Pour Israël, l’heure est venue de voler au secours de Mohammad ben Salmane. Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu est sorti de son silence hier en s’exprimant pour la première fois sur le meurtre au consulat saoudien à Istanbul du journaliste Jamal Khashoggi. « Ce qui s’est passé au consulat à Istanbul est horrible et il faut dûment s’en occuper », a tout d’abord déclaré M. Netanyahu lors d’une conférence de presse à Varna en Bulgarie, avant de marteler que la priorité de l’État hébreu reste aujourd’hui la stabilité de l’Arabie saoudite, et plus précisément la coopération avec Riyad contre l’Iran.
Depuis la disparition de Jamal Khashoggi le 2 octobre dernier, l’État hébreu était resté silencieux, alors que les critiques occidentales fusent en direction du royaume wahhabite affaibli par ses versions divergentes sur l’affaire, et plus particulièrement contre le prince héritier Mohammad ben Salmane (MBS), considéré comme l’homme fort du pays. Après avoir nié que Jamal Khashoggi ait été tué, les autorités saoudiennes ont ensuite dit qu’il était décédé des suites d’une « opération non autorisée », avant que le procureur général du royaume n’annonce la semaine dernière que l’attaque avait été préméditée. Israël et l’Arabie saoudite n’entretiennent pas de relations diplomatiques en raison de l’occupation par l’État hébreu des territoires palestiniens. En revanche, le gouvernement Netanyahu a fait état de contacts semi-officiels entre Israël et l’Arabie depuis 2014. Ces contacts n’ont jamais été confirmés par Riyad, qui les a même parfois démentis. Les relations entre ces deux pays, alliés des États-Unis, se sont réchauffées depuis plusieurs mois, notamment grâce à un ennemi commun, Téhéran. L’Arabie saoudite et l’Iran se disputent le leadership régional en s’opposant sur tous les terrains de crises de la région. La République islamique est également la bête noire d’Israël qui la considère comme la principale menace pour sa sécurité, refusant de croire au caractère proclamé civil de son programme nucléaire, et s’alarmant de son expansion régionale et de son engagement militaire chez le voisin syrien. Le ministre israélien de l’Énergie, Yuval Steinitz, avait déjà laissé entrevoir la position relativiste d’Israël sur l’affaire Khashoggi en s’exprimant à la radio peu avant le discours de Benjamin Netanyahu à Varna, en affirmant que ce meurtre était éclipsé par la menace existentielle d’un Iran doté d’armes nucléaires et que « les États arabes, y compris l’Arabie saoudite, sont nos alliés ces dernières années contre l’expansion de l’Iran et contre la menace nucléaire iranienne ». L’administration Trump, qui a aligné la politique des États-Unis sur celle d’Israël, cherche également à renforcer ses relations avec l’Arabie saoudite. « Une alliance stratégique est en cours de construction par les dirigeants d’Israël, de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis, avec les encouragements de l’administration Trump. Le but de cette alliance est d’arracher l’Iran des régions arabes du Moyen-Orient et, au fil du temps, parvenir à la chute de la République islamique », analyse Nicholas Heras, chercheur au Centre for a New American Security, contacté par L’Orient-Le Jour. Une alliance que tient aujourd’hui à préserver Benjamin Netanyahu selon un article du Washington Post datant de jeudi, qui affirme que ce dernier a demandé à des officiels de la Maison-Blanche de continuer à soutenir Mohammad ben Salmane, qu’il décrit comme un « allié stratégique » dans la région. Cette intervention israélienne survient après plusieurs semaines de doutes et de haussement de ton de la part de Donald Trump qui a fait état de « mensonges » de la part du royaume.
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Relation MBS-Kushner
Acculé par ses alliés occidentaux, Riyad voit venir à sa rescousse un soutien inhabituel de la part d’Israël. « Pour Netanyahu, Mohammad ben Salmane est le plus important dirigeant arabe, et la clé pour assurer la domination d’Israël en Palestine et pour parvenir à un changement de régime en Iran », affirme Nicholas Heras. Un objectif que tentait de mener à bien l’administration Trump, et plus précisément le gendre du président américain Jared Kushner, artisan du rapprochement entre MBS et Israël. « L’équipe de Trump espère qu’en réunissant Netanyahu, Mohammad ben Salmane et Mohammad ben Zayed dans un triumvirat de dirigeants du Moyen-Orient cherchant la destruction de l’Iran, les États-Unis parviendront à diminuer le pouvoir iranien dans la région et créer les conditions de changement de régime à Téhéran. L’administration Trump espère également qu’avec le soutien de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis, les deux États arabes les plus puissants, Israël pourra une fois pour toutes assurer définitivement son contrôle sur Jérusalem », poursuit le chercheur. Toutefois, selon le Washington Post qui cite des officiels américains, Donald Trump serait embarrassé par la relation établie entre son gendre et MBS, qu’il qualifie aujourd’hui en privé de « handicap ». Malgré le séisme qui ébranle aujourd’hui le royaume wahhabite et malgré les turbulences au sein de la Maison-Blanche, Benjamin Netanyahu ne perd pas de vue ses objectifs d’opération séduction dans la région, puisqu’il a effectué une visite surprise à Oman la semaine dernière, suivie par d’autres responsables israéliens cette semaine aux Émirats arabes unis (EAU). Suite à la visite de Netanyahu, le ministre des Affaires étrangères du sultanat de Oman a déclaré à ses voisins du Golfe qu’Israël devait être accepté dans la région. La campagne de lobbying dans les pays du Golfe ne s’arrête pas là. Selon Reuters, MBS a reçu jeudi une délégation de chrétiens évangéliques américains, dirigée par le stratège en communications Joel Rosenberg et composée de l’ancien membre du Congrès Michele Bachmann, selon un communiqué du groupe, ainsi que les chefs d’organisations évangéliques américaines dont certaines ont des liens avec Israël, tels que Mike Evans, fondateur du Jerusalem Prayer Team, qui se décrit lui-même sur son site web comme un « fervent dirigeant américain chrétien sioniste ».
(Lire aussi : Un mois après sa mort, qu'est-il advenu du corps de Khashoggi ?)
Reste à savoir si l’affaire Khashoggi permettra de rapprocher encore davantage l’État hébreu et l’Arabie saoudite. Un rapprochement qui fait grincer des dents de pays de la région. Fin juillet, le dauphin saoudien s’était fait taper sur les doigts par son père le roi Salmane à cause de déclarations jugées choquantes de la part d’un dirigeant arabe vis-à-vis d’Israël, lors d’une interview au magazine américain The Atlantic. MBS avait alors déclaré que l’État hébreu avait le droit de vivre en paix sur son territoire. Dans une tentative d’étouffer la polémique, le roi Salmane avait alors réaffirmé « la position constante du royaume à l’égard de la question palestinienne et des droits légitimes du peuple palestinien à avoir un État palestinien indépendant avec Jérusalem-Est comme capitale ».
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C’est bizarre , les psychopathes s’entendent entre eux, l’alliance se fait naturellement....en 2018 le moyen orient à besoin de dirigeants modérés , ouverts et modernes , pas de coincés du bulbe rachidien.
11 h 09, le 04 novembre 2018