Comme à chaque fois, le discours du secrétaire général du Hezbollah était très attendu dans les milieux politiques et populaires. Mais celui de lundi dernier l’était encore plus que d’habitude parce qu’il était destiné à répondre aux informations publiées dans les médias, selon lesquelles il aurait évoqué la possibilité d’une guerre meurtrière contre Israël dans le courant de l’été qui verrait la mort de la plupart des commandants du parti.
Une partie importante du discours du « sayyed » a effectivement été consacrée à ces informations, Hassan Nasrallah se voulant rassurant et insistant sur le fait qu’il ne croit pas à l’éclatement d’une guerre israélienne contre le Liban au cours de l’été. Il a même poussé l’ironie jusqu’à suggérer que l’auteur de l’article qui parle d’une réunion privée entre le chef du Hezbollah et les principaux cadres du parti soit primé pour son imagination et sa fabrication de trames narratives totalement infondées, en tant que brillant auteur de scénarios virtuels.
Dans la logique de l’attitude du Hezbollah concernant l’agressivité des Israéliens, Nasrallah a précisé que, comme toujours, il faut s’attendre à tout de la part d’un tel ennemi, mais, malgré cela, et en se basant sur les données en sa possession, il lui paraît pratiquement difficile que les Israéliens lancent une attaque contre le Hezbollah dans le courant de l’été, non pas parce qu’ils ne le veulent pas, mais, selon lui, parce qu’ils ne le peuvent pas. Il a rappelé ainsi la panique provoquée en Israël par la chute d’un missile, tiré de Gaza, au nord de Tel-Aviv, ajoutant : si un seul missile a provoqué une telle panique, que serait-ce si les Israéliens attaquaient le Hezbollah et que celui-ci ripostait avec les missiles en sa possession ? Nasrallah a aussi rappelé que toutes les manœuvres préparatoires menées ces derniers temps en Israël ont montré que le « front interne » n’est pas prêt pour une nouvelle guerre, qu’il s’agisse de l’état des abris, de l’infrastructure et des services d’urgence.
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Pour toutes ces raisons, le chef du Hezbollah estime qu’il y a peu de risques qu’Israël lance une nouvelle offensive contre le Liban cet été. Il a même placé ces rumeurs dans le cadre de la guerre psychologique et d’une volonté de saboter la saison estivale au Liban qui s’annonce pourtant prometteuse. Alors que le ministre du Tourisme avait annoncé, dans une conférence de presse tenue il y a quelques jours, que des milliers de touristes sont attendus cet été au Liban et que de nombreux hôtels affichent déjà complet sur le plan des réservations, les rumeurs sur une nouvelle guerre visent à détruire ces signes encourageants pour que le Liban continue de baigner dans un marasme économique, estime-t-il.Les propos de Hassan Nasrallah ont eu un effet immédiat tant sur le plan populaire qu’au niveau des responsables, d’autant qu’il a réitéré ses appels au dialogue, à l’entente et au calme interne, allant même jusqu’à appeler ses partisans et les Libanais en général à garder espoir. Il a aussi évoqué des possibilités de solution à la crise économique et financière, tout en insistant sur le fait que le Hezbollah n’a qu’une seule condition : que les mesures qui doivent être prises ne touchent pas la classe défavorisée.
Démentir les rumeurs sur la possibilité d’une nouvelle guerre israélienne et rassurer les Libanais ont ainsi constitué les principaux objectifs du discours du « sayyed ». Mais sur la situation régionale, Nasrallah s’est montré évasif. Alors qu’il a coutume de donner à son auditoire des scénarios précis sur les développements régionaux, il s’est contenté, lundi, d’exprimer sa révolte contre la politique de l’actuelle administration américaine en Iran mais aussi au Yémen et dans l’ensemble de la région. Il a même appelé ses partisans à considérer désormais l’administration américaine comme le véritable ennemi, ajoutant que les Israéliens et les groupes jihadistes et terroristes ne sont que des instruments entre ses mains.
Selon lui, le président américain ne cesse de jeter de l’huile sur le feu et d’alimenter les conflits et les guerres qui déchirent les pays du Moyen-Orient, dans le but de faire passer ce qu’il appelle « le deal du siècle » et de piller en même temps les ressources de ces pays. Nasrallah a même affirmé qu’il s’adresse aux populations et aux jeunes générations, parce qu’il est vain de miser sur les gouvernants actuels.
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Certains ont interprété cette partie du discours comme un signe d’impuissance face à l’administration américaine. D’autres, au contraire, ont vu dans ces attaques d’une grande violence comme une sonnette d’alarme sur la possibilité de l’éclatement d’un conflit à large échelle entre l’Iran et les États-Unis, suite à la décision américaine d’empêcher toute exportation du pétrole iranien, après celle de mettre les gardiens de la révolution (une institution officielle qui représente une bonne partie de l’économie du pays) sur sa liste des organisations terroristes. D’un ton solennel et grave, Nasrallah s’est demandé : où ces gouvernants sont-ils en train de mener la région ? En laissant en suspens la réponse à cette question.Les prochaines semaines risquent donc d’être décisives pour la région. Cette situation régionale critique ne devrait-elle pas suffire à pousser les différentes parties libanaises à agir le plus rapidement possible pour mettre le Liban à l’abri des tempêtes régionales potentielles ?
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Israël , cette grande puissance régionale montre ,à toutes occasions ,une couardise paradoxalement agrémentée d'une arrogance quand il s'agit d'enfreindre les accords de l"ONU . Ses avions militaires ne cessent , en toute impunité ,de violer l'espace aérien libanais par ses randonnées diurnes et nocturnes . .. Notre pays est fort heureusement, nanti d'un sayyed Hassan Nasrallah, la seule bête noire qui fait trembler l'ennemi israélien . Merci Scarlett pour ce décryptage aussi logique que riche en informations.
17 h 42, le 24 avril 2019