L'ancien ministre druze Wi'am Wahhab lors des funérailles de son garde du corps à Jahiliyé, le 2 décembre 2018. REUTERS/ Ali Hashisho
L'ancien ministre druze Wi'am Wahhab a affirmé dimanche que la Montagne était une "ligne rouge", au cours des obsèques de l'un de ses gardes du corps, Mohammad Abou Diab, mort dans la nuit de samedi des suites de ses blessures quelques heures après des heurts ayant opposé les partisans de l'ancien ministre à des membres de la Branche des renseignements des Forces de sécurité intérieure à Jahiliyé, dans le Chouf, où se trouve le domicile du chef du parti al-Tawhid. M. Wahhab est à couteaux tirés avec le leader druze Walid Joumblatt et le Premier ministre désigné, Saad Hariri, à l'encontre duquel il a proféré des insultes.
"La Montagne et la paix du Liban sont des lignes rouges. Ton sang n'aura pas coulé en vain", a déclaré M. Wahhab lors de cette cérémonie à laquelle a notamment participé une délégation du Hezbollah. Il a appelé ses partisans à ne pas tirer en l'air car "nous obéissons tous à la loi", exprimant sa confiance dans le chef de l'Etat, Michel Aoun. "J'appelle l'émir Talal Arslane, Fayçal Daoud, Fadi Aouar, le Parti syrien national social (PSNS) et tous ceux qui croient en l'arabité du Liban à s'unir dans nos rangs sous le parrainage de notre cheikh Akl, cheikh Nasreddine el-Gharib", a-t-il ajouté, en référence au dignitaire spirituel druze dont le nom avait été proposé par M. Arslane en 2006 face au cheikh Naïm Hassan, reconnu par l'Etat après avoir été élu par le conseil communautaire druze. Les opposants traditionnels druzes à M. Joumblatt dénoncent la prépondérance des "joumblattistes" au sein du conseil communautaire.
Plus tôt dans la journée, le cheikh Naïm Hassan avait lancé un appel au calme. "Je lance un appel à l'unité des rangs dans la Montagne et dans le pays afin de préserver la sécurité et la confiance en la légitimité de l'Etat", a déclaré Naïm Hassan dans une allocution télévisée, appelant également au calme et à la sagesse. "Nous refusons que l'on s'en prenne aux dignitaires nationaux", a-t-il ajouté, exprimant son attachement à la "légitimité de la loi, de l'Etat, de ses institutions et de son armée".
De son côté, l'émir Talal Arslane a estimé que la "dignité de la Montagne a été atteinte dans son essence", qualifiant sur Twitter de "mascarade" l'opération des FSI à Jahiliyé et de "délirant" l'ordre qui a été donné pour lancer cette opération. "Félicitations à Walid Joumblatt qui a confisqué la représentation de la Montagne en utilisant le slogan de l'application de la loi", a-t-il ajouté, exprimant ses condoléances à la famille du garde du corps et appelant à clarifier les responsabilités de chacun.
Dans l'après-midi, le ministre sortant de l'Environnement, Tarek el-Khatib, membre du Courant patriotique libre (CPL, aouniste), a contacté M. Wahhab et lui a confirmé qu'une délégation du CPL se rendrait lundi après-midi à Jahiliyé afin de présenter ses condoléances après le décès de M. Abou Diab.
Hariri, Hammoud et Osman pointés du doigt
Un groupe d’avocats avait demandé jeudi au procureur général près la Cour de cassation, le juge Samir Hammoud, d’engager des poursuites contre M. Wahhab pour "incitation à la division et atteinte à la paix civile". Le juge Hammoud a estimé recevable la démarche des avocats et a demandé vendredi à la Branche des renseignements des FSI "d’enquêter et de prendre les mesures nécessaires" dans le cadre de cette affaire.
Vendredi, les FSI s'étaient rendues à Jahiliyé pour interpeller l'ancien ministre druze et recueillir son témoignage suite à une procédure judiciaire engagée contre lui après ses attaques frontales contre M. Hariri, dans le contexte du bras de fer qui oppose ce dernier au Hezbollah autour de la formation du nouveau gouvernement. L'unité des FSI n'a toutefois pas trouvé M. Wahhab à son domicile et son intervention a provoqué la colère des partisans de M. Wahhab.
Après ces graves incidents, M. Wahhab a affirmé qu'il allait déposer plainte contre Saad Hariri, le juge Samir Hammoud et le directeur général des FSI, le général Imad Osman, accusant M. Hariri d'avoir "fait pression sur la justice" et le juge Hammoud de "couvrir le crime perpétré devant nos maisons". "La paix de la Montagne et du Liban est plus importante que nous tous mais MM. Hariri, Hammoud et Osman doivent prendre leurs responsabilités", a-t-il déclaré, indiquant que "l'intervention du Hezbollah a évité un massacre". "Nous obéissons tous à la loi et j'irai jusqu'au bout dans mon combat judiciaire contre MM. Hariri, Osman et Hammoud", a-t-il affirmé plus tard.
"Une erreur s'est produite dans la transmission du dossier aux renseignements des FSI. M. Osman doit prendre ses responsabilités, et si M. Hariri veut faire jouer son immunité, nous pourrions poursuivre un cadre de son parti", le courant du Futur, a déclaré Maan el-Assaad, l'avocat de M. Wahhab.
Dans un communiqué publié dans la journée, le parti al-Tawhid a attribué la responsabilité de la mort de M. Diab aux trois hommes, assurant qu'il ne "tolèrera pas ce qu'il faut décrire comme un crime". La formation a également affirmé que M. Abou Diab avait été visé par un tir de sniper effectué par un agent des renseignements des FSI après un communiqué de l'agence sécuritaire clarifiant et détaillant les incidents.
Pour sa part, le député Jamil el-Sayyed, proche du Hezbollah, a estimé que le juge Samir Hammoud avait fait "de graves erreurs" en décidant d'accepter la plainte du Courant du Futur contre M. Wahhab. Il a également regretté que Saad Hariri n'ait pas pris en considération les excuses présentées par l'ancien ministre druze.
Le ministre sortant de l'Intérieur, Nohad Machnouk, a de son côté pris la défense des FSI et du juge Samir Hammoud, estimant notamment que "tous les agents et gradés des Forces de sécurité intérieure sont des héros pour défendre l’État et la loi, et le général Imad Osman est le premier de ces héros. Des mots sans importance ne pourront jamais porter atteinte à ces héros". Concernant le décès de Mohammad Abou Diab, M. Machnouk a souligné que "le communiqué publié par les FSI établit de façon précise que les tirs des partisans armés présents à Jahiliyé ont causé les blessures d'Abou Diab, et sa mort".
Il a assuré que "Saad Hariri poursuivra sa mission de formation du gouvernement, même si les pressions atteignent les plus hauts sommets des montagnes".
Ces dernières jours, la Montagne druze a échappé à ce qui aurait pu se transformer en affrontements graves entre les partisans de Wi’am Wahhab et ceux de Walid Joumblatt. Les milieux joumblattistes évoquent une "tentative de déstabilisation" visant la communauté druze en pointant du doigt la responsabilité du Hezbollah, dont M. Wahhab est l’allié.
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commentaires (21)
Il n’est pas encore arrêté cet homme ?
L’azuréen
00 h 49, le 03 décembre 2018