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Liban - justice

Assassinat Bachir Gemayel : un an après le verdict, l’exécution de la sentence au point mort

« Une justice sélective n’est pas une justice », martèle l’ancien président de la République Amine Gemayel.

Bachir Gemayel.

Il y a un an jour pour jour, le 20 octobre 2017, la Cour de justice a émis un jugement par contumace condamnant à mort Habib Chartouni et Nabil Alam, deux cadres du Parti syrien national social, reconnus coupables de l’assassinat de l’ancien président de la République Bachir Gemayel et de 23 de ses compagnons, dans un attentat aux explosifs qui avait visé la permanence du parti Kataëb, à Achrafieh, le 14 septembre 1982.

Depuis la date du verdict, y a-t-il eu des démarches judiciaires pour tenter de retrouver Habib Chartouni (Nabil Alam étant probablement mort en 2014) et l’arrêter en vue de l’extrader vers le Liban, de manière que Bachir Gemayel, mort pour avoir voulu concrétiser les rêves d’indépendance et de souveraineté qu’il nourrissait pour le pays, puisse enfin recouvrer ses droits ? Rien n’est moins sûr, d’autant que son frère, l’ancien président de la République Amine Gemayel, et ses avocats, mais aussi une source judiciaire haut placée, contactés par L’Orient-Le Jour, font état d’un dossier vierge pour ce qui a trait à l’exécution de la décision de la Cour de justice.

« Aucune enquête n’a été menée pour tenter d’appréhender les criminels », déclare l’ancien chef de l’État Amine Gemayel, regrettant que « le jugement est resté lettre morte et n’a eu aucun suivi ». « Une justice sélective n’est pas une justice », martèle-t-il dans ce cadre, avant d’ajouter : « Autant la décision de condamnation a été satisfaisante, autant sa non-exécution est frustrante. » À la question de savoir pourquoi les autorités avaient donc réactivé le dossier de l’assassinat 34 ans après qu’il eut été perpétré, veillant à ce que le jugement soit rendu en moins d’un an, M. Gemayel répond, amer : « Le jugement a été rendu pour la parade, juste pour faire croire que la justice est opérationnelle. » Et d’affirmer par ailleurs que « l’État aurait dû engager ses poursuites dès le moment où Habib Chartouni s’est enfui de prison lors de l’invasion syrienne en 1990 ». « Les services de sécurité savent parfaitement où réside l’assassin », ajoute l’ancien chef de l’État, soulignant que Chartouni « aurait pu aussi facilement être arrêté après avoir fait des déclarations à un quotidien (al-Akhbar, NDLR), quelque temps avant la publication de la sentence ».


(Lire aussi : Nadim Gemayel : Il est temps de réaliser le rêve de Bachir)


« Négligence, incurie ou raisons politiques ? »

Me Naoum Farah, avocat de la famille de Bachir Gemayel, affirme également que « l’État n’a rien fait pour arrêter les criminels », soulignant que « c’est pourtant aux ministères de la Justice et de l’Intérieur d’entreprendre des démarches en ce sens ». « La victime est un président de la République, et le crime n’est pas ordinaire puisqu’il a frappé la paix civile et la sécurité intérieure et internationale », ajoute-t-il, indiquant à cet égard que « le dossier de l’assassinat de Bachir Gemayel a été déféré par le Conseil des ministres devant un tribunal d’exception qui est la Cour de justice ». « Ce n’est donc pas aux parties civiles d’œuvrer à ramener les meurtriers », soutient Me Farah, notant que « celles-ci ne peuvent pas de leur propre chef frapper à la porte d’Interpol pour lui demander de publier un mandat d’arrêt international auprès de toutes les polices des frontières de ses 190 États membres ». « Cette organisation internationale de police criminelle doit être saisie par l’État dont le devoir est régalien dans ce cas d’espèce, et le parquet de cassation doit dans ce cadre lui-même agir en vue de retrouver les meurtriers », précise l’homme de loi.

À la question de savoir pourquoi, à son avis, l’État ne s’est toujours pas mobilisé pour assumer ses responsabilités, Me Farah attribue ce manquement à « une négligence ou une incurie de l’État », ou encore à « des raisons politiques ».

Abdel-Hamid Ahdab, autre avocat ayant travaillé sur le dossier de l’assassinat de l’ancien président de la République, déplore dans le même esprit « l’impuissance du régime actuel lorsqu’il s’agit d’affaires liées à la défense de la souveraineté », alors que, soutient-il, « le devoir de l’État est de veiller à la sécurité du pays et au respect des décisions de justice ». « Or, le criminel se déplace en liberté, sans nulle crainte », s’indigne Me Ahdab, estimant que « les autorités peuvent aisément mettre la main sur lui pour peu qu’elles le veuillent ».

Jointe par L’OLJ, une source judiciaire haut placée estime que la justice a fait son travail dans cette affaire en diffusant la décision auprès de tous les services sécuritaires, lesquels ont été chargés de l’exécuter. À la question de savoir pourquoi cela n’a pas encore été fait, elle répond que la partie plaignante doit fournir d’abord une caution pour couvrir les frais de voyage du détenu et de ceux qui l’escortent, ainsi que les frais de séjour au Liban des accompagnateurs. Sur le point de savoir pourquoi cette caution ne serait pas payée par l’État, la source judiciaire évoque « un manque de budget ». Un motif qui laisse perplexe face à l’ampleur du séisme national qu’a provoqué cet attentat, au-delà du deuil des parents des victimes.


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commentaires (2)

Tant qu'il y a le Hezbollah la justice laisse à désirer

Eleni Caridopoulou

17 h 50, le 20 octobre 2018

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Commentaires (2)

  • Tant qu'il y a le Hezbollah la justice laisse à désirer

    Eleni Caridopoulou

    17 h 50, le 20 octobre 2018

  • JE CITE :: une source judiciaire HAUT placée estime qu'elle a fait son travail en diffusant la décision .À la question de savoir pourquoi cela n’a pas encore été fait, elle répond que la PARTIE PLAIGNANTE doit fournirD'ABORD UNE CAUTION pour couvrir les frais de voyage du détenu et de ceux qui l’escortent, ainsi que les frais de séjour au Liban des accompagnateurs. Sur le point de savoir pourquoi cette caution ne serait pas payée par l’État,LA SOURCE JUDICIAIRE EVOQUE UN MANQUE DE BUDGET ».......FIN DE CITATION SI CE QUI PRECEDE EST VRAI, SI CES GENS LA ON T VRAOMENT EU LE CULOT D'EMETTRE CET ARGUMENT ABJECT, BEN JE PENSE QU'IL FAUT CESSER DE CROIRE EN NOTRE AVENIR UNE FOIS POUR TOUTE.

    Gaby SIOUFI

    11 h 20, le 20 octobre 2018

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