La date anniversaire de l’élection de Bachir Gemayel à la tête de l’État libanais, le 23 août 1982, revient pour la 36e fois, avec son lot de souvenirs. « Je suis candidat à la présidence de la République », avait dit Bachir dans un discours annonçant sa candidature en 1982. « Cette candidature n’est pas une manœuvre, elle n’a pas pour objectif de faire des compromis et elle est définitive », avait-il dit ce jour-là. Et cette élection, pour laquelle il était le seul candidat, a bien eu lieu le 23 août de cette année-là, dans un contexte pour le moins houleux (l’invasion israélienne du Liban), mais suscitant une vague d’espoir chez une grande partie de la population.
Le souvenir de cet événement, que 22 jours seulement séparent de l’assassinat du président élu, fait inévitablement resurgir des extraits des discours prononcés cette même année par Bachir Gemayel, dont certains restent étrangement d’actualité, tout comme il suscite des prises de position qui rattachent cette période troublée aux scénarios éternellement mouvementés que vit le Liban actuel.
C’est ainsi que, dans un discours prononcé à l’occasion d’une cérémonie organisée par le bureau Kataëb de Majdel (Jbeil) mercredi, à l’issue d’une messe célébrée en l’église Mar Saba, le député Nadim Gemayel, fils du président assassiné, a affirmé que ceux qui ont combattu « les occupations palestinienne et syrienne du Liban » n’accepteront pas « l’occupation iranienne ou l’iranisation du Liban ». Cette attaque implicite contre le Hezbollah, qu’il évoque sans le citer nommément, est la plus virulente qu’il ait prononcée, bien qu’elle ne soit pas la première. « Notre combat est dirigé contre un parti qui essaie de nous imposer sa culture et son identité et qui veut mettre la main sur les institutions de l’État libanais, a lancé le député Kataëb. Nous ne tolérerons pas qu’un parti relevant de l’Iran dirige l’État libanais et nous impose une culture qui n’a rien à voir avec l’identité libanaise. »
(Lire aussi : Bachir Gemayel : retour sur sa vie, son parcours, son héritage)
Un message « d’espoir »
Interrogé par L’OLJ sur le timing de ce discours qui semble encore plus virulent que les précédents, M. Gemayel estime que ce n’est pas le cas, mais que « dans un contexte de silence profond des autres parties politiques, de telles paroles résonnent encore plus fort ». « Nous avons oublié la cause principale du Liban, celle de la souveraineté, de l’indépendance et de toutes les valeurs du 14 Mars », insiste-t-il. « L’unification de la nation doit faire l’objet d’une conviction intérieure, limitée au seul Liban. Elle ne doit pas être conçue comme une tactique provisoire, en attendant la constitution d’unités régionales élargies », lançait Bachir Gemayel, dans un discours d’avril 1982.
Pour ce qui est de savoir pourquoi son attaque est principalement dirigée contre le Hezbollah, dans ce discours, Nadim Gemayel affirme : « Pour moi, une milice armée dirige le pays et provoque un déséquilibre politique grave et une mainmise iranienne via ce parti. Si le gouvernement ne se forme pas, c’est que le Hezbollah et l’Iran exigent une majorité au sein de l’exécutif, que les puissances ne veulent pas leur accorder. »
Prié d’effectuer un parallèle avec la période qui a vu l’élection puis l’assassinat de son père, et avec les discours de ce dernier, M. Gemayel s’est dit convaincu que « la quête d’un pays totalement indépendant et souverain se poursuit malgré toutes les années ». Selon lui, toute dépendance envers l’Est ou l’Ouest devrait disparaître, si tant est qu’on rétablisse un équilibre interne faussé aujourd’hui par la présence d’un parti armé.
Quel enseignement tire-t-il de ces événements d’il y a 36 ans ? « Malgré toutes les difficultés et les souffrances, il faut garder l’espoir, dit-il. C’est un message d’espoir que j’adresse aux chrétiens en particulier. Nous n’allons pas quitter ce pays, pas aussi facilement en tout cas. »
(Pour mémoire : Editos, reportages, analyses : Retour sur la condamnation des assassins de Bachir Gemayel)
« Une nette dégradation »
Le souvenir de cette période trouble passe pour beaucoup encore par les discours enregistrés de ce président assassiné avant de pouvoir gouverner, ou encore par les souvenirs de ses proches. Joseph Abi Khalil, vice-président du parti Kataëb, a partagé, pour la énième fois, ses souvenirs de cette période, lors d’un entretien à la Voix du Liban. Selon lui, Bachir était un rêveur, mais qui comptait bien réaliser ses rêves, étant convaincu que « ceux qui ne rêvent plus ne sont plus vivants ». « Il avait, en si peu de temps, donné l’échantillon d’un État de droit, et les gens s’y étaient conformés », a-t-il souligné.
Le militant politique de très longue date se souvient que Bachir avait créé, en très peu de temps, un groupe de travail de personnes très compétentes dans ce qui était alors connu comme les régions-Est, et qu’il s’apprêtait à faire de même dans un Liban qu’il espérait unifier très rapidement. Or pour Joseph Abi Khalil, il est clair qu’il y a « une nette dégradation dans le pays, qui est de moins en moins un État de droit », critiquant particulièrement « la prestation des gouvernements en l’absence d’application des lois ».
Que l’on plébiscite ou non la personnalité que fut Bachir Gemayel, la question de savoir quel président il aurait été restera à jamais en suspens. Toutefois, certaines de ses paroles résonnent étrangement de nos jours, compte tenu des développements dans la région. Comme cette tirade prononcée en avril 1982 : « Nous sommes capables de résister encore plus, bien plus que ne le croient ceux qui tablent sur l’effondrement de notre société. Et en définitive, soit la paix que connaissent les autres nations s’étendra jusqu’au Liban, soit la guerre qui sévit au Liban atteindra les autres nations : il n’y a pas d’alternative. »
commentaires (10)
Avant c'était la Syrie et maintenant c'est l'Iran rien n'a change , je me demande pourquoi tous ces pays veulent le Liban
Eleni Caridopoulou
18 h 13, le 20 octobre 2018