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Lifestyle - This is America

La garde-robe islamique dans un musée californien

En plein débat européen sur le port du foulard, les USA étalent une magnifique esthétique du dress code des pays musulmans.

Symphonie en noir et banc. Photo Fine Arts Museum of San Francisco

Le De Young Museum de San Francisco ne craint pas la controverse : il a réalisé une première mondiale en consacrant son espace à une exposition intitulée « Contemporary Muslim Fashions ». Dans une très belle scénographie signée Gisue and Mojgan Hariri, deux sœurs architectes d’origine iranienne établies à New York, 80 tenues content les divers accents de la mode, du Maghreb au Sud-Est asiatique, en passant par le Moyen-Orient – le tout accompagné de 40 photographies. Max Hollein, l’ancien directeur de ce musée et qui a mis sur pied cette exposition, s’explique : « On savait que l’on pénétrait dans un nouveau domaine. L’idée n’était pas du tout de provoquer, mais de partager la large perception de la mode islamique que nous avions recueillie, afin de la saisir en profondeur. Les musées demeurent les rares espaces où peuvent se tenir des débats non polémiques sur l’intersection des cultures. Dans d’autres plateformes, on risque de tomber dans des conversations superficielles ou, carrément, des conflits. »

Dans ce musée californien, la fusion de la foi et de la mode, de la modestie et de la modernité, a donc pu être explorée. L’exposition a d’ailleurs été très bien accueillie, tant par les médias que par le public. Elle permet de découvrir de spectaculaires créations vestimentaires à travers des interprétations religieuses et régionales qui vont du haut de gamme au streetwear et aux tenues de sport, le tout portant des griffes prestigieuses ou émergentes, qui mettent la lumière sur une manière d’être sociale et culturelle souvent mal perçue par le monde actuel. « Les habits et la mode islamiques ne sont pas constitués d’uniformes. Ce que l’on voit ici représente des femmes à l’esprit ouvert, déterminées et qui montrent qu’elles ont un grand sens du style », fait d’emblée remarquer le directeur d’une marque en ligne, Kerim Tür, qui dénonce gentiment les clichés liés aux femmes musulmanes.

Ces dernières années, une nouvelle vision s’est répandue, avec des coupes recherchées et une belle palette de couleurs, dans un marché annuel estimé à 44 milliards de dollars, soit 18 % des 243 milliards de dollars dépensés sur l’ensemble de leurs vêtements par les consommatrices musulmanes. Les modèles constituant l’exposition Contemporary Muslim Fashions témoignent de la vitalité et du large éventail de cette tendance telle que cultivée par cinquante designers. Aux côtés de ceux provenant de pays musulmans, notamment la Malaisie, l’Indonésie et les Émirats arabes unis, on retrouve les grandes maisons de couture occidentales : Christian Dior, Karl Lagerfeld, Yves Saint Laurent, Oscar de la Renta et Jean-Paul Gaultier. Côté mode moyen-orientale, on a surtout décliné la abaya dans les interprétations les plus inattendues. Et dans le Sud-Est asiatique, région célèbre pour les richesses de ses textiles, on a introduit ces divers matériaux dans des tenues qui suivent le goût du jour. Le sport et le workout sous toutes leurs formes ne sont pas oubliés : la tenue athlétique, le Pro Hijab lancé par Nike, a fait école et a inspiré de nombreuses créations.


Fluidité et diversité

Toute cette nouvelle approche des tenues islamiques a naturellement donné lieu à de multiples réflexions. Une styliste nommée Saba Ali, résidant dans les environs de San Francisco, s’est souvenue avoir entendu en 2017 des gens dire qu’il n’y a pas de « mode islamique », car selon cette religion, la personne doit rester sobre. La styliste a rectifié en précisant : « Je ne vois pas les choses de cette manière, car les femmes musulmanes, partout dans le monde, expriment leur croyance de différentes manières. Les curateurs de cette exposition ont bien pris en considération tous les éléments à effet boomerang. »

Ces mêmes curateurs avaient fait appel à Reina Lewis, une éminente professeure d’études culturelles au London College of Fashion. « Il fallait être préparé aux préjudices et aux stéréotypes du genre : être habillé modestement est insuffisant ou, à l’inverse, d’autres femmes musulmanes peuvent rétorquer qu’Allah aime la beauté et qu’être bien habillée fait partie de leur religion. »

Pour faire face à ces défis, l’exposition californienne a réussi à refléter la fluidité et la diversité de la culture islamique. Notamment en couvrant parfois la tête des mannequins. Le public a aussi pu visionner en vidéo le débat en France sur le port du foulard.

Et ce sont les deux sœurs Hariri qui ont résumé l’objectif de cette exposition : « Nous ne voulions pas que l’exposition soit sombre, voilée et impénétrable, comme le sont les stéréotypes de la culture musulmane. Nous voulions qu’elle reflète ce que la mode donne à voir : quelque chose de léger, de beau et de puissant. »


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