Il régnait une ambiance douce et conviviale dans ce hall de style oriental où s’étaient assemblés la presse, les artistes et les habitués du Festival de Beiteddine. Un piano planté en arrière-plan laissait présager les surprises que la présidente du festival Nora Joumblatt avait annoncées auparavant. « Nous célébrons trente-cinq ans de festival. Trente-cinq ans à brandir l’arme de l’espoir contre celle du désespoir, dira Nora Joumblatt, celle de l’ouverture contre le cloisonnement et de la joie face à la peine. » Et de poursuivre : « Pour témoigner de cette énergie artistique libanaise, cette édition a voulu présenter, entre autres programmes, des jeunes talents libanais d’ici et de la diaspora. »
Quant aux ministres respectifs du Tourisme et de la Culture, Avédis Guidanian et Mohammad Daoud, ils ont pris la parole pour mettre l’accent sur la crise financière que traverse le pays, tout en avouant qu’ils seraient prêts à joindre leurs efforts afin d’appuyer ces festivals qui sont une bouffée d’oxygène pour le pays. Même discours pour la SGBL qui, de la bouche de son représentant Habib Khoury, a tenu à affirmer ses 20 ans de fidélité au festival.
Langages musicaux divers
Dévoilé par la suite par Nora Joumblatt, le programme était entrecoupé d’intermèdes musicaux annonciateurs qui en mettaient plein la vue, voire plein les oreilles puisque l’édition 2019 décline en grande partie en récitals, concerts ou comédie musicale.
Les surprises étaient nombreuses et de taille à cette conférence. D’abord en ouverture du festival, le 18 juillet, une world première : un grand compositeur libanais, Gabriel Yared, ramène au pays après une absence de 30 ans une chanteuse à la voix d’or, Yasmina Joumblatt, pour chanter trois titres de son arrière grand-mère Asmahan et neuf autres inédites composées par le duo. À cette occasion, Gabriel Yared s’installera au piano de cette scène improvisée et, accompagné par la belle Yasmina, racontera en musique puis en paroles cette folle aventure et surtout cette réconciliation avec les notes orientales. « Et moi, qui avais quitté il y a cinquante ans le Liban en pensant ne plus y revenir », dit-il. Ce concert, organisé en collaboration avec la Fondation Liban Cinéma, sera sous la houlette de l’Orchestre philharmonique libanais, dirigé par le maestro Dirk Brossè. Il est suivi le 20 juillet par une soirée unique, voire magique où l’acteur français Gérard Depardieu chantera Barbara aux sons du piano de Gérard Daguerre.
(Pour mémoire : Carla Bruni dérange les pierres de Beiteddine)
Les 24, 25 et 26 juillet, place à la comédie musicale Broken Wings, écrite et composée par l’Anglo-Libanais Nadim Naaman et par Dana al-Fardan. Inspirée du roman poétique de Gibran Khalil Gibran, ce musical en anglais, interprété d’abord en Angleterre, revient au pays natal de l’écrivain libanais. Après avoir présenté un petit extrait, Nadim Naaman demande : « Pourquoi cette comédie a-t-elle été écrite en anglais ? » Et de répondre sans hésiter : « Parce que l’Occident a besoin de comprendre Gibran. L’Orient l’a déjà compris. »
Le 30 juillet, c’est au tour de la musique classique de faire entendre sa voix par les notes croisées des compositeurs Abdel Rahman el- Bacha et Billy Eidi. Avant de laisser la place à l’incontournable Kazem el-Saher dans trois représentations, les 1er, 2 et 3 août. Le chanteur irakien ne pouvait, en effet, ne pas être présent à cette célébration surtout qu’il fête lui-même ses vingt ans de fidélité avec le festival.
Le 6 août, un nouveau talent perce sous les murailles du palais de Beiteddine. C’est Omar Rahbany, un jeune compositeur qui, accompagné de son ensemble, présentera ses derniers morceaux sous le titre Passport.
L’éventail musical serait incomplet s’il n’y avait pas de jazz ou de blues au programme et c’est le Monday Blues Band, ce groupe formé d’amateurs et de professionnels – dont notamment l’éditorialiste de L’Orient-Le Jour Issa Goraieb – et déjà connu du paysage artistique libanais, qui égaiera la soirée du 8 août car comme le dira le leader du groupe, Kamal Badaro, lors de la conférence : « Donnez-moi deux minutes afin que je vous prouve que le blues n’est pas triste », et de sauter illico derrière le piano. Et d’en faire la preuve.
Beiteddine clôture enfin ses festivités le 10 août par le concert du chanteur marocain Abdou Chérif, surnommé le « nouveau rossignol ». En hommage au grand Abdel-Halim Hafez qui aurait fêté son 90e anniversaire, Chérif interprétera les plus beaux tubes de l’icône du Caire. Tout au long du festival, deux expositions de photos s’affichent comme d’habitude à l’entrée du palais : celle de Jack Dabaghian, intitulée « Les maîtres du Secret » sur la communauté druze. Et les photos de Ammar Abd Rabbo de la « Syrie, mon pays qui n’existe plus ».
Pour mémoire
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commentaires (3)
Yasmina chantera, entre autres, trois titres de son arrière-grand-mère Asmahan. J'ose espérer que l'une d'elle serait "Nawet adari alami" que je n'ai plus entendue depuis 1941 (78 ans).
Un Libanais
18 h 43, le 21 mars 2019