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Liban - Environnement

Ils marchent pour dire non à la construction du barrage de Bisri

Pour le président du LEM, « le plus important, c’est que les gens qui ne connaissent pas Bisri voient ce que nous allons perdre ».

Les opposants descendent dans la vallée en empruntant des escaliers romains.

Samedi matin, le calme et la sérénité de Mazraat el-Chouf ont été quelque peu perturbés. La cause : un rassemblement de plusieurs centaines de personnes, mobilisées pour une marche jusqu’à la municipalité à Bisri (caza de Jezzine). Mais une marche d’une nature particulière. Il s’agissait pour les randonneurs, venus de tout le pays et plus ou moins rodés à l’exercice, d’exprimer leur désaccord vis-à-vis du projet de construction du barrage de Bisri, conçu par le Conseil du développement et de la reconstruction (CDR) afin d’améliorer l’approvisionnement en eau de la région de Beyrouth et du Mont-Liban. En ce samedi matin, donc, depuis le rocher surplombant la vallée, les participants, après avoir fait connaissance, en viennent rapidement à évoquer ce qui les rassemble ici : le charme unique de ce cadre naturel menacé par le projet d’aménagement du barrage. D’en haut, une vue magnifique s’offre à eux, dominant une nature florissante qui ne peut que faire penser à l’installation pluriséculaire de cultivateurs en ces lieux. Après avoir déployé une banderole sur laquelle on peut lire « Sauvez la vallée de Bisri », les organiseurs prononcent quelques brefs discours d’accueil. Parmi eux, le président du conseil municipal de Mazraat el-Chouf, et Paul Abi Rached, président du Mouvement écologique libanais (LEM), opposant actif à la construction du barrage. Le projet, déjà évoqué puis abandonné il y a 50 ans, a été réactivé en 2015 lorsque le gouvernement a signé un accord de financement avec la Banque mondiale, ce qui a suscité des contestations au sein de la population. Pour le président du LEM, « le plus important, c’est que les gens qui ne connaissent pas Bisri voient ce que nous allons perdre ». Une allusion au patrimoine naturel et historique de la région.

Les marcheurs se mettent alors en route, amorçant la descente en empruntant des escaliers romains, premier signe du passé archéologique de la vallée qui compte plus de 60 vestiges, dont certains remontent peut-être au temps des Phéniciens. Alors qu’ils découvrent peu à peu ce patrimoine, les randonneurs engagés se frayent un chemin parmi les chênes qui leur apportent une fraîcheur bienvenue. Au creux de la vallée bercée par le bruit du fleuve Awali, la piste qui les mène à Bisri progresse le long de terrains agricoles où se dressent avocatiers, citronniers et grenadiers nourris par une terre riche et humide. C’est tout cela que les opposants au projet de barrage du CDR veulent préserver.


(Lire aussi : Barrage de Bisri : le CDR annonce l’arrivée d’une délégation d’archéologues français pour inspecter le site)


Des sites archéologiques en danger
La première chose dont se félicitent Paul Abi Rached ainsi que ses collaborateurs de TERRE Liban et du LEM, c’est du nombre de participants à cette randonnée. « Ce nombre important indique que les gens ont soif de changement », affirme-t-il. En effet, le projet a mobilisé encore plus de gens qu’en avril dernier, lorsqu’une marche similaire avait été organisée : selon les estimations, ce sont près de 300 personnes qui étaient présentes ce samedi. Pour l’activiste, cela signifie que la question des barrages est en train de devenir « une affaire d’opinion publique », affirme-t-il.

La marche protestataire était en outre organisée alors qu’une délégation d’archéologues français est en mission pour inspecter le site du barrage. Cette mission, annoncée par le CDR dans un communiqué datant du 2 septembre, vise à compléter les recherches effectuées par l’organisme libanais et contestées par les ONG écologistes locales. Elle vise à identifier les sites constituant un patrimoine archéologique et à recommander des mesures afin de conserver ou, éventuellement, déplacer les sites. La délégation s’est déjà rendue dans la région en juin dernier, et il lui faudra encore plusieurs mois avant d’achever ses travaux. En parallèle, un bureau de consultants libanais doit déterminer le « coût écologique et les mesures à prendre en vue de compenser les habitants locaux », selon le communiqué du CDR.

En attendant le verdict, Paul Abi Rached, plein d’espoir et d’enthousiasme, fait savoir que la prochaine étape de son combat se déroulera sur un autre plan, plus politique. « Nous préparons un dossier pour la Banque mondiale, dit l’avocat de formation. Ce sera le meilleur que nous ayons constitué jusqu’à présent. » L’institution financière internationale participe au financement du projet qu’elle estime à 617 millions de dollars, estimation que les opposants portent à plus d’un milliard de dollars, notamment en raison des travaux supplémentaires de rattachement au réseau hydrique national. Or, pour le mouvement écologiste libanais et son président, l’ouverture d’un dialogue avec la Banque mondiale est synonyme d’espoir car c’est la garantie de parler un même langage avec des acteurs du projet en tant que Libanais qui s’adressent à eux en termes de changements climatiques et d’objectifs de développement durable », affirme Paul Abi Rached.


(Pour mémoire : La vallée de Bisri, un petit coin de paradis en danger)


Un projet « absurde »
Les travaux, dont le lancement était prévu courant 2018 avant d’être reporté, aboutiraient à des transformations menaçant l’écosystème d’une zone de près de 6 millions de mètres carrés. L’argument écologique s’ajoute donc à celui, culturel, de la conservation du patrimoine dont le déplacement est impensable selon Roland Nassour, coordinateur du Mouvement écologique. « En ce qui concerne la reconstruction ou le déplacement des vestiges présents, soutient-il, ce que dit le CDR est absurde pour deux raisons. Premièrement, il ne prend pas le temps de bien étudier les lieux, ce qui fait qu’il y aura du gâchis. Deuxièmement, l’entremêlement du paysage et des constructions est tel sur ce site qu’on ne peut pas déplacer ces édifices sans les défigurer. » Cette dernière caractéristique, propre au patrimoine de Bisri, constitue à la fois la richesse et la fragilité des vestiges qu’on peut admirer ici.

Lors des discours qui ponctuent la marche, on rappelle que la vallée fait vivre plus de deux mille familles réparties autour de quinze villages. Il y a donc aussi un argument économique et social repris par les organisateurs, mais également mis en avant par des agriculteurs locaux comme Imad, 50 ans. En effet, l’activité de la vallée menacée permet d’assurer des revenus essentiels pour les agriculteurs et leurs familles. S’opposant aux arguments avancés par le CDR, Imad explique que cet organisme officiel essaie de minimiser la valeur économique des récoltes locales pour favoriser la construction du barrage, ce qui est faux, selon lui. Il affirme que les bénéfices annuels générés par ses récoltes de haricots dépassent le montant de la compensation proposée par le CDR. Des randonneurs lui demandent quel serait son dernier moyen de résister si l’État décidait de la construction du barrage malgré le refus de la population. « Mon dernier mot ? Leur montrer ces arbres, dit-il en désignant des chênes. Je leur dirai qu’ils ont plus de 450 ans et je leur demanderai s’ils veulent vraiment les abattre. »


Pour mémoire
Dans la vallée de Bisri, le projet de barrage fait polémique

Une marche anti-barrage de Bisri, à l'occasion de la journée de la Terre (vidéo)

Samedi matin, le calme et la sérénité de Mazraat el-Chouf ont été quelque peu perturbés. La cause : un rassemblement de plusieurs centaines de personnes, mobilisées pour une marche jusqu’à la municipalité à Bisri (caza de Jezzine). Mais une marche d’une nature particulière. Il s’agissait pour les randonneurs, venus de tout le pays et plus ou moins rodés à l’exercice,...

commentaires (2)

Je pense qu'il y a aussi quelques restaurants proche du "fleuve Awali" a Bisri. C'est tres beau, et agreable pour manger en dehors (en plein air) a Bisri ... on peut y manger une sorte de saucisse rempli de graines de hommos (entier), ce n'etait pas une saucisse de viande. C'est tres bon. Voila, c'est vrai que c'est un des coins les plus jolis du Liban , proche de Saida. J'espere sincerement que les activistes et agriculteurs locaux savent convaincre d'arreter ce projet "style 1950 ou 1960". Est-ce qu'on ne peut pas mieux etudier l'approvisionnement en eau de la région de Beyrouth et du Mont-Liban et moderniser l'infrastructure actuelle, qui parfois remonte a l'epoque du protectoriat francais - sans faire un nouveau barrage et laisser la veille infrastructure telle qu'elle est ??

Stes David

17 h 59, le 08 octobre 2018

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Commentaires (2)

  • Je pense qu'il y a aussi quelques restaurants proche du "fleuve Awali" a Bisri. C'est tres beau, et agreable pour manger en dehors (en plein air) a Bisri ... on peut y manger une sorte de saucisse rempli de graines de hommos (entier), ce n'etait pas une saucisse de viande. C'est tres bon. Voila, c'est vrai que c'est un des coins les plus jolis du Liban , proche de Saida. J'espere sincerement que les activistes et agriculteurs locaux savent convaincre d'arreter ce projet "style 1950 ou 1960". Est-ce qu'on ne peut pas mieux etudier l'approvisionnement en eau de la région de Beyrouth et du Mont-Liban et moderniser l'infrastructure actuelle, qui parfois remonte a l'epoque du protectoriat francais - sans faire un nouveau barrage et laisser la veille infrastructure telle qu'elle est ??

    Stes David

    17 h 59, le 08 octobre 2018

  • CE QUE JE CONSTATE CHEZ NOUS, C,EST QUE NOUS BLAMONS NOS ABRUTIS POUR LE MANQUE DE PROJETS ET DE DECISIONS ... ET LORSQUE LEUR LOBE TOURNE UN PEU ET QUELQUE PROJET Y SORT PAR HASARD NOUS NOUS ACHARNONS... CHAQUE REGION A TOUR DE ROLE... A PROTESTER CONTRE ET A LE DYNAMITER ! UN PROJET DE BARRAGE... PLUSIEUS EN FAIT... EST.SONT NECESSAIRES POUR LE PAYS... IL SUFFUT QU,ILS SOIENT BIEN ETUDIES ET PLANIFIES ! ET EXECUTES SANS LATTA ET CORRUPTION !

    LA LIBRE EXPRESSION

    14 h 05, le 08 octobre 2018

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