Rechercher
Rechercher

Moyen Orient et Monde - Éclairage

Une nouvelle « boîte à outils » pour parer à l’incertitude du risque de catastrophes

Le GRAF est une nouvelle plateforme, créée sous l’égide du Bureau des Nations unies sur la réduction du risque, visant à fédérer tous les efforts en vue de mieux prévoir les risques à venir et d’innover en matière de solutions.

Le panel d’experts qui a lancé le GRAF jeudi à la conférence. Photo Moustapha Raad

C’est sous les applaudissements nourris d’une salle pleine à craquer que la naissance du GRAF (Global Risk Assessment Framework, ou cadre global pour l’estimation du risque) a été annoncée jeudi à la conférence internationale du Bureau des Nations unies sur la réduction du risque (UNDRR), qui s’est tenue du 15 au 17 mai à Genève. Dans un cadre aussi professionnel, une telle effusion est rare et mérite d’être soulignée. Alors, pourquoi cette nouvelle plateforme – à propos de laquelle les mots « connectivité », « inclusion », « mise en commun des données », « solutions innovantes » sont souvent prononcés – suscite-t-elle un tel engouement ?

Le GRAF est à la base une idée lancée par 16 experts mondiaux, dont le Libanais Chadi Abdallah, chercheur au CNRS. Il sera conçu comme un outil scientifique et social multidisciplinaire visant à bouleverser la compréhension et l’action de prévention du risque de catastrophes. Il sera autant utile pour l’élaboration de politiques nationales que pour répondre aux besoins d’acteurs locaux, régionaux, ou de la société civile. En marge de la conférence de l’UNDRR, quatre experts qui font partie du comité du tout nouveau GRAF livrent leurs impressions à L’Orient-Le Jour sur cette initiative en laquelle ils placent de grands espoirs.

« Le GRAF vise à pourvoir un cadre aux scientifiques et à toutes sortes d’acteurs concernés par la gestion du risque ou l’évaluation des risques de catastrophe, qui ouvrira la voie aux échanges et rapprochera les personnes intéressées en vue de pourvoir ou de recueillir des informations. L’objectif de cette initiative est de faciliter la prise de décision dans le domaine du risque », explique John Schneider, secrétaire général du Global Earthquake Model.

L’activité au sein du GRAF sera très interactive, impliquant un échange de données dans les deux sens. « Les gouvernements et tous les acteurs concernés seront invités à partager leurs données, leurs analyses, leurs expériences, et en retour, nous pourrons leur offrir une analyse faite par des scientifiques sur l’intégration systématique de la gestion et la prévention du risque dans toutes les politiques, l’adoption d’une méthodologie plus scientifique, et sur les outils qui aident à adapter cette information à la prise de décision », explique M. Schneider. Sur un plan institutionnel, le GRAF bénéficiera d’une coordination du secrétariat de l’UNDRR, ajoute-t-il, avec un groupe d’experts déjà en activité et un groupe de travail qui sera bientôt formé.


(Lire aussi : La présence des déplacés syriens « complique notre réaction aux catastrophes »)


Faire converger les expertises

« Notre compréhension du risque a beaucoup évolué ces dernières années », souligne pour sa part Marc Gordon, chef de l’unité d’analyse globale du risque au sein de l’UNDRR, notant que celle-ci est passée d’une approche traditionnelle en rapport avec la réaction aux conséquences des catastrophes naturelles à celle, pluridimensionnelle et dynamique, d’une analyse bien plus vaste et inclusive du risque. « C’est là que l’on a compris le besoin du GRAF, une structure qui nous permettrait d’inclure les variables responsables de la genèse, de la propagation et de la prévention du risque, ce qui est essentiel pour dessiner les contours d’un développement vraiment durable, explique-t-il. C’est une évolution très importante dans la manière dont la communauté chargée de la réduction du risque conçoit son rôle dans l’assistance des pays, villes, communautés, foyers… à atteindre une certaine résilience en perspective de 2030 et au-delà. »

Selon l’expert, avec les impacts grandissants du changement climatique qui pourraient dépasser les prévisions, il n’est pas possible de prévoir ce que sera la vulnérabilité des humains et de l’environnement à ce stade. « Le GRAF fera converger les différentes expertises dans une approche pluridisciplinaire afin de nous permettre de comprendre l’interaction de domaines qui n’avaient pas été mis en contact auparavant, insiste M. Gordon. C’est ainsi que nous saurons quelles sont nos options et pourrons proposer des solutions efficaces aux décideurs. »


(Lire aussi :  Comment l’intégration du risque de catastrophes peut sauver le développement durable)




Le dialogue à tous les niveaux

Si une image permet de résumer ce qu’est le GRAF, c’est celle qu’en donne David Green, directeur de la division des catastrophes et des sciences de la terre à la NASA : celle d’une « boîte à outils ». « Le nom même du GRAF peut paraître très abstrait, comme s’il avait été créé par un groupe restreint dans une salle fermée, explique-t-il. J’ai employé cette image pour le rapprocher des gens, puisque le sens même d’un cadre est qu’il fournit un espace commun. »

« L’image de la boîte à outils apporte aussi l’idée de la réparation de ce qui doit l’être, poursuit-il. De plus, faire face au risque est une préoccupation de tout un chacun, qu’il s’agisse d’un pays, d’une communauté, d’une organisation, d’un business… Il est plus que probable que chacun ait une activité en rapport avec la prévention du risque comme la création d’une carte, d’un service approprié, d’une initiative de sensibilisation, ou de la production d’images comme nous le faisons à la NASA. D’un autre côté, les pays qui se sont engagés auprès des différentes conventions internationales ont besoin d’outils pour prendre les bonnes décisions. Ils pourront ainsi puiser dans cette boîte à outils. »

Avoir autant d’informations à gérer, provenant d’acteurs aussi diversifiés, sera sans nul doute un énorme défi… « L’un des défis sera celui d’établir la communication par le dialogue, afin que les gens apprennent à se connaître et à savoir à qui proposer leurs solutions par exemple, ou auprès de qui prendre leurs informations, souligne-t-il. On ne peut garder les techniciens en cercle fermé, il faut engager le dialogue à tous les niveaux. »


(Lire aussi  : « Mettre les sciences et la technologie au cœur de notre compréhension des risques de catastrophes »)




Accepter l’incertitude et s’engager dans l’innovation

Pour comprendre tous les facteurs qui entourent les causes des catastrophes et proposer des solutions vraiment innovantes, il faut commencer par accepter un certain degré d’incertitude. C’est l’idée exprimée par Kirsten Dunlop, présidente de l’organisation Climate KIC, qui propose depuis une dizaine d’années des solutions environnementales innovantes.

« Je m’implique dans le GRAF parce que, malgré les multiples réussites de mon organisation, nous constatons que l’effet en est amoindri par le fait qu’il s’agit d’efforts fragmentés, dit-elle. Et c’est là le défi du GRAF, celui de commencer par analyser les causes des catastrophes actuelles et ce à quoi il faut s’attendre, nous permettre de comprendre pourquoi autant de facteurs sont en jeu. Ces changements que nous allons expérimenter du fait des bouleversements climatiques, de la perte de biodiversité et autres, ne sont pas linéaires, ils ne peuvent être contrôlés et traités à travers des solutions purement techniques ni par des changements graduels. Il nous faut des modifications structurelles et radicales. »

Et d’ajouter : « Notre rôle sera de créer l’environnement qui permettra aux gouvernements nationaux ou locaux, ou à tout autre acteur, d’opérer ces bouleversements profonds dans leur approche du risque, sans prétendre détenir toutes les réponses. Nous serons obligés de faire des expériences aussi diverses que possible, de partager ces expériences entre nous et d’en extraire des informations judicieuses aussi rapidement que possible. »


Lire aussi 

Don italien au HCR de 1,7 million d’euros au profit des réfugiés syriens

Aoun menace l’UE de coordonner avec Damas le retour des réfugiés

La France « n’est pas insensible » aux conséquences de la présence des réfugiés syriens au Liban

C’est sous les applaudissements nourris d’une salle pleine à craquer que la naissance du GRAF (Global Risk Assessment Framework, ou cadre global pour l’estimation du risque) a été annoncée jeudi à la conférence internationale du Bureau des Nations unies sur la réduction du risque (UNDRR), qui s’est tenue du 15 au 17 mai à Genève. Dans un cadre aussi professionnel, une telle...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut