Il est évident qu’entre le président de la République, Michel Aoun, et son allié stratégique, le Hezbollah, une crise larvée se développe. Un fait que les propos tenus mercredi par le chef de l’État à l’occasion du second anniversaire de son élection ont porté au grand jour.
Pour la première fois depuis son accession à la présidence, M. Aoun avait ouvertement critiqué le Hezbollah, stigmatisant l’appui de celui-ci aux députés sunnites ne gravitant pas dans l’orbite du courant du Futur. Ces députés « ne sont pas rassemblés dans le cadre d’un bloc parlementaire unifié. Ils n’ont donc pas le droit d’être représentés au sein du gouvernement », avait dit le chef de l’État lors d’une conversation à bâtons rompus avec des journalistes au palais de Baabda.
Ce faisant, le président reprenait à son compte le veto catégorique qu’avait exprimé le Premier ministre désigné, Saad Hariri, depuis Baabda le 28 juin dernier, à la représentation gouvernementale des députés en question. Cela fait dire à certains observateurs qu’à travers son insistance pour intégrer les sunnites antihaririens à la future équipe ministérielle, le Hezbollah cherchait d’abord à tester Michel Aoun, pour savoir comment ce dernier allait se positionner à son égard lors des quatre années restantes de son mandat, une durée censée aussi être à peu près celle du prochain gouvernement. Selon ces observateurs, le président de la République a donc confirmé qu’il ne soutiendrait pas toutes les positions du parti chiite au sein du futur cabinet, d’où la crise actuelle.
Sauf que certains milieux politiques rappellent que ce désaccord n’est pas le premier entre Baabda et le Hezbollah. Depuis l’entrée en vigueur du compromis présidentiel, le Hezbollah et le camp Baabda-Courant patriotique libre ont divergé sur plusieurs tactiques, même s’ils convergent toujours sur les questions stratégiques, à l’instar de l’appui à l’arsenal du Hezb. Une position que Michel Aoun a d’ailleurs réitérée mercredi.
Dans les mêmes milieux, on rappelle que le Hezbollah avait ouvertement critiqué le chef du CPL, Gebran Bassil, lors de la phase de dispute avec les Forces libanaises sur les quotes-parts respectives. Interrogé le 7 octobre dernier, un proche de la formation chiite avait accusé, via L’Orient-Le Jour, le chef du CPL de procéder à des « calculs de ménagère » et d’entraver le processus gouvernemental.
(Lire aussi : Le nœud sunnite : deux approches diamétralement opposées, le décryptage de Scarlett Haddad)
Le Hezbollah insiste
En dépit des désaccords, le Hezbollah se dit soucieux de maintenir de bons rapports avec le chef de l’État. C’est ce qu’assure à L’OLJ un proche du parti chiite, rappelant que celui-ci n’a pas manqué de boycotter la présidentielle pendant plus de deux ans afin de mener M. Aoun à Baabda. « C’est pour cette raison que nous insistons pour que le futur gouvernement soit représentatif de toutes les factions politiques », ajoute-t-il, précisant qu’« il n’est pas nécessaire que les députés concernés soient rassemblés dans le cadre d’un bloc pour qu’ils prennent part au cabinet », rappelant que le Hezbollah a toujours plaidé pour que ces députés bénéficient d’une représentation gouvernementale. « Nous souhaitons que le président de la République et le Premier ministre désigné œuvrent pour inclure les sunnites indépendants, tout comme ils ont déployé des efforts pour défaire le nœud des FL et des druzes », poursuit le proche du parti, estimant qu’« avec cinq ministres sunnites, Saad Hariri (qui s’est rendu hier à Paris) peut régler le problème ». A contrario, un analyste politique proche de la formation de Hassan Nasrallah et qui a requis l’anonymat ne cache pas « un certain mécontentement du Hezbollah » à l’égard de la dernière prise de position de M. Aoun. Selon lui, c’est pour cette raison qu’une délégation du parti ne s’est pas rendue à Baabda pour un entretien avec le chef de l’État. L’analyste a ainsi démenti les informations qui ont circulé hier dans certains médias et selon lesquelles une délégation du Hezbollah devait évoquer le nœud sunnite avec le président Aoun.
Même son de cloche à Baabda, où l’on indique à L’OLJ qu’aucun rendez-vous n’était prévu pour le Hezbollah. Pour ce qui est de la représentation des sunnites prosyriens, la présidence campe sur ses positions : les députés en question font partie de groupes politiques déjà représentés au sein du cabinet. Ils ne peuvent donc pas être représentés deux fois.
Sans vouloir plonger dans l’optimisme ou le pessimisme quant à la mise sur pied du cabinet, les milieux de Baabda assurent que le processus n’est pas gelé, et que les contacts se poursuivent avec tout le monde afin de former le cabinet.
Quant au courant du Futur, il se félicite des propos de Michel Aoun, dans la mesure où « il a finalement compris que la stabilité ne peut être atteinte qu’avec Saad Hariri », pour reprendre les termes de Moustapha Allouche, membre du bureau politique du Futur, à L’OLJ. « La semaine prochaine (c’est-à-dire après l’entrée en vigueur des sanctions américaines renforcées contre le parti de Dieu), nous pourrons comprendre s’il s’agit d’une manœuvre du Hezbollah, ou si le pays se dirige vers une crise ouverte », dit-il, en réitérant le refus de son parti « de faire représenter les sunnites du 8 Mars », dit-il à L’OLJ.
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commentaires (10)
Que de réactions et de supputations ! que diantre on arrive pas à comprendre une bonne fois pour toute que cette équipe est liée par un serment solide , fort et indestructible par le petit vent qui souffle de travers . L'aveuglement maintenu à coup de propagande stérile sur une "crise ouverte" sous entendant une rupture proche , à portée de main est d'un ridicule qui frise l'apoplexie de rire . Ecoutez les enfants , pourquoi ne pas se reposer les méninges et ne voir dans cette "confrontation" entre alliés DE LA RESISTANCE A QUI JE NE CESSE DE LE DIRE , une connivence qui servirait à mettre des bâtons dans les roues de ceux qui cherchent à détruire cette résistance justement ! LE COMMANDANTE KHENERAL PHARE AOUN ET LE CHEF DES RESISTANTS LIBANAIS SONT COMME 2 LARRONS EN FOIRE . ET J'AJOUTERAI UNE CHOSE QUI VA SURPRENDRE AUTANT QUE CELA POURRAIT FAIRE REAGIR DE STUPEUR , le Liban comme on le voit évoluer en ce moment est ACCEPTE PAR LES PUISSANCES QUI NOUS ENTOURENT , OCCIDENTALES AUSSI BIEN QUE REGIONALES , PARCE QUE POUR LE MOMENT ON NE PEUT PAS AVOIR MIEUX POUR SA STABILITE . REFLECHISSEZ UN PEU ET DEMANDEZ VOUS POURQUOI LE PAYS N'A TOUJOURS PAS BRULE , MALGRE CETTE PRESENCE FORTE ET IMPOSANTE RESISTANCE UNIE .
FRIK-A-FRAK
13 h 34, le 02 novembre 2018