Rechercher
Rechercher

Liban - Liban-Syrie-Israël

La décision US sur le Golan aura-t-elle des répercussions sur le sort des fermes de Chebaa ?

« Maintenir le flou sur la libanité des hameaux est une brèche offerte à l’axe syro-iranien et au Hezbollah », affirme à « L’Orient-Le Jour » l’analyste politique Sami Nader.

La position géographique des fermes de Chebaa. Image sous licence Creative Commons

La décision officielle prise lundi par le président américain Donald Trump de reconnaître la souveraineté d’Israël sur le plateau du Golan syrien occupé a suscité hier une vague d’appréhensions et de mises en garde quant au risque pesant sur le sort des fermes de Chebaa, un secteur de 25 km2 à la frontière entre le Liban, le Golan syrien et Israël, dont toutefois l’identité libanaise n’est pas consacrée à ce jour.

Parmi les responsables ayant exprimé des craintes pour le Liban après la décision des États-Unis, le mufti de la République, Abdellatif Deriane. Il a mis en garde contre « tout laxisme à l’égard d’une atteinte au droit du Liban sur les terres que les sionistes continuent d’occuper dans les fermes de Chebaa et les collines de Kfarchouba ». Le même avertissement a été lancé par l’ancien président Émile Lahoud : « La décision du président américain (...) entraînera la perte par le Liban d’une partie de son territoire », a-t-il estimé, appelant les Libanais dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux à « savoir ce que signifie remettre le Golan à l’État israélien ». Le comité des habitants du Arkoub et des fermes de Chebaa a condamné de son côté la décision du président Trump, qualifiant cet acte de « sinistre », avant d’appeler le gouvernement à « prendre des mesures urgentes pour protéger les droits du Liban dans les fermes de Chebaa et les collines de Kfarchouba ».


(Lire aussi : Des trous dans le réquisitoire, l'édito de Issa GORAIEB)


Refus syrien

Ces inquiétudes et ces appels se heurtent cependant au fait que, jusqu’ici, le droit international ne reconnaît pas la libanité des fermes de Chebaa, du fait du refus des autorités syriennes de procéder à un tracé de la frontière et d’adresser les cartes et documents nécessaires aux Nations unies.

Contacté par L’Orient-Le Jour, l’analyste politique Sami Nader note que « le Liban n’a pas obtenu à ce jour de la Syrie une reconnaissance officielle de la libanité des fermes de Chebaa ». Il évoque le litige entre les deux pays au sujet de ces terres, relevant que « la Syrie les avait annexées de facto dans les années 50 en y déployant des unités de police syrienne ». « Si le Liban veut renforcer sa position face à Israël et aux États-Unis, il faudrait d’abord qu’il presse les autorités syriennes de lui fournir des documents confirmant que ces terres lui appartiennent, documents qu’il devra, le cas échéant, présenter aux Nations unies », observe M. Nader, expliquant que « du point de vue du droit international, il s’agit de territoires syriens annexés par Israël durant la guerre des Six-Jours (juin 1967) ».

Lors de son offensive militaire, l’armée israélienne avait combattu dans cette zone des militaires syriens et non libanais. Le Liban n’avait pas participé à la guerre, à l’issue de laquelle le Conseil de sécurité de l’ONU a appelé Israël, dans la résolution 242, à se retirer des territoires arabes conquis, y compris le Golan Syrien, assimilant les fermes de Chebaa à ce territoire.

Dans la résolution 425 adoptée à la suite de la première invasion israélienne du Liban-Sud, en 1978, le Conseil de sécurité de l’ONU avait demandé à Israël de retirer ses forces de tout le territoire libanais. Lorsqu’en mai 2000, l’armée israélienne s’est retirée de la bande frontalière occupée, mais en demeurant dans les fermes de Chebaa, l’ONU a considéré que la résolution 425 a été totalement appliquée et que les fermes de Chebaa appartiennent au Golan syrien, occupé par Israël.

M. Nader affirme que « maintenir le flou sur le statut des fermes de Chebaa est une brèche offerte à l’axe syro-iranien et au Hezbollah pour légitimer toute opération de nature militaire que le parti chiite voudrait entreprendre sans pour autant enfreindre les résolutions onusiennes ».


(Lire aussi : Le Golan et les possibilités d’une nouvelle guerre, le décryptage de Scarlett Haddad)


Fait accompli

Karim Bitar, professeur à l’Université Saint-Joseph et directeur de recherches à l’IRIS (Institut des relations internationales et stratégiques), relève dans le même ordre d’idées qu’« après le retrait d’Israël en 2000, le litige sur les fermes de Chebaa a permis au Hezbollah de conserver ses armes ». « Cela dit, si Israël s’était retiré de ce territoire, d’autres prétextes auraient été avancés, comme l’appropriation des sept villages et d’autres zones dont la démarcation n’a jamais été clairement établie », ajoute-t-il.

En tout état de cause, à supposer que les fermes de Chebaa soient considérées comme faisant partie du territoire libanais, la reconnaissance américaine de la souveraineté d’Israël sur ces territoires implique-t-elle une reconnaissance de l’ONU et du droit international ? M. Bitar répond par la négative, estimant toutefois que « la décision de l’administration Trump risque de créer un fait accompli, sachant que les États-Unis demeurent une superpuissance et que les autres membres permanents, à savoir la France, le Royaume-Uni, la Russie et la Chine, n’ont pas les moyens de s’y opposer ».


Lire aussi

Après l’attaque de Pompeo, Nasrallah sur la défensive


Pour mémoire

Le Liban demande à Israël de cesser ses travaux sur une partie de la frontière

Dans la zone frontalière sous l’emprise du Hezbollah, on veut « provoquer Israël »

Plus de 75 % de la frontière entre le Liban et Israël est déjà marquée

Ces murs que construit Israël à toutes ses frontières

La décision officielle prise lundi par le président américain Donald Trump de reconnaître la souveraineté d’Israël sur le plateau du Golan syrien occupé a suscité hier une vague d’appréhensions et de mises en garde quant au risque pesant sur le sort des fermes de Chebaa, un secteur de 25 km2 à la frontière entre le Liban, le Golan syrien et Israël, dont toutefois l’identité...

commentaires (6)

Si je me trompe pas de Marjaoun on voit une colline et les fermes ? Je me souvients que mon portable à sonné en me disant " welcome to Israel " et j'étais au Liban.....

Eleni Caridopoulou

16 h 18, le 27 mars 2019

Tous les commentaires

Commentaires (6)

  • Si je me trompe pas de Marjaoun on voit une colline et les fermes ? Je me souvients que mon portable à sonné en me disant " welcome to Israel " et j'étais au Liban.....

    Eleni Caridopoulou

    16 h 18, le 27 mars 2019

  • De jure ou de facto, cela ne change rien, c'est agacant c'est tout.

    Rossignol

    15 h 35, le 27 mars 2019

  • qui ne se rappelle pas de la panique des moumanaistes d'alors- pas encore rejoints par m aoun et son cpl - Panique hilarante lors de l'annonce du retrait des israeliens de 2000 ?

    Gaby SIOUFI

    13 h 04, le 27 mars 2019

  • CERTES CAR LES FERMES DE CHEBAA ONT ETE PRISES DE LA SYRIE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 49, le 27 mars 2019

  • Je me pose une question simple, si une RÉSISTANCE des habitants du Golan syrien usurpé venaient à prendre les armes pour libérer leur territoire usurpé, est ce que les libanais à l'unanimité trouveraient juste que cette résistance se fasse par les armes ? Si je considère que les remarques tournent toujours autour du fait que l'état syrien n'a jamais rien fait pour libérer ce golan usurpé, je n'ai aucun doute sur la réponse des libanais , et même des liba-niaises.

    FRIK-A-FRAK

    08 h 40, le 27 mars 2019

  • « maintenir le flou sur le statut des fermes de Chebaa est une brèche offerte à l’axe syro-iranien et au Hezbollah pour légitimer toute opération de nature militaire que le parti chiite voudrait entreprendre sans pour autant enfreindre les résolutions onusiennes ». Bien entendu! C'était le seul objectif de Hafez el Assad en déclarant la libanité des Fermes de Chebaa, tout en refusant de consacrer ce fait par un document en bonne et due forme.

    Yves Prevost

    07 h 27, le 27 mars 2019

Retour en haut