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Liban - Commémoration du 14 septembre

Nadim Gemayel : Il est temps de réaliser le rêve de Bachir

36 ans après l’assassinat du président élu, son fils, député d’Achrafieh, appelle à la construction d’un État rassembleur dans sa vision nationale.


Nadim et Youmna Gemayel se recueillant devant le mémorial dédié à leur père, l’ancien président élu Bachir Gemayel. Photo C.A.

Quand bien même trente-six ans se sont écoulés depuis l’assassinat de l’ancien président de la République élu Bachir Gemayel, l’émotion et la détermination étaient marquantes hier dans la cour de l’immeuble abritant la permanence des Kataëb, à Achrafieh, où l’odieux crime perpétré le 14 septembre 1982 avait en outre causé la mort de 23 autres personnes. Dans le discours qu’il a prononcé à cette occasion devant une assemblée de deux cents personnes composée principalement de parents des victimes et d’anciens compagnons de Bachir Gemayel, le fils du disparu, Nadim Gemayel, député d’Achrafieh, a assuré qu’il continuerait toujours à « porter la cause » pour laquelle son père a été assassiné, à savoir un « État libre et indépendant, affranchi de toute corruption, dans lequel la loi serait applicable à tous ».

À plusieurs dizaines de mètres du siège des Kataëb, retentissent des chants à la mémoire de celui qui, pendant les 21 jours ayant suivi son élection le 23 août 1982, avait offert le rêve d’un projet national autour duquel se seraient rassemblés les Libanais, toutes communautés et appartenances confondues.

Il est près de 16h et la cour est pleine de monde. Il y a là notamment

Youmna Gemayel Zaccar, fille du disparu, Alfred Madi, directeur exécutif de la Fondation Bachir Gemayel, ainsi que des cadres du parti Kataëb, et une délégation des Forces libanaises menée par Imad Wakim, député de Beyrouth, qui représentait le chef des Forces libanaises, Samir Geagea. Abordé par L’Orient-Le Jour, M. Wakim salue dans le chef de l’État assassiné « le plus noble des résistants, des présidents et des martyrs », affirmant que les Forces Libanaises « s’emploient à édifier pierre par pierre une République forte comme celle que concevait Bachir Gemayel ».

L’entretien est vite interrompu par l’arrivée de Nadim Gemayel, ovationné par la foule, et encerclé par les photographes. À peine prend-il place que retentit l’hymne national, suivi d’une allocution de Joseph Toutoungi, chargé de communication au sein de la Fondation Bachir Gemayel, organisatrice de l’événement en coopération avec le parti Kataëb. « Ta voix, tes enseignements et tes orientations sont toujours présents pour que le Liban se relève », lance-t-il au souvenir de Bachir Gemayel, citant ensuite un à un les noms des 24 victimes au milieu d’applaudissements soutenus, avant d’annoncer une minute de silence pour leur rendre hommage.

Devant le mémorial dédié à leur père, Nadim et Youmna Gemayel déposent une couronne de fleurs et illuminent un flambeau, signe de leur volonté de poursuivre la réalisation du projet pour lequel l’ancien président élu est mort. « Nous sommes ici pour affirmer que le sang versé par Bachir Gemayel et ses compagnons n’a pas été vain, parce que la cause pour laquelle ils sont tombés en martyrs, en l’occurrence un État souverain, libre et indépendant, sera réalisée », a affirmé dans son discours Nadim Gemayel, ajoutant qu’« après 36 ans de dégradation de l’État et de désespoir des jeunes Libanais, il est temps de réaliser le rêve de Bachir et de construire une patrie dans laquelle les communautés, les partis et les citoyens seraient égaux et libres et jouiraient de paix et de sécurité ». « Les Libanais ont besoin d’un homme qui donne tout ce qu’il a pour l’État et ne le sacrifie pas en vue de satisfaire ses intérêts personnels », a poursuivi le député d’Achrafieh, préconisant « un État à l’écart du partage de parts et de postes, autour duquel on se réunirait pour une cause plus noble que ces questions temporaires et puériles ». Et de préciser : « La seule question qui peut nous rassembler est un État porteur d’une vision et d’un projet. »


(Lire aussi : Pour Nadim Gemayel, « la quête d’un pays totalement indépendant se poursuit »)


« Briser les barrières de la peur »
M. Gemayel a par ailleurs appelé à « briser les barrières de la peur », mettant en garde contre « toute utilisation des armes d’une partie contre une autre », affirmant que ceux qui se livrent « aux menaces et aux chantages » devront « rendre des comptes ».

Le député a par ailleurs noté qu’« il s’agit de la première commémoration après la publication du jugement (octobre 2017) condamnant les assassins de Bachir », saluant les magistrats qui ont condamné à mort par contumace Habib Chartouni et Nabil Alam. Il a en outre évoqué la phase finale des plaidoiries devant le Tribunal spécial pour le Liban (TSL) dans l’affaire de l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri et de nombreux martyrs de la révolution du Cèdre. « Après la phase de la vérité, nous sommes maintenant dans celle de la justice, pour que reposent en paix les martyrs et vivent en confiance leurs familles dans un État de droit », a-t-il conclu.

Parmi les nombreux présents qui l’applaudissent, Kawthar Baydoun, 50 ans, qui affirme que « tous les habitants du quartier de Baydoun aiment Bachir Gemayel parce qu’il aime son pays ». Fadi Semaan, la cinquantaine, journaliste de sport et militant FL, compare le chef de l’État assassiné au poète Gebran Khalil Gebran, qui « lui aussi avait à cœur des questions politiques et sociales restées toujours d’actualité ». Sur le point de savoir si un jour on verrait apparaître un responsable qui ressemblerait de près ou de loin à Bachir Gemayel, M. Semaan répond par la négative. « Personne ne veut d’un homme de réformes et de droit parce que personne ne veut d’un État d’institutions », estime-t-il, indiquant à cet égard que « les ministres affiliés aux FL qui suivent la ligne institutionnelle du chef de l’État assassiné sont la cible de toutes les attaques ». Nour, une jeune fille de 21 ans, venue avec son père, un fidèle de Bachir Gemayel, est du même avis : « Quand bien même un homme accéderait au pouvoir pour réaliser des réformes et construire un État, il serait liquidé, parce que la plupart des responsables veulent continuer à voler les deniers publics. » Patricia, 25 ans, croit ferme, elle, qu’« on pourra voir un jour arriver à la tête de l’État un homme de la trempe de Bachir Gemayel », évoquant le nom de « Nadim ».

Sur la question de savoir si un État fort pourrait dans un avenir proche prendre forme, le directeur exécutif de la Fondation Bachir Gemayel, Alfred Madi, estime que « le vrai problème réside dans le prix qu’on devra payer pour qu’un tel État puisse voir le jour », liant le développement de la situation au Liban à celle de la Syrie, de l’Irak et du Golfe, et aux « probables velléités de partition du Liban et de la région nourries par les grandes puissances ».

Faisant preuve de plus d’optimisme, Youmna Gemayel Zaccar estime que « les jeunes qui croient en leur pays peuvent aider à sa construction, ce en favorisant l’ouverture des cœurs les uns aux autres ». Et de donner l’exemple de l’initiative qu’a prise mardi dernier Nadim Gemayel en allant se recueillir sur la tombe de l’ancien député de Zghorta, Tony Frangié, assassiné en 1978 sur fond de conflit politique avec les Kataëb. À ce propos, qu’aurait pensé Bachir Gemayel de cette démarche ?
« Il aurait certainement accompagné Nadim », affirme Mme Zaccar, rappelant qu’à peine élu, le président assassiné « avait été à la rencontre de l’ancien Premier ministre Saëb Salam (qui s’était opposé à sa candidature à la magistrature suprême) ».


(Lire aussi : Bachir Gemayel : retour sur sa vie, son parcours, son héritage)


Messe à Bickfaya
Les participants à l’événement se sont ensuite dirigés vers Bickfaya pour assister à la messe célébrée en l’église Saint-Michel, à 18h, en mémoire de Bachir Gemayel et de ses compagnons. Étaient notamment présents la veuve du président assassiné, Solange Gemayel, l’ancien chef de l’État Amine Gemayel et son épouse Joyce, le président du parti Kataëb, Samy Gemayel, le ministre sortant des Affaires sociales, Pierre Bou Assi, représentant le leader des Forces libanaises Samir Geagea, le ministre d’État aux Droits de la femme, Jean Oghassabian, les députés Antoine Pano, Jean Talouzian, Élias Hankache, Imad Wakim, l’ancienne députée Nayla Moawad, les anciens ministres Ibrahim Najjar, Karim Pakradouni, Joe Sarkis, et Fouad Abou Nader, membre des Kataëb.

Portant des bougies illuminées, les présents se sont ensuite rendus au caveau familial sur lequel des couronnes de fleurs ont été déposées. Plus tôt dans la journée, le chef des FL Samir Geagea avait rendu hommage à Bachir Gemayel dans un tweet. « Cheikh Bachir, regarde ce qu’est devenu le cèdre que tu as planté et que tu nous as laissé. Regarde à quel point ses branches et ses racines se sont étendues à travers le pays après le baptême de la résistance qui se poursuit avec ténacité et une croyance qui ne se dément pas », avait-il affirmé. L’ancien président Michel Sleiman a également twitté en hommage à son prédécesseur assassiné.



Pour mémoire
Editos, reportages, analyses : Retour sur la condamnation des assassins de Bachir Gemayel

Quand bien même trente-six ans se sont écoulés depuis l’assassinat de l’ancien président de la République élu Bachir Gemayel, l’émotion et la détermination étaient marquantes hier dans la cour de l’immeuble abritant la permanence des Kataëb, à Achrafieh, où l’odieux crime perpétré le 14 septembre 1982 avait en outre causé la mort de 23 autres personnes. Dans le discours...

commentaires (3)

desole de ressasser : 2, maintenant 3 negations ne font pas une nation, ne la feront jamais.

Gaby SIOUFI

10 h 15, le 15 septembre 2018

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Commentaires (3)

  • desole de ressasser : 2, maintenant 3 negations ne font pas une nation, ne la feront jamais.

    Gaby SIOUFI

    10 h 15, le 15 septembre 2018

  • POUR COMMENCER QUE TOUTES LES FORCES CHRETIENNES... ET EN TETE F.L./KATAEBS/MARADA ET CPL... S,UNISSENT EN UNE SEULE FORCE CHRETIENNE ! C,EST REVER AVEC TOUS LES ABRUTIS QUI SONT AUX COMMANDES...

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 53, le 15 septembre 2018

  • Notre pays manque de perspectives et de projets communs à dessein national qui regrouperait et impliquerait toutes les communautés. Tant que chaque communauté ne trouve pas son intérêt dans l'espace public national (pour cela tout un chacun doit sentir son appartenance à la communauté nationale à travers des projets communs, ce qui n'est visiblement pas le cas pour certains), il y aura toujours des influences étrangères plus fortes que l'appartenance nationale, ce qui met à mal tous les efforts d'un gouvernement quelque soit la composition de celui-ci. le gouvernement doit réformer nos institutions et créer les conditions pour se réaliser, et pour commencer il doit d'abord ...se "former" et cesser de battre des records pour une simple formation d'un gouvernement! Une pensée affectueuse au président assassiné Bachir Gemayel

    Sarkis Serge Tateossian

    09 h 29, le 15 septembre 2018

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