Les tarifs pratiqués par la Middle East Airlines (MEA) pour les trajets reliant l'aéroport international de Beyrouth (AIB) en haute saison sont-ils prohibitifs ? C'est le message martelé depuis plusieurs semaines par les membres de « Flight or Fight », un collectif soutenu par des expatriés libanais principalement établis dans les pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG).
« Nous sommes présents sur les réseaux sociaux depuis le 20 avril. Nous comptons environ 150 membres actifs et plus de 8 000 membres qui suivent nos activités », explique à L'Orient-Le Jour Georges Youniss, coordinateur général en charge des relations publiques du collectif. Début mai, « Flight or Fight » a publié sur les réseaux sociaux une lettre ouverte pointant du doigt les tarifs de la compagnie nationale, les jugeant particulièrement élevés par rapport à ceux pratiqués par ses concurrents, notamment sur des trajets reliant les villes du CCG à l'AIB.
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Mutisme
« Un de nos membres qui voulait réserver son vol aller-retour de Riyad à Beyrouth pour les vacances de Noël a constaté que la MEA était deux fois plus chère que ses concurrents assurant la liaison aux mêmes dates : le vol était à 741 dollars sur la MEA contre environ 350 dollars chez ces derniers, en réservant en classe économique plus de six mois à l'avance », affirme M. Youniss. « Après avoir relayé cette information sur les réseaux sociaux, nous avons reçu des témoignages de Libanais qui dénonçaient des écarts du même ordre entre les prix de la MEA et ceux de ses concurrents dans d'autres pays du Golfe, preuves à l'appui », poursuit-il. « Nous avons alors publié une lettre adressée au PDG de la MEA, Mohammad el-Hout, pour dénoncer cette situation sans toutefois obtenir de réaction de sa part jusqu'à présent », relate-t-il encore.
Ce mutisme n'a toutefois pas découragé les membres de « Flight or Fight » qui ont continué de se mobiliser. Cette semaine, des représentants du collectif ont notamment exposé leurs revendications devant l'ambassadeur du Liban en Arabie saoudite, Abdel Sattar Issa. M. Youniss espère que la grogne des expatriés pourra convaincre la MEA de proposer des prix plus bas en haute saison aux membres de la diaspora « qui veulent rester fidèles à leur compagnie nationale ».
Près d'un demi-million de Libanais vivent et travaillent dans les pays du Golfe, selon la Fédération des Chambres libanaises de commerce. « Ces derniers sont particulièrement sensibles au niveau qu'atteignent les prix des billets d'avion, parce que la majorité choisissent – ou n'ont d'autres choix quand ils ont des enfants scolarisés – de retourner au Liban pendant les hautes saisons », explique un spécialiste du transport aérien sous couvert d'anonymat. « Environ 90 % de notre clientèle est composée de Libanais », confirme pour sa part le directeur commercial de la MEA, Nizar Khoury.
Du simple au quadruple
Face aux critiques, la compagnie se défend de tout abus. « Nos prix ne sont pas excessifs et fluctuent dans les mêmes proportions que ceux du marché sur l'ensemble de nos segments », affirme M. Khoury. « Nous fonctionnons comme une entreprise privée et nous devons à ce titre rester rentables », poursuit-il. Pour rappel, le capital de la compagnie est majoritairement détenu par la Banque du Liban. En 2015, la compagnie a annoncé 98,5 millions de dollars de bénéfices (+9,2 % en un an). Début décembre, M. Hout avait annoncé une baisse de ces revenus en 2016 liée au recul des réservations en classe affaires, sans communiquer de chiffres définitifs pour cette période. Les chiffres devraient être publiés aux alentours du mois d'août.
« La MEA est une compagnie aérienne classique, et ne peut donc pas s'aligner sur les prix des compagnies low cost », note le président de l'Association des agences de voyages et de tourisme au Liban (Attal), Jean Abboud. « Assurer des fréquences de vol quotidiennes et des lignes directes, supporter le coût des annulations, entretenir un personnel, offrir des services de correspondances : tout cela à un prix que les low cost ne payent pas », confirme de son côté le spécialiste précité. Il souligne en outre que ce ne sont pas les taxes d'aéroport dont doit s'acquitter la MEA qui gonflent le prix du billet. « Ces taxes à l'AIB sont par exemple un tiers moins élevées qu'à l'aéroport international de Dubaï », assure-t-il.
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Les professionnels du secteur considèrent que les variations des prix de la MEA en fonction des saisons sont cohérentes vis-à-vis du marché. « Pour être rentables, les compagnies aériennes sont obligées de casser les prix en basse saison pour remplir des vols peu prisés pour ensuite compenser une partie du manque à gagner en haute saison, quand les réservations sont pleines », expose encore le spécialiste. Selon lui, le prix d'un billet pour un même segment peut passer du simple au quadruple en fonction des périodes.
« L'ampleur des fluctuations dépend en outre des capacités – le nombre de places disponibles – de la compagnie. Plus elle est limitée par rapport à la demande sur les trajets exploités par la compagnie, plus les prix grimpent », enchaîne M. Abboud, qui rappelle que la MEA reste une compagnie de taille moyenne, avec une flotte composée d'une vingtaine d'appareils, quand les grandes compagnies en exploitent jusqu'à plusieurs centaines dans le monde entier. « Les vols sont tellement saturés cet été que les dernières places disponibles – toutes compagnies confondues – peuvent se négocier à plus de 1 000 dollars l'aller pour début juin. »
Des arguments qui ne convainquent pas le collectif de « Flight or Fight ». « Même en tenant compte de ces facteurs, les prix de la MEA restent élevés par rapport à un marché qui compte de plus en plus de low cost », estime M. Youniss. Il considère enfin que les explications liées au profil de la MEA servent à justifier les prix « irrationnels » de tous les services de l'AIB. « On demande aux expatriés de revenir au pays pour les taxer au prix fort à l'entrée avec les prix des billets, les tarifs pratiqués par les espaces de restauration de l'AIB ou encore des taxis qui y sont rattachés », enchaîne-t-il. M Khoury se contente pour sa part de rétorquer que « si les prix de la MEA étaient si élevés, ses parts de marché auraient déjà été grignotées par la concurrence ».
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commentaires (6)
En 2011 j'ai payé E 350 Milan Beyrouth aller retour,maintenant je ne sais plus.
Eleni Caridopoulou
15 h 33, le 22 juin 2017