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Lifestyle - Coolitude

Des rêves sucrés sur Instagram

La pâtisserie dans ses plus beaux atours s’invite sur la Toile à travers une caméra qui donne l’eau à la bouche.

Un « Shag Cake » coloré. Photo Bigstock

Ces temps où les grands chefs, enfermés dans leur cuisine, tour d’ivoire, n’en finissaient pas de concocter les saveurs les plus parfaites, sont révolus. Depuis l’avènement des réseaux sociaux, la nourriture n’est plus uniquement faite en intérieur et pour flatter le palais : exposée à tous, elle est devenue multisensorielle. Une expérience à partager. Ainsi, les toques blanches se sont surpassées pour offrir des pâtisseries tant gastronomiques que visuelles. Et, dans ce contexte, autant que les ingrédients et l’expérimentation, c’est l’effet qui est recherché. Les spécialistes, conscients du pouvoir des médias sociaux, se sont donc mis à pétrir, enfourner et décorer des pâtisseries dans tous leurs états et dans leurs plus beaux atours. Avec un savoir-faire, une finesse et un bon choix des matières et des couleurs, l’effet artistique sur la Toile était assuré.

Tout a commencé lorsque les accros aux réseaux sociaux, de parfaits inconnus, qui avaient réussi des babas au rhum, des tartes à tous les fruits et autres mont-blancs et gâteaux au chocolat, ont fièrement posté leurs performances sur Instagram. Le succès aidant, les pros ont eux aussi mis la main à leur prodigieuse pâte et presque délaissé leur vitrine alléchante pour exhiber photographiquement leurs saveurs sur leurs différents comptes, attirant followers, clients et admirateurs qui cherchaient des inspirations dans ces desserts d’une grande créativité. La magie d’Instagram aidant, les femmes au foyer, les chefs en devenir, les gourmands et les gourmets se sont mis de la partie. Parallèlement, les célèbres confectionneurs de ces gâteries se sont taillés une place de choix en ligne.


Performances culinaires en ligne
Nous avons suivi quelques-uns d’entre eux, guidés d’abord par Kirsten Tibbals, célèbre chef pâtissière et chocolatière australienne qui, ayant bien étudié cette nouvelle voie, s’explique : « L’internet, dit-elle, a eu la plus grande influence qui soit sur la pâtisserie d’aujourd’hui. Ainsi, l’on peut actuellement assister de visu à la manière de travailler des grands noms des desserts qui réalisent leurs spécialités devant le public, en les présentant au mieux, alors, qu’auparavant, on attendait pour pouvoir les découvrir dans des images figées sur le papier glacé des magazines. Tout cela stimule les talents et les techniques. »

Par ailleurs, et parmi de nombreux Français dont la finesse des desserts est inégalable, Cédric Grolet, le chef pâtissier du palace parisien étoilé Le Meurice, est devenu une star sur Instagram avec ses créations audacieuses déclinant ses gâteux en trompe-l’œil de fruits. L’an dernier, son compte sur Instagram est devenu viral avec plus d’un million de followers. Cyril Lignac, chef et propriétaire du restaurant gastronomique Le Quinzième, star de la télévision, n’est pas en reste avec ses 582 000 abonnés. L’irrésistible ascension de ce créneau a entraîné l’apparition de multiples sites qui ont notamment adopté la formule du « comment faire pour bien réussir », allant des éléments de base, l’ouverture d’un compte Instagram pâtissier jusqu’à la stratégie pour en faire un business. Une grande attention a également été donnée à la technique photographique qui diffère de celle employée pour les ouvrages culinaires. Fernanda Capobianco, fondatrice de la célèbre Vegan Divas Bakery et très visitée sur son compte Instagram, a bien étudié la chose. Elle n’hésite pas à partager son expérience avec le grand public en matière d’images à poster après avoir rassuré le néophyte : « Vous n’avez pas besoin d’avoir recours à un photographe professionnel chaque fois que vous voulez mettre en ligne vos recettes. Il s’agit de faire une image bien nette et précise. » Ses indications sont claires. Elle conseille, avant tout, de choisir un bon background (nappes, table en bois ou tout autre élément), qui fasse ressortir la préparation concoctée. Puis d’utiliser un service de retouche simple, précisant, « sans être de vrais pros, vous pouvez ainsi poster de très belles photos. Et puis, de votre délice doit émaner quelque chose d’humain, car vous ne voulez pas que votre douceur apparaisse comme juste un produit mis en vente ».


« Shag Cake » et peintures à l’huile comestibles
Même le très sérieux quotidien New York Times a récemment consacré un article sur les surprenantes présentations portant la signature de Ganda Suthivarakom et intitulé These Tools Might Make Your Cakes Instagram Famous (ces ustensiles peuvent rendre vos gâteaux célèbres). Les pâtisseries postées se font de plus en plus sophistiquées et savamment décorées, devenant apparemment difficiles à réaliser pour les non-connaisseurs. À l’intention de ces derniers, l’article dévoile le mode d’emploi pour réussir un Shag Cake (recouvert de vermicelles colorées), aussi bien qu’une comestible peinture à l’huile en sucre glacé. En fait, une panoplie habituelle (cornet à crème, lames de boulangers, lisseur de glaçages et autres pinceaux, colorants et pièces à divers usages), mais utilisée de façon inhabituelle.


Les gâteaux du peintre Wayne Thiebaud, ancêtres d’Instagram
Bien avant l’avènement de la Toile, celui qui avait été surnommé « Le peintre des desserts » étalait sur cimaise des copies conformes de tout ce que l’on trouve dans les pâtisseries du pays de l’Oncle Sam. Ses tableaux portent des noms simples et clairs : Pies, Pies, Pies, Candy Machine, Cakes, Girl with Ice Cream Cone, Three Strawberry Shakes, Lemon Cake. Son nom à lui, Wayne Thiebaud (98 ans aujourd’hui), est couramment associé au pop art en raison de son intérêt pour les objets de culture de masse américaine, bien que ses œuvres, exécutées dans les années cinquante et soixante, soient de ce fait antérieures aux œuvres des artistes emblématiques de ce mouvement. Thiebaud utilise des pigments et des couleurs crues pour peindre ses sujets, qu’il souligne avec la précision caractéristique de la publicité de l’époque. C’est d’ailleurs sa marque de fabrique. Ses œuvres les plus célèbres demeurent la représentation de gâteaux présentés dans des cafétérias, ce qui n’est pas vraiment étonnant, puisque l’un de ses premiers emplois, à Long Beach, avait pour cadre un café où l’on servait des pâtisseries, des glaces et des hot-dogs. L’artiste se concentre sur la banalité avec ironie et distance vis-à-vis de ses sujets. D’autre part, il met un point d’honneur à conserver son indépendance par rapport à l’école de New York, laquelle réclamait son inspiration du surréalisme et des mouvements d’avant-garde. Il était plutôt un grand admirateur de l’art commercial qu’il a également exercé, se concentrant ainsi sur la visualisation et la visibilité qui allaient être portées à leur apogée par la création, en 2010, du mégadiffuseur d’images, Instagram.



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