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À La Une - algérie

Bouteflika parti, les Algériens dans la rue pour maintenir la pression

Les protestataires appellent au départ des "3B", Abdelkader Bensalah, Tayeb Belaiz et Noureddine Bedoui, trois hommes-clés de l'appareil mis en place par le président algérien et à qui la Constitution confie les rênes du processus d'intérim.

Des Algériens participant à une manifestation à Alger, le 5 avril 2019, pour demander le départ du système mis en place par l'ex-président Abdelaziz Bouteflika, après la démission de ce dernier, le 2 avril 2019. Photo AFP / RYAD KRAMDI

Une foule immense a de nouveau envahi le centre d'Alger et les principales villes d'Algérie vendredi, le premier depuis le départ du président Abdelaziz Bouteflika, pour dire désormais leur refus de toute implication de ses anciens fidèles dans la transition politique.

Confronté à une contestation populaire inédite déclenchée le 22 février, M. Bouteflika, 82 ans et très affaibli depuis un AVC en 2013, a démissionné mardi après 20 ans passés au pouvoir.

Déterminés à se débarrasser du "système", les Algériens sont à nouveau descendus en nombre dans la rue, pour le septième vendredi consécutif.
D'imposants cortèges ont défilé à Oran, Constantine et Annaba, 2e, 3e et 4e villes du pays, ont rapporté des journalistes de médias algériens sur place.

L'agence de presse officielle APS a recensé des manifestations dans 41 des 48 régions, rendant compte de façon inédite des slogans très hostiles au pouvoir. L'essentiel des manifestations sont terminées et le gigantesque rassemblement d'Alger se dispersait progressivement peu après 19h00 (18h00 GMT). Aucun incident n'a été signalé à travers le pays.

"On ne pardonnera pas !", scandent notamment les manifestants, en référence à la lettre d'adieu mercredi du chef de l'Etat, dans laquelle il a demandé pardon aux Algériens.

Arrivé tôt le matin de Boumerdès près d'Alger, Said Wafi, 42 ans, employé d'une banque publique, voulait "être le premier manifestant contre le système. Le départ de Bouteflika ne veut rien dire si ses hommes continuent à gérer le pays".
"Bouteflika était très malade, il ne gouvernait pas en réalité et rien ne changera s'il part seul et laisse ses hommes", renchérit Samir Ouzine, un étudiant de 19 ans.

Avec sa démission, le néologisme "vendredire", inventé par les contestataires et signifiant "manifester joyeusement", a acquis sur les réseaux sociaux, un sens supplémentaire : "faire chuter un régime dictatorial pacifiquement".



(Lire aussi : Pour les médias algériens, il y a un « avant et un après-22 février »)



Appel au départ des "3B" 
Dans une vidéo postée sur internet, l'avocat Mustapha Bouchachi, une des voix de la contestation, a appelé les Algériens à faire de vendredi "un grand jour". "La démission du président ne signifie pas qu'on a eu réellement gain de cause".

Les protestataires appellent au départ des "3B", Abdelkader Bensalah, Tayeb Belaiz et Noureddine Bedoui, trois hommes-clés de l'appareil mis en place par M. Bouteflika et à qui la Constitution confie les rênes du processus d'intérim.
Président depuis plus de 16 ans du Conseil de la Nation (chambre haute) par la grâce de M. Bouteflika, M. Bensalah est chargé par la Constitution de le remplacer pour trois mois à la tête de l'Etat, le temps d'élire un successeur lors d'une présidentielle. Tayeb Belaiz, qui fut durant ces 16 ans ministre, préside -pour la deuxième fois de sa carrière- le Conseil constitutionnel, chargé de contrôler la régularité du scrutin. Le Premier ministre Noureddine Bedoui était jusqu'à sa nomination le 11 mars le très zélé ministre de l'Intérieur et aux yeux des manifestants l'"ingénieur en chef de la fraude électorale et ennemi des libertés", comme l'a qualifié le quotidien francophone El Watan.

"S'en tenir à la Constitution", et confier l'intérim et l'organisation des élections à des hommes incarnant le système, "va probablement susciter pas mal de protestations, les contestataires doutant que les élections soient équitables (...) et libres", estime Isabelle Werenfels, chercheuse associée à l'Institut allemand pour les Affaires internationales et de Sécurité.
A la place, les manifestants appellent à la mise sur pied d'institutions de transition à même d'engager des réformes et d'organiser des élections libres.


(Lire aussi : Entre amertume et espoir, les Algériens tirent le bilan des années Bouteflika)



"L'armée et le peuple sont frères" 
"L'après Bouteflika n'est pas clair. La rue et les partis" d'opposition "appellent à une nouvelle Constitution, une nouvelle loi électorale", souligne Hamza Meddeb, chercheur sur le Moyen-Orient à l'Institut universitaire européen de Florence. L'Algérie entre dans "la phase la plus délicate (...)".

Grand vainqueur de son bras de fer avec l'entourage de M. Bouteflika, qu'il a contraint in fine à quitter le pouvoir, le général Ahmed Gaïd Salah, chef d'état-major de l'armée, apparaît comme l'homme fort du pays actuellement. Mais, souligne Hasni Abidi, directeur du Centre d'études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen à Genève, "la rue est devenue le nouvel acteur dans la vie politique algérienne" et "on ne connaît pas grand-chose des intentions de l'armée concernant la gestion de l'après-Bouteflika".

D'autant que le général Gaïd Salah est lui aussi largement perçu par les manifestants comme un homme du "système" Bouteflika qu'il avait fidèlement servi depuis sa nomination à la tête de l'armée en 2004.

"L'armée et le peuple sont frères", ont scandé les manifestants vendredi à Alger.
"Nous voulons recouvrer notre liberté, notre souveraineté. (...) J'espère vivre assez longtemps pour vivre la démocratie dans mon pays", confie Saïd Zeroual, 75 ans, les larmes aux yeux.
Cet espoir a, pour l'heure, fait renoncer Zoubir Challal à tenter de traverser la Méditerranée à la recherche d'un avenir meilleur, comme de nombreux Algériens. La pancarte que ce chômeur de 28 ans porte dit : "Pour la première fois, je n'ai pas envie de te quitter mon pays".



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