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Moyen Orient et Monde - Éclairage

Comment l’intégration du risque de catastrophes peut sauver le développement durable

La grande conférence du bureau des Nations unies sur la réduction du risque (UNDRR) s’est ouverte hier à Genève. Avec une idée phare : inclure les risques croissants de catastrophes dans les politiques mondiales.


La grande conférence du bureau des Nations unies sur la réduction du risque (UNDRR) s’est ouverte hier à Genève. Photo S. B.

« La science est claire : le monde doit changer, mais nous ne devons pas laisser les crises nous vaincre pour autant. Il faut rendre nos sociétés plus résilientes. » C’est ainsi que Mami Mizutori, vice-secrétaire générale du bureau des Nations unies sur la réduction du risque (UNDRR), a résumé hier au centre international de conférences à Genève la situation dans un monde où, changement climatique aidant, les catastrophes naturelles prennent de plus en plus de place dans le quotidien des populations.

Cette agence onusienne spécialisée dans le risque de catastrophes naturelles préconise, à travers un cadre de travail international baptisé du nom de la ville japonaise de Sendai et adopté en 2015, que la communauté internationale et les pays membres ne se focalisent plus sur la réponse aux crises après le drame, mais qu’ils se concentrent sur la prévention dans des politiques qui investiraient davantage dans la réduction du risque. En effet, l’occurrence des catastrophes est un frein notoire au développement, neutralisant les investissements qui y ont été faits. Les chiffres sont éloquents : malgré les progrès dans le développement, les cas extrêmes se multiplient et les catastrophes forcent 50 000 personnes par jour à quitter leur maison, selon un représentant du gouvernement suisse qui s’exprimait à la séance inaugurale. Ces risques grandissants sont donc sans surprise un frein important au développement.

Pour comprendre l’ampleur des phénomènes, quelques chiffres fournis par l’UNDRR : entre 1998 et 2017, 45 % des victimes ont souffert des inondations, soit deux milliards au total, 33 % de sécheresse (1,5 milliard), 16 % des tempêtes (726 millions de personnes), et le reste se répartit sur les tremblements de terre (125 millions), les températures extrêmes, les glissements de terrains, les feux de forêts, les éruptions volcaniques…

Ces phénomènes naturels sont d’autant plus dévastateurs que les communautés sont vulnérables, d’où l’importance de la réduction des risques prônée par l’agence onusienne, qui passe par la préparation de meilleures stratégies nationales, le renforcement des bases de données et de la compréhension du contexte des risques de catastrophes, la construction d’infrastructures adaptées… en vue de prévenir au mieux les souffrances des populations et le coût économique de ces grands événements.

Tel est le paradigme de changement au cœur de ce grand rassemblement mondial, la Plate-forme mondiale pour la réduction des risques de catastrophes, qui a vu hier en marge de la conférence inaugurale le lancement du rapport 2019 sur l’évaluation globale de la situation dans le monde. Ce texte prend en compte les sept priorités du cadre d’action international Sendai : réduire la mortalité due aux catastrophes, réduire le nombre de personnes affectées, protéger l’économie et minimiser les pertes dues aux catastrophes, minimiser les impacts sur la santé et l’éducation, augmenter le nombre des pays ayant réalisé des stratégies nationales d’ici à 2030, renforcer la coopération internationale et, enfin, adapter l’infrastructure aux risques projetés.


(Lire aussi  : « Mettre les sciences et la technologie au cœur de notre compréhension des risques de catastrophes »)


Éviter les cloisonnements

Le rapport 2019 commence par encourager au changement profond dans les mentalités, afin d’améliorer la compréhension des événements. Il estime que traiter les questions du risque secteur par secteur, et cloisonner les solutions qu’on y apporte, n’a pas de conséquences positives étant donné le caractère transdisciplinaire de tels problèmes. « Le risque est complexe, il faut sortir de la compartimentation dans la recherche afin de concevoir les problèmes dans leur globalité en y apportant toutes les disciplines scientifiques et technologiques », souligne le document.

L’un des grands apports du cadre d’action de Sendai a été de mettre en avant la notion que les catastrophes sont un frein au développement par leurs conséquences dévastatrices, et que l’investissement dans la prévention est primordial. Or cet investissement a jusque-là été minime : le rapport précise que seulement 5,2 milliards de dollars ont été investis dans le monde dans la réduction des risques entre 2005 et 2017, soit à peine 3,8 % des investissements dans le développement international. Or, ce schéma ne tient pas compte des risques grandissants de catastrophes dans le monde, sachant que les investissements en vue de répondre aux conséquences des catastrophes sont 20 fois plus élevés que ceux qui sont alloués à la prévention : il faut, selon le rapport, comprendre l’exposition au risque et la vulnérabilité des populations avant de concevoir le développement, sous peine d’en minimiser l’efficacité. Et cela devrait se traduire dans l’action internationale, autant au niveau du changement climatique que des autres grandes conventions.

« Le grand amplificateur »

Sans surprises, le texte considère le changement climatique comme « le grand amplificateur » de tous les risques, et une cause majeure de la multiplication des catastrophes naturelles dans le monde (d’où le fait que le cadre de Sendai se place dans la continuité de l’accord de Paris sur le changement climatique, adopté la même année). « Une hausse dans la mortalité comme dans les pertes et dommages dus aux catastrophes neutralisera bientôt les actions, jusque-là insuffisantes, qui ont été engagées pour y faire face, étant donné que l’objectif de 1,5 degré de hausse de température de la terre sera probablement atteint plus rapidement que prévu », selon le texte. Toute réduction des risques de catastrophes doit donc tenir compte des changements constatés sur le terrain dus au réchauffement climatique croissant. Pour cela, le rapport suggère des bases de données internationales accessibles à tous, ainsi que le renforcement des bases de données nationales, notamment dans les pays les plus vulnérables et les moins développés. Des données scientifiques sur base desquelles les décisions politiques doivent être prises.

Enfin, le texte évoque l’importance de la décision politique (qui fait souvent défaut), appelant les gouvernements à une planification en vue de temps difficiles, notamment en mettant en place des stratégies nationales d’ici à 2020 (le Liban prépare la sienne qui devrait être adoptée d’ici à la fin de l’année), tout en insistant sur l’importance d’une action multilatérale prenant en compte tous les acteurs concernés, surtout la société civile. « Parce que faire face aux risques est l’affaire de tout le monde », souligne le texte.






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