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Liban - Commémoration

« Mon père a payé de sa vie le prix de s’être exprimé sur des questions sensibles »

Cinq ans après l’assassinat de Mohammad Chatah, son fils Ronnie et son ami Toufic Hindi se souviennent de l’homme d’État qu’il était.

Mohammad Chatah a été assassiné le 27 décembre 2013 dans un attentat à la voiture piégée dans la zone de Starco, au centre-ville de Beyrouth. Photo Aldo Ayoub

Le 27 décembre 2013, Mohammad Chatah, ancien ministre des Finances, ancien ambassadeur à Washington et conseiller du chef du courant du Futur, Saad Hariri, est assassiné dans un lâche attentat à la voiture piégée dans la zone de Starco, au centre-ville de Beyrouth. Un attentat qui a coûté la vie à six autres personnes et fait des dizaines de blessés.

Cinq ans après cette journée tragique, son fils aîné Ronnie confie avoir perdu ce jour-là « l’inspiration » qui lui permettait « d’espérer dans le pays ». « J’ai perdu une voix optimiste, au moment où tout le monde était pessimiste, poursuit-il. J’ai perdu mon meilleur ami et depuis je suis brisé. »

Lorsqu’on lui demande de parler de son père et des valeurs qu’il défendait, Ronnie dirige les gens vers le blog et le compte Twitter de Mohammad Chatah qui sont toujours actifs. « Ce qui est arrivé à mon père est anormal pour le pays, s’insurge-t-il. Il n’était pas un homme des rues, encore moins un criminel. Il était un homme sensible, modéré et décent. Si des gens comme lui sont pris pour cibles, le pays a peu d’espoir d’aller de l’avant. »

Ronnie Chatah rappelle que son père était un « ardent opposant de Bachar el-Assad ». Il s’était aussi « opposé à l’implication du Hezbollah dans la guerre en Syrie ». « Il a payé de sa vie le prix de s’être exprimé sur des questions sensibles, regrette-t-il. Il croyait dans le pays et c’est un grand prix que le pays paie lorsque quelqu’un comme lui est assassiné. La tragédie ne le concernait pas uniquement. Plusieurs autres personnes, comme Samir Kassir et Gebran Tuéni, ont également payé de leur vie le prix des valeurs qu’ils défendaient et auxquelles ils croyaient. Si quelqu’un a encore le désir de défendre ce pays, il doit se rappeler les paroles de mon père et de tous ceux qui sont morts avant lui. Ils défendaient la souveraineté et l’indépendance du pays. »

Quid de l’enquête ? « À mon avis, ce genre de crimes restent impunis, répond-il. D’ailleurs, je ne suis pas la bonne personne pour répondre à cette question. Il faut la poser à un officiel. »


(Pour mémoire : Hariri rend hommage à la mémoire de Mohammad Chatah, « symbole du dialogue »)


« Mon jumeau politique »

Toufic Hindi, politicien et ami intime de Mohammad Chatah, se souvient de son « jumeau politique » et d’un homme qui « faisait primer l’intérêt du Liban ». « Il était un vrai Libanais, poursuit-il. Ni islamiste ni fanatique. Il était ferme sur les principes et souple en application. »

M. Hindi raconte ainsi qu’ils se parlaient plusieurs fois par jour et qu’ils étaient rarement en désaccord sur un sujet donné. « Avant qu’il ne soit assassiné, il parlait d’un divorce à l’amiable avec le Hezbollah d’autant qu’il est organiquement lié à l’Iran et que son projet n’est pas libanais, se rappelle-t-il. Ses priorités ne sont pas libanaises. Déjà en 2013, les rapports de force étaient en sa faveur, aujourd’hui ils le sont encore plus. Donc, Mohammad Chatah estimait qu’on ne pouvait s’asseoir sur une même table du gouvernement avec le Hezbollah parce qu’il va imposer ses idées et on doit le couvrir, ni discuter avec lui de la stratégie de défense, puisqu’il va imposer le trio sacré, c’est-à-dire l’armée, le peuple et la résistance. En contrepartie, il prônait la création d’une mouvance libanaise qui dénoncerait le fait accompli du Hezbollah. »

M. Hindi ne tarit pas d’éloges sur son ami. « Il était un homme d’État, insiste-t-il. Il considérait que c’est l’État qui doit avoir le monopole de décider de la guerre et de la paix, ainsi que le monopole des armes et qu’aucune autre partie ne doit avoir des armes en dehors de lui. Il soutenait l’accord de Taëf et toutes les résolutions internationales. Pour lui, la libanisation du Hezbollah était impossible, parce que celui-ci perd sa raison d’être. Aujourd’hui, c’est le Hezbollah qui est en train de phagocyter le Liban et de le mettre à son tempo. Si Mohammad Chatah était toujours en vie, il n’aurait pas approuvé ce qui se passe sur la scène politique, encore moins les décisions qui sont prises. »


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