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Nos Lecteurs ont la Parole - Dina DAHER

Aller au bout de mes rêves

Je suis une rêveuse. Je l’ai toujours été. Depuis mon plus jeune âge, je m’évadais loin dans ma tête. Je rêvais de grandes villes, de gratte-ciel, d’édifices aux grandes colonnes sculptées, de limousines, de tailleurs chics et de talons hauts.
Je rêvais en parallèle d’aller faire le tour du monde en sac à dos, coucher dans les hôtels de jeunesse, faire le pouce pour voyager d’une ville à l’autre. Découvrir de nouveaux pays, apprendre sur de nouvelles cultures, échanger dans la rue avec les habitants de chacune des villes, goûter à leur cuisine, vivre leur mode de vie le temps de mon séjour parmi eux.
Je rêvais de devenir guide dans l’Himalaya et vivre parmi les sherpas pour pouvoir m’abreuver au quotidien de la beauté sauvage de cette montagne et du silence absolu dont mon âme a besoin pour se ressourcer.
Je rêvais de mers à l’eau turquoise, de plages aux coquillages nacrés, de forêts et de clairières, de lacs, de champs de fleurs à perte de vue, d’horizons bleu marine, de couchers de soleil à la couleur des fleurs de grenadier.
J’ai l’âme d’une gitane et le cœur d’un saumon sauvage. Jeune, la lecture me permettait de m’évader à ma guise et l’écriture d’écrire mes évasions mentales. À la fin de mes études secondaires, je savais déjà dans quel domaine je voulais étudier. Et en rencontrant une conseillère en orientation, j’ai eu la confirmation que j’étais bel et bien sur le bon chemin : Sciences politiques et administration publique avec une mineure en relations internationales. J’avais le profil pour ça. Je rêvais de devenir ambassadrice ! Un très grand rêve pour une fille de 17 ans.
J’ai passé avec succès l’examen d’entrée pour l’Université américaine de Beyrouth. Une des plus prestigieuses universités de la région, une « chef de file » des établissements éducatifs. De plus, j’ai obtenu une bourse qui couvrait 50 % de mes frais de scolarité pendant toute la durée des études. À ma deuxième année, j’ai obtenu une seconde bourse qui couvrait les 50 % qui restaient. J’ai pu donner un répit de paiement d’un an à mon père.
Au moment où j’ai obtenu mon bac, un concours de la fonction publique libanaise s’était ouvert pour engager des employés au ministère des Affaires étrangères, et notamment dans les ambassades et consultats libanais autour du monde. C’était la carrière dont je rêvais. Ma chance enfin arrivée ! Je postule. On accepte ma candidature pour passer le concours. L’examen psychologique (oral) à faire passer aux candidats, par un jury de plusieurs personnes, était la première étape du processus. À ma grande surprise et joie, je l’ai réussi. Je m’approchais un pas de plus de mon but. Le second examen, c’était l’écrit. Au moment où je commençais à me préparer, j’ai rencontré un homme qui allait devenir le père de mes enfants.
Le courant est passé assez vite entre nous. Les papillons dans le ventre et les étoiles dans les yeux étaient au rendez-vous. J’ai perdu ma concentration, et mon intérêt s’est retrouvé ailleurs que sur mon examen. Je l’ai échoué naturellement, mais j’ai réussi à avoir le cœur de ce bel homme qui faisait battre des cœurs autour de lui. La vie en a décidé autrement pour moi.
Mon choix était fait : j’ai accepté de fonder une famille avec lui, et ensemble, nous avons quitté notre Liban pour refaire notre vie au Québec.
J’ai mis mon rêve de côté. Il revenait de temps en temps mais je le retournais dans sa tanière. Ma famille était ma priorité. Soutenir mon conjoint dans ses projets et le voir monter l’échelle a primé. Par contre, moi, je n’ai pas évolué. Au fond de moi, j’avais de petits pincements au cœur. Il y avait une graine qui essayait de germer. Une chrysalide qui voulait sortir et se faire des ailes. J’étouffais silencieusement.
En parallèle, ma vie familiale se dégringolait. Quatorze ans plus tard, mon mariage était officiellement fini. Impossible de ressusciter un mort. J’ai quitté ma maison, mon mari et tout ce que j’ai bâti pendant de longues années. Plus de famille et pas de carrière comme j’aspirais.
Du jour au lendemain, je me suis retrouvée seule avec trois enfants à raison d’une semaine sur deux. Je suis devenue une maman à temps partiel ou, comme on l’appelle au Québec, une maman monoparentale. C’était le 1er juillet 2016. C’était aussi la fête du Canada. Un jour assez mémorable dans ma vie !
Plus d’excuse, le rêve n’attendait qu’à fleurir. Je travaillais déjà pour le gouvernement provincial lorsqu’un nouveau concours de la fonction publique québécoise m’a menée dans un nouveau ministère et m’a permis d’obtenir une promotion. Ceci m’a aidée à améliorer ma situation financière de femme célibataire ayant la garde partagée de ses trois enfants.
Ce n’était pas assez pour satisfaire mes ambitions. J’étais encore loin de ce qui correspondait à mes aspirations professionnelles. J’ai vu de nouveaux concours qui m’intéressaient. J’ai soumis ma candidature, je les ai passés et... les trois concours réussis ! Mais ce n’était pas tout. Un de ces trois concours était celui de mon ancien rêve. Celui que j’ai laissé tomber au Liban il y a 16 ans. J’ai réussi le concours de conseillère en affaires internationales. Le volcan latent en moi s’est réveillé. Ma chrysalide s’est métamorphosée en papillon aux ailes fortes, capable de voler haut. Mon saumon sauvage est retourné à la source, à contre-courant.
J’ai toujours su qu’à l’intérieur de moi, il y avait un feu qui ne dormait jamais. Des fois, il me brûlait et d’autres fois, il me réchauffait. Avec le temps et les expériences de la vie, j’ai appris à le dompter et à le doser. C’est grâce à ce feu-là que je vis à la puissance 220, que je vibre aux rythmes de la vie et que je rêve sans limite. On dit que si « tu peux le rêver, tu peux le faire ». Je l’ai rêvé et je suis sur le point de récolter les graines que j’ai semées au cours de ma vie. Il n’y a rien qui m’arrêtera, rien qui me fera peur. J’ai surmonté les pires des peurs. Je me suis battue pour des acquis que je devais avoir naturellement. Je me suis battue pour être là, aujourd’hui : une femme forte, heureuse, épanouie et en contrôle de sa vie.
C’est le modèle que j’offre à mes enfants. Mes valeurs aussi. Il ne faut jamais rien prendre pour acquis. Notre bonheur, on le fait nous-mêmes. On trace notre destin à travers chaque geste qu’on pose au quotidien. On doit être visionnaire, rêveur, mais aussi proactif. On doit faire confiance à la vie et à nos propres moyens aussi.
Les morceaux du puzzle tombent à leur exacte place. Mon chemin se pave pour me conduire vers une belle destination. Je retire les entraves et les bâtons qui bloquaient mes roues, et avec toutes les pierres qu’on a mises devant moi, je suis en train de construire une passerelle vers mon rêve.
Une leçon que j’ai apprise à la dure, c’est qu’il ne faut pas s’oublier. Il n’y a aucune règle ou loi qui dit qu’on ne doit pas s’épanouir et avancer en étant mère de famille. Il faut simplement savoir trouver le bon équilibre et le juste milieu entre la carrière et la famille. Malheureusement, mon cas n’est pas exceptionnel. Beaucoup de femmes (et hommes) laissent tomber leurs ambitions au détriment du mariage comme si l’un ne peut pas réussir en présence de l’autre.
Avec 16 ans de retard, je reprends mon rêve débuté au pays du Cèdre pour le réaliser au pays de l’Érable.

Je suis une rêveuse. Je l’ai toujours été. Depuis mon plus jeune âge, je m’évadais loin dans ma tête. Je rêvais de grandes villes, de gratte-ciel, d’édifices aux grandes colonnes sculptées, de limousines, de tailleurs chics et de talons hauts.Je rêvais en parallèle d’aller faire le tour du monde en sac à dos, coucher dans les hôtels de jeunesse, faire le pouce pour voyager...

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