L'ancien Premier ministre libanais Fouad Siniora, mis en cause par le Hezbollah pour avoir manipulé les comptes et détourné des fonds publics à hauteur de onze milliards de dollars de 1993 à 2005, a affirmé vendredi qu'il s'agissait d'un dossier "fabriqué de toutes pièces" et d'une "tempête dans un verre d'eau", réfutant à grand renfort de chiffres, ces accusations.
Lors d'une conférence de presse, M. Siniora, qui a également été ministre des Finances entre 2002 et 2004, s'en est violemment pris au Hezbollah, affirmant que "ceux qui s'impliquent dans des conflits régionaux", "confisquent l'argent qui devait revenir à l'Etat", "monopolisent la décision de guerre ou de paix" et ont "mené des guerres qui ont détruit le pays, son économie et ses infrastructures, n'ont pas le droit de porter de jugements et lancer des accusations".
"L'affaire des onze milliards est une tempête dans un verre d'eau, basée sur des accusations fabriquées de toutes pièces afin de détourner les regards des vrais problèmes", a déclaré M. Siniora, un des faucons du Courant du Futur du Premier ministre Saad Hariri, lors de sa conférence de presse tenue à l'Ordre de la presse. "Il y a un camp qui essaye d'utiliser ce dossier pour régler des comptes et ses problèmes politiques", a-t-il ajouté, en référence au parti chiite et, dans une moindre mesure, au Courant patriotique libre.Jeudi, le député Hassan Fadlallah (Hezbollah) avait remis au procureur général financier, Ali Ibrahim, les documents liés au dossier des comptes publics afin qu’il ouvre une enquête sur des milliards de livres libanaises qui auraient disparu, selon lui, notamment durant la période 1993-2012. Le ministère des Finances a finalisé la reconstitution de tous les comptes de l’État depuis 1993. Ils doivent maintenant faire l’objet d’un rapport de la Cour des comptes qui sera transmis au Parlement.
M. Siniora s'est demandé comment le rapport du ministre des Finances à ce sujet s'est retrouvé dans les mains du député du Hezbollah.
(Lire aussi : Comptes publics : le Hezbollah passe à la vitesse supérieure et saisit la justice)
"Dépenses parfaitement légales"
"En 2006, mon gouvernement a transmis au Parlement une projet de loi soumettant l'ensemble des comptes de l'Etat et des institutions au contrôle de la Chambre, tout en préservant le rôle de la Cour des comptes", a expliqué l'ancien ministre des Finances de Rafic Hariri. "Depuis 1993, la gestion de l'argent public a été remise sur les rails. Jusqu'en 2005, les budgets ont été finalisés et transmis au Parlement pour être adoptés conformément aux délais constitutionnels et effectuer la clôture des comptes", a déclaré M. Siniora, notant que la Cour des comptes n'a plus joué son rôle depuis 1979.
L'ancien ministre a ensuite rappelé qu'en 2010, "le président du Parlement, Nabih Berry, avait déclaré que 11 milliards de dollars avaient été dépensés entre 2006 et 2009, sans que l'on sache où cette somme avait été dépensée". "Il y a une volonté de faire croire aux gens que 11 milliards de dollars ont disparu, et cela n'est pas vrai", a-t-il affirmé. "Toutes ces dépenses, qu'il s'agisse de crédits budgétaires ou dépenses de trésorerie, ne sont pas des dépenses illégales. Elles sont parfaitement légales", a-t-il lancé, soulignant que le directeur général des Finances publiques est "en fonction depuis 20 ans et, à ce titre, responsable de tout ce qui concerne les finances publiques". "Ceux qui disent qu'il n'y a pas de document financier font une mauvaise blague", a-t-il jugé. "Clairement, le but de ces accusations est de porter atteinte aux gouvernements de Rafic Hariri", a jugé M. Siniora lors de la conférence en présence de plusieurs responsables politiques dont la cheffe du bloc parlementaire du courant du Futur, Bahia Hariri, le député PSP Marwan Hamadé et le député Kataëb d'Achrafieh, Nadim Gemayel.
M. Siniora avait adressé en novembre dernier une lettre ouverte au président Michel Aoun, dans laquelle il s’était défendu de tout détournement de fonds publics, en mentionnant clairement l’affaire dite des "onze milliards" de dollars. Dans un livre intitulé “Le quitus impossible”, le député Ibrahim Kanaan, membre du Courant patriotique libre (CPL) fondé par le président Aoun, accuse Fouad Siniora d’avoir manipulé les comptes et détourné des fonds publics, à hauteur de onze milliards de dollars. Pour M. Siniora, ces fameux onze milliards de dollars "dépensés sur quatre ans sont dus au fait que le Trésor avait assumé le coût des transferts à Électricité du Liban, le coût des variations des taux d’intérêt sur la dette publique, des ajustements du coût de la grille des salaires et des traitements de la fonction publique, du coût engendré par la hausse des prix ainsi que des dépenses différées de budgets précédents, sans parler des dépenses engendrées par les travaux de reconstruction après la guerre de 2006" contre Israël.
L’audit des comptes par la Cour des comptes puis leur approbation par le Parlement sont un exercice primordial qui permet de contrôler les finances publiques et s’assurer que le budget voté précédemment a été respecté et correctement exécuté. De délivrer donc une sorte de quitus au gouvernement. Or cela n’a pas été fait depuis 1993. Cette année-là, Fouad Siniora, alors en charge des Finances, avait mis les comptes à zéro, en arguant de la disparition des justificatifs nécessaires pour faire un bilan d’ouverture fidèle à la réalité des finances de l’État.
(Lire aussi : Lutte du Hezbollah contre la corruption : derrière l'attaque contre Siniora, Hariri père et fils en cibles privilégiées)
Violente charge contre le Hezbollah
Fouad Siniora s'en est violemment pris sans le nommer au Hezbollah dans une longue charge, largement applaudie. "La plus grande des corruptions et le plus grand des maux est la corruption politique. Doivent être considérés politiquement corrompus ceux qui créent des États dans l’État et paralysent les échéances constitutionnelles", a-t-il déclaré.
"La corruption politique, c'est celle qui utilisé l’État et ses institutions au profit des milices", a ajouté M. Siniora.
"Ceux-là ont entraîné le Liban dans une impasse politique, s'impliquent dans des conflits régionaux et mettent en cause les intérêts du Liban, des Libanais et de l’État. Ils ont confisqué de l'argent qui devait revenir à l'Etat avec des taxes douanières, monopolisé la décision de guerre ou de paix, mené des guerres qui ont détruit le pays, son économie et ses infrastructures. "Ces gens-là n'ont pas le droit de porter de jugements et de lancer des accusations", a-t-il conclu.
"Personne ne doit être protégé mais l’État doit être neutre. Toute cette polémique n'est qu'une tentative de fabriquer de faux dossiers. Il est clair où se trouve la corruption. Lorsque l’État prouvera qu'il se comporte avec neutralité, tous les responsables pourront alors comparaître devant la justice", a-t-il conclu.
Interrogé par une journaliste, M. Siniora a assuré qu'il n'y avait pas de divergences entre le Premier ministre Saad Hariri et lui. "Il est à mes côtés", a-t-il affirmé.
Corruption : Hassan Fadlallah parle de documents qui vont "mener de nombreuses personnes en prison"
CEDRE : le gouvernement attendu au tournant pour le budget 2019
Kanaan va demander une enquête à la Cour des comptes
Recrutements abusifs dans la fonction publique : le point sur les chiffres
Les responsables politiques au défi de la lutte contre la corruption
Débat de confiance au Parlement : réformes et corruption au centre des interventions
commentaires (16)
LES REFORMES ECONOMIQUES ET FINANCIERES ET LA DISTANCIATION AVANT TOUT ET LAISSEZ A LA JUSTICE LE TEMPS DE FAIRE SON TRAVAIL... SINON C,EST DU SABOTAGE D,AVANCE DES PREROGATIVES DE L,ETAT...
LA LIBRE EXPRESSION
22 h 00, le 01 mars 2019