalité de Chéhim, gros village sunnite de l’Iqlim el-Kharroub. Dans plusieurs municipalités au Liban, les membres du conseil municipal s’entendent entre eux pour changer de président à mi-mandat, une pratique généralement destinée à refléter au mieux la complexité des alliances contractées.

Saad Hariri a également déploré durant sa conférence de presse le retard accusé dans l’approbation du projet de budget de l’année en cours par le gouvernement, dénonçant les formations politiques qui selon lui accordent leur feu vert à la loi de finances en Conseil des ministres, mais la critiquent au Parlement à travers leurs groupes parlementaires respectifs.


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Rectificatif : Ayez le courage de démissionner avant que l'on vous démette. Dont acte.

Un Libanais

16 h 42, le 12 juin 2019

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Commentaires (7)

  • Rectificatif : Ayez le courage de démissionner avant que l'on vous démette. Dont acte.

    Un Libanais

    16 h 42, le 12 juin 2019

  • LE GENDRE EST DEPUIS TOUJOURS UN PARAVENT... DES REVES FUTURS Y IMPOSENT !

    LA LIBRE EXPRESSION

    16 h 34, le 12 juin 2019

  • Bientôt notre pauvre pays sera comme la Libye: dominé par des milices de toutes sortes, dont la principale et plus puissante est financeé et armée par l'Iran et se prétend "résistante". Quelques grosses-têtes puissantes prenant les ordres de Damas, Riyadh, aux USA etc. gèrent le reste en tenant le petit peuple sous leur coupe, le laissant végéter dans un désordre général et une misère grandissante. L'Etat Libanais ? Il n'existe plus depuis longtemps ! Il y a bien un soi-disant chef de l'état planqué dans son palais, juste bon à recevoir des délégations de toutes provenances, à qui il fait des déclarations...c'est tout ! Et dans les coulisses de ce palais circule celui qui s'imagine prendre le relais de beau-papa...bientôt... Notre avenir s'annonce brillant, comme celui de la Libye ! Irène Saïd

    Irene Said

    15 h 55, le 12 juin 2019

  • "Défendre la main-d'oeuvre libanaise face à toutes les autres, qu'elles soient syrienne, palestinienne, française, saoudienne, iranienne ou américaine" (sic) il a oublié la sri-lankaise... Depuis quand les Français, les Saoudiens, les Américains, les Iraniens viennent-ils travailler au Liban ? Tout cela n'est que du blabla de l'incompétence du gendre du beau-père. Ayez le courage de démissionner avant que l'on vous démettre.

    Un Libanais

    13 h 17, le 12 juin 2019

  • AH. SI SEULEMENT ON DIVULGUE LES CLAUSES DE CET "ACCORD" ENTRE AOUN & HARIRI AUQUEL ILS TIENNENT SI FORTEMENT , TOUT COMME CELUI DE MEERAB QUI AVAIT DEVOILE UN HONTEUX PARTAGE DE "BUTIN" CHRETIEN ENTRE LES 2 SIGNATAIRES PRINCIPAUX !

    Gaby SIOUFI

    09 h 50, le 12 juin 2019

  • Que fait le gendre a Londres alors qu'il n y a plus un gouvernement en Angleterre pour prendre des decisions apres le depart de Mm May. Je pensais que le nouveau budget essayait d'arretter les depenses de voyages inutiles peut etre un autre match de football apres Madrid? de toute facon le Liban se porte mieux quand il est a l'etranger a la condition qu'il ne parle pas

    LA VERITE

    02 h 45, le 12 juin 2019

  • Comment en est-on arrivé là ? Par quelles tortueuses tractations les partis libanais (en particulier le Futur et les FL) se sont convaincus que le Président et son Gendre vont sauver le pays pourvu qu'on leur donne un mandat et un bloc parlementaire imposant, sans parler du soutient des armes de la milice au service d'une nation étrangère ? Depuis plus de dix ans, partout ou il a passé , le Gendre a fait des vagues, le moins qu'on puisse dire qu'elles étaient toutes dévastatrices. Alors ce n'est pas aujourd’hui ou demain que le Gendre va changer. Il est triste de constater donc que le pays est frappé d'une maladie incurable et que tous les politiciens (TOUS) en portent la grave responsabilité. Comment les politiciens peuvent dormir la nuit après avoir lu et écouté les opinions des citoyens à leur sujet. La honte devrait les frapper comme la foudre.

    Romulus Maximus

    02 h 03, le 12 juin 2019

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