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Liban - ONU

La présence des déplacés syriens « complique notre réaction aux catastrophes »

À Genève pour une conférence internationale sur la réduction des risques, le mohafez de la Békaa souligne l’impact négatif des concentrations de déplacés.


Le mohafez Kamal Aboujaoudé présent à Genève. Photo Moustapha Raad

Les personnes déplacées de Syrie ont quitté leur pays en raison de la guerre, mais leur présence dans les pays qui les accueillent, notamment au Liban, aggrave la capacité de ces pays à gérer les risques de catastrophes naturelles. Dans le cadre de la Plateforme mondiale pour la réduction des risques de catastrophes 2019, organisée du 15 au 17 mai à Genève par le Bureau des Nations unies sur la réduction du risque (UNDRR), Kamal Aboujaoudé, mohafez de la Békaa, a été invité à intervenir pour évoquer la crise des déplacés syriens au Liban, particulièrement aiguë dans sa région. Une session sur le déplacement des populations, considéré comme une des conséquences et un des défis majeurs auxquels fait face la gestion des risques. M. Aboujaoudé a parlé à L’OLJ de sa vision des problèmes, exacerbés par ce flux important sur le territoire libanais depuis 2011.

« Cette plateforme internationale vise à sonder les réponses apportées par les pays au niveau de la gestion des catastrophes qui y ont lieu, souligne-t-il. On a demandé au Liban d’intervenir sur le poids supplémentaire que représente la présence des déplacé syriens sur notre capacité à gérer les catastrophes, à réagir à leurs conséquences et à s’y préparer. »

Et d’ajouter : « Les conséquences de ce flux migratoire sur les capacités de l’État libanais se sont aggravées d’année en année, à tous les niveaux. Le mohafazat que je représente accueille le plus grand nombre de déplacés, de l’ordre de 500 à 550 000 personnes, dans une région où les trois cazas (Zahlé, Békaa-Ouest et Rachaya) totalisent une population de près de 550 000 habitants. Soit une population totale qui a doublé en très peu de temps. Voilà pourquoi la capacité de l’État à faire face à tout type de catastrophe naturelle – inondation, glissement de terrain, tempête de neige – subit une pression supplémentaire, parce que le nombre d’habitants à secourir a doublé. De plus, les déplacés syriens se trouvent presque tous dans des camps précaires, très exposés aux différents risques, notamment aux inondations. »

Cet hiver a été particulièrement rigoureux, rappelle le mohafez. « Plus d’un camp s’est retrouvé inondé, à Bar Élias, Qab Élias, Jeb Jannine, Haouch el-Harimé, etc., souligne-t-il. Nous avons dû évacuer plusieurs familles pour sauver des vies. »

Le Liban, dit-il, souffre à plus d’un niveau de cette présence de déplacés en grand nombre. « D’un point de vue économique, la croissance a brutalement chuté, de 8 % à 1 %, en très peu de temps, affirme M. Aboujaoudé. Le secteur touristique a baissé de 30 %. Le secteur foncier a également souffert, et ainsi de suite. »



(Lire aussi :  Comment l’intégration du risque de catastrophes peut sauver le développement durable)


Un poids à plus d’un niveau

« On m’a demandé de me confiner à la réponse apportée par le Liban à ce défi grandissant en relation avec les risques de catastrophes naturelles, et non pas (d’exposer) de manière générale le poids du flux des déplacés sur l’État, répond le mohafez de la Békaa. Mais en tant qu’État libanais, nous ne pouvons ignorer les conséquences globales de ce flux de déplacés sur notre pays, d’autant plus que cette difficulté croissante à faire face aux risques est l’un des aspects de cet état de fait. Nous ne pouvons isoler cet aspect des autres et j’exprime cela clairement dans mon intervention. »

Le mohafez estime par ailleurs que la stratégie que prépare l’Unité de gestion des risques, relevant de la présidence du Conseil des ministres, en matière de gestion et de réduction des risques ne devrait pas inclure le facteur relatif aux déplacés. « C’est une situation supposée être temporaire, il serait périlleux de la considérer comme un facteur à long terme, affirme-t-il. En tant qu’État libanais, nous appelons au retour sécurisé des déplacés dans leur pays. Et sur le terrain, nous nous comportons de manière très humaine avec les problèmes que peuvent rencontrer ces personnes, refusant qu’elles soient affectées par quoi que ce soit et les protégeant en toutes circonstances. Mais cette tâche devient de plus en plus difficile… »



(Lire aussi  : « Mettre les sciences et la technologie au cœur de notre compréhension des risques de catastrophes »)


28 millions de déplacés en 2018

La Syrie a également été citée dans un rapport important sur la migration interne dans les différentes régions du monde. Le rapport a été lancé au cours de la conférence, publié par le Conseil norvégien de réfugiés (NRC) et le Centre de monitoring de la migration interne (IDMC).

Ce nouveau rapport datant de 2019 montre que les nouveaux déplacés en raison de conflits durant l’année 2018 totalisent près de 10,8 millions de personnes, concentrées principalement en Éthiopie, en République démocratique du Congo et en Syrie (malgré une baisse de l’intensité des combats dans ce pays). Quelque 41,3 millions de personnes sont estimées aujourd’hui vivre dans un état de déplacement interne dans 55 pays, en raison de conflits, dont près de 31 millions dans dix pays seulement, le plus haut taux jamais enregistré.

Les populations déplacées en raison de catastrophes naturelles se montent à 17,2 millions de personnes dans 144 pays. Principaux responsables : les tempêtes, particulièrement les cyclones tropicaux, les pluies de mousson (3,8 millions aux Philippines et 2,7 millions en Inde, notamment). Les chiffres restent inexistants ou insuffisants dans le cas de phénomènes moins brutaux, comme les conséquences de la sécheresse par exemple, quoique l’étude estime que ces cas auraient causé plus de 760 000 déplacements dans plusieurs pays.

De manière générale, si l’on combine les conflits et les catastrophes naturelles, suivant le rapport, on obtient le chiffre astronomique de 28 millions de nouveaux déplacés en 2018.


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Mille merci, Monsieur Kamal Aboujaudé, Mohafez de la Bekaa, d'avoir eu le courage d'expliquer en détails la vérité aux participants de cette conférence de l'UNDRR à Genève, sur les conséquences néfastes de la présence de ces nombreux réfugiés syriens dans notre pays ! Irène Saïd

Irene Said

08 h 40, le 17 mai 2019

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Commentaires (1)

  • Mille merci, Monsieur Kamal Aboujaudé, Mohafez de la Bekaa, d'avoir eu le courage d'expliquer en détails la vérité aux participants de cette conférence de l'UNDRR à Genève, sur les conséquences néfastes de la présence de ces nombreux réfugiés syriens dans notre pays ! Irène Saïd

    Irene Said

    08 h 40, le 17 mai 2019

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