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En odeur d’insanité

Sur plus d’un continent, le populisme a actuellement le vent en poupe ; tout comme pour l’alphabet phénicien, cependant, le Liban peut très bien prétendre se pousser au tout premier rang des précurseurs. Dans quel autre pays, en effet, des démagogues au pouvoir iraient-ils jusqu’à décréter, à la veille d’élections, et bien qu’en pleine connaissance du désastre budgétaire à venir, une hausse générale des traitements et salaires ?


De cette grossière entreprise de flatterie visant les foules, deux illustrations nous étaient offertes le week-end dernier. En d’autres temps la première, par son côté plutôt bon enfant, aurait pu prêter à sourire. On y a vu le ministre de l’Environnement faire la tournée des plages pour s’assurer que les braves citoyens et les ONG, répondant à son appel, s’acquittaient parfaitement de la corvée de nettoyage du littoral qui leur avait été assignée. Pas si mauvaise, à première vue, était l’idée de mettre à contribution la population pour tenter de lui donner de bonnes habitudes. Car autant les Libanais sont soucieux de propreté et de netteté chez eux, autant ils sont souvent portés à souiller la nature, et même les voies publiques.


Mais en y regardant de plus près, cette singulière beach-party écologique s’avère n’être qu’un ridicule coup de pub, là où s’imposait un bon coup de pioche. Car on ne peut s’empêcher de se demander ce que fait de constructif et de nouveau le ministère de l’Environnement lui-même pour régler une crise des ordures ménagères qui, depuis des années, attend ne serait-ce que l’amorce d’un début de solution. Quatre mois et demi après la formation du gouvernement, aucune ébauche de plan d’action articulé n’a encore été annoncée. Dès lors, rien ne sert de ramasser bouteilles et sacs de plastique sur les plages, comme quand on va à la chasse aux coquillages, quand des tonnes de détritus continuent de s’échapper quotidiennement des décharges criminellement aménagées sur la côte. Or ces décharges surchargées, on ne parle pas de les supprimer mais, au contraire, de les développer. Et la puanteur alors? Pas de problème, on va vous désodoriser tout ça, promettent très sérieusement les responsables. Reste à savoir si on offrira aux riverains le choix entre ambiance rose, violette, jasmin ou fleur d’oranger : douces-amères folies auxquelles peut mener, au Liban, la force de l’inertie…


***

Carrément dévastatrice est cependant l’énergie, quand elle est placée en de mauvaises mains. Le vibrionnant ministre des AE et gendre du président de la République n’en manque certes pas qui, en provoquant tour à tour les diverses fractions du pays, cause objectivement plus de tort au régime que pourraient le faire tous ses détracteurs réunis. C’est encore sous le signe de l’énergie que Gebran Bassil a placé la cour effrénée qu’il fait aux émigrés, dont il se veut le providentiel rassembleur. Et c’est en s’adressant samedi dernier aux délégations de la diaspora réunies en congrès à Beyrouth, qu’il a fait assaut de xénophobie, et même de racisme, en évoquant, en termes on ne peut plus maladroits, la priorité de l’emploi revenant aux Libanais.


Au nombre des travailleurs immigrés jugés indésirables, Bassil aura trouvé moyen de citer notamment… les Saoudiens. On voit mal pourtant des sujets du riche royaume se porter candidats à un quelconque job de pompiste ou d’ouvrier en bâtiment, dans un pays qui s’estime fort heureux de les accueillir plutôt en touristes. Toujours est-il que les Saoudiens, eux, ont vu rouge : plus d’un chef d’entreprise rappelant vertement à l’imprudent ce qu’il adviendrait des centaines de milliers d’expatriés libanais travaillant dans le royaume si la doctrine Bassil devait y avoir cours.


Le comble pour un diplomate (un diplomate en chef, de surcroît), c’est bien de mettre continuellement les pieds dans le plat. Le comble de l’infortune pour le Liban est de voir Monsieur Gendre vissé aux Affaires étrangères : là, précisément, où il fait le plus de dégâts. Et ce ne sont pas hélas les classiques rappels à l’ordre du chef du gouvernement, hier encore réitérés, qui y mettront bonne fin.


Issa GORAIEB
igor@lorientlejour.com

Sur plus d’un continent, le populisme a actuellement le vent en poupe ; tout comme pour l’alphabet phénicien, cependant, le Liban peut très bien prétendre se pousser au tout premier rang des précurseurs. Dans quel autre pays, en effet, des démagogues au pouvoir iraient-ils jusqu’à décréter, à la veille d’élections, et bien qu’en pleine connaissance du désastre budgétaire à...