Le week-end qui vient de s’achever a donné lieu à une passe d’armes entre le ministre d’État sortant contre la corruption, Nicolas Tuéni, et la direction de la compagnie aérienne nationale, Middle East Airlines (MEA).
Le ministre d’État a demandé samedi au conseil d’administration (CA) de la MEA de communiquer les détails d’un appel d’offres (de marché privé) lancé en 2016 pour l’achat de plusieurs avions et de réacteurs, indiquant que le président de la compagnie devait se rendre à Londres dans les prochains jours pour signer l’accord finalisant cette opération. M. Tuéni avait également demandé à ce que la transaction soit, au regard de son importance, examinée par une commission comprenant des représentants du ministère des Finances ainsi que celui des Travaux publics.
Une injonction à laquelle le CA de la MEA a répondu le lendemain par la négative en se prévalant de son statut de société commerciale régie par le code du commerce et échappant ainsi au contrôle du ministre d’État. Dans son communiqué, la compagnie a en outre précisé que l’appel d’offres avait été lancé en mai 2016, que les sociétés Airbus et Boeing, General Electric et Rolls Royce, y avaient répondu, et que le marché avait été remporté par Airbus (A330-900 Neo) pour les avions et Rolls Royce pour les réacteurs (Trent 7000). La livraison de ces appareils et équipements est attendue pour 2021.
(Lire aussi : Le low-cost toujours pas dans les plans de la MEA)
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Des arguments qui n’ont pas empêché le ministre de revenir à la charge lundi en affirmant qu’il allait prendre des mesures légales pour obliger la MEA à obtempérer. Cette dernière a répliqué quelques heures plus tard en réaffirmant que seule l’assemblée générale de ses actionnaires avait un droit de regard sur sa gestion et ses choix. Dans la soirée, des employés de la compagnie ont affirmé dans un communiqué leur soutien à la direction.
Or si la MEA est bien une société privée, son capital appartient à 99 % à la banque Intra (Intra Investment Company), laquelle est détenue par la Banque du Liban, une entité publique, et d’autres actionnaires. Cette configuration a fait couler beaucoup d’encre tant de la part de ses partisans – qui lui attribuent le redressement de la compagnie dans les années 2000 – comme ses détracteurs – qui y voient une mainmise de la Banque centrale sur un monopole juteux.
Selon une source proche du dossier, le ministre d’État pourrait mettre en avant ce lien pour obliger la MEA à publier les informations qu’il réclame. D’après cette source, « si une société privée n’a en principe pas de comptes à rendre à l’État concernant sa gestion, tant qu’elle n’enfreint pas la loi, l’administration pourrait essayer de convaincre le Conseil d’État de l’assimiler à une entreprise publique ou mixte en utilisant la structure de son actionnariat. En théorie, la MEA tomberait alors sous le coup de la loi n° 28 de 2017 qui a consacré l’obligation pour les entités publiques de divulguer la majeures parties de leurs informations au public, selon certaines modalités, et serait donc obligée de divulguer les informations demandées par M. Tuéni ». Affaire à suivre.
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commentaires (2)
Si le Ministre Nicolas Tuéni a le moindre soupçon concernant cet appel d’offres, qu’il en parle publiquement. Sinon, il faudrait peut être arrêter cette politique de talk show à travers les médias ou les réseaux sociaux. Appelez les choses par leur nom et cessez tous ces sous entendus.
Lecteur excédé par la censure
10 h 34, le 11 décembre 2018