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Liban - Gouvernement

Gouvernement : vers une crise de système ?

Alors que le bras de fer Aoun-Hariri prend une tournure communautaire dont le Hezbollah est préservé, une rencontre tripartite FL-Futur-PSP s’est tenue hier.

Le patriarche maronite célébrant hier l’office à Dimane. Photo Ani

Le nouveau départ en vacances du Premier ministre Saad Hariri samedi est le signe évident d’un surplace au niveau de la formation du gouvernement. Son séjour à l’étranger, qui risque de durer jusqu’à la fête de l’Adha, à en croire des sources indépendantes, fait suite à l’attitude réfractaire du chef de l’État Michel Aoun à son égard, telle que décrite par certains milieux du courant du Futur à L’Orient-Le Jour.

La réaction constante de M. Aoun aux propositions qui lui sont soumises par Saad Hariri est de prier ce dernier de s’en référer au chef du Courant patriotique libre (CPL), le ministre sortant des Affaires étrangères Gebran Bassil, qui se charge à son tour de ne pas répondre aux sollicitations de M. Hariri.

Ce jeu de rôle Aoun-Bassil était palpable lors du dernier tête-à-tête entre Michel Aoun et Saad Hariri le 25 juillet dernier à Baabda. Ce dernier avait soumis au chef de l’État deux moutures : l’une de trente, sur base d’une formule des trois dix (acceptée par le chef de l’État avant qu’il ne s’en rétracte aussitôt) ; l’autre de 24, moins médiatisée que la première. Le fait que cette seconde proposition ait été soumise par Saad Hariri est démenti par les visiteurs du palais présidentiel, cités par notre correspondante Hoda Chedid, qui rapportent en même temps la disposition du chef de l’État à adhérer éventuellement à une formule de 24 « par choix et non par décision » si celle-ci se révélait comme « la solution à la crise ».


(Lire aussi : Gouvernement : la valse des accusations et des critères se poursuit)


Les deux formules de Hariri
Les milieux du courant du Futur confirment à L’OLJ qu’une formule de 24 a été soumise par le Premier ministre désigné sans que Baabda n’y donne suite.  Ils rappellent que la formule dite des trois 10 attribue dix ministres au chef de l’État et au CPL (sept au CPL et trois au président), dix au tandem Hariri-FL (six pour le Premier ministre et quatre aux Forces libanaises), et 10 autres pour le tandem chiite, le PSP et les Marada (trois Amal, trois Hezbollah, trois PSP et un Marada).

Ces milieux expliquent en outre que la formule de 24 accorde sept portefeuilles au président de la République et au CPL réunis, en comptant un ministre sunnite dans l’équipe ministérielle du chef de l’État. Ce qui laisse cinq portefeuilles au Premier ministre, trois aux Forces libanaises (FL), deux aux druzes (qui iraient intégralement au Parti socialiste progressiste, excluant d’entrée une participation du député Talal Arslane) et trois au tandem chiite.

Le flou autour du portefeuille régalien FL

L’un des points qui pourraient expliquer que ni l’une ni l’autre de ces propositions n’ait séduit le camp aouniste serait celui qui accorde un portefeuille régalien aux FL. Il faut savoir toutefois que la volonté du Premier ministre désigné de confier un portefeuille de cette nature au parti de Samir Geagea (qui renoncerait alors naturellement à la vice-présidence du Conseil) n’a été annoncée que par les FL, sans que le camp haririen n’apporte une confirmation dans ce sens.

Interrogés sur ce point, les milieux du courant du Futur se contentent de rappeler l’engagement déclaré de Saad Hariri à soutenir ses « alliés », dont il s’est dit « compréhensif » des revendications, quitte à retarder la formation du gouvernement. Ils réaffirment, du reste, que la seule formule à même de séduire Gebran Bassil est celle qui accorde au CPL ainsi qu’au chef de l’État le tiers de blocage au sein du nouveau gouvernement.

« L’équilibre de Bassil »

C’est cela, selon eux, le gouvernement « équilibré » auquel Gebran Bassil a dit aspirer hier. S’exprimant à Kfardebian lors d’un meeting partisan de commémoration de la répression des manifestations estudiantines devant le Palais de justice au lendemain des rafles du 7 août 2001 dans les rangs aounistes et FL à l’époque de la tutelle syrienne, Gebran Bassil a qualifié la formation du cabinet comme le nouveau « combat » du CPL. 

« Cette commémoration signifie que notre confiance en nous est invincible. Il est donc naturel que d’aucuns s’en prennent à nous, puisque nous leur tenons tête. En ce qui concerne le gouvernement, d’aucuns doivent comprendre que nous ne renoncerons pas à (nos) droits », a-t-il dit. Et d’insister : « Si nous n’arrivons pas à former un gouvernement équilibré, nous ne pourrons pas vous promettre l’avenir que nous voulons. » Cette terminologie inédite de « cabinet équilibré » ne signale en principe rien de neuf au niveau du contenu : Gebran Bassil continue de plaider pour « une formation selon un critère unifié (un portefeuille pour quatre députés) et sur base des résultats des législatives », comme l’a répété le chef de l’État devant ses visiteurs.


(Lire aussi : Gouvernement : Signe de blocage, les religieux s’en mêlent)


Retour de Damas ?
Alors que Gebran Bassil ravivait auprès de ses partisans le souvenir de la lutte contre « l’occupation et la tutelle » du régime syrien qu’il a veillé à ne pas nommer, Michel Aoun haussait le ton contre ceux qui refusent de coopérer, dans le sens d’une normalisation officielle, avec le régime syrien, dans une allusion à peine voilée à Saad Hariri.
La preuve que la genèse du nouveau cabinet cache un bras de fer d’ordre stratégique : faut-il faciliter la résurgence de Damas sur la scène libanaise, sous couverture du mandat Aoun, ou y résister, mais à quel prix ?
Un cadre du courant du Futur affirme craindre que ce bras de fer ne mène vers une crise que le CPL assimilera à « une crise du système » pour justifier une révision de Taëf sur base d’une nouvelle répartition des compétences entre le chef de l’État et le Premier ministre. C’est « sciemment » que le Hezbollah laisse faire le CPL : en provoquant une nouvelle confrontation « maronite-sunnite », le CPL affaiblit le courant du Futur en faveur du Hezbollah, tout en poussant la situation au point de forcer Saad Hariri à faire de nouvelles concessions. Ce n’est pas un hasard que des sunnites opposés à Saad Hariri, comme le député Fayçal Karamé, défendent désormais les compétences du Premier ministre désigné (indépendamment de sa personne) face au chef de l’État. La tactique syrienne qui consiste à « diviser pour mieux régner » résonne à nouveau.

Rencontre FL-Futur-PSP
Au fur et à mesure que tarde la naissance du nouveau cabinet, le soutien déclaré de Saad Hariri aux FL et au PSP semble reconstituer, mais lentement, une alliance qui touche quelque peu aux enjeux stratégiques. C’est dans ce contexte qu’une réunion tripartite – la première depuis la désignation de Saad Hariri – s’est tenue entre les ministres sortants Ghattas Khoury (Futur), Melhem Riachi (FL) et le député Waël Bou Faour au domicile du premier, loin des feux de la rampe. Le député Ali Fayad avait déclaré la veille que « ceux qui pensent pouvoir rétablir l’ancien clivage (14 Mars-8 Mars, NDLR) se trompent ». Tout en plaidant pour « le partenariat interne », il a appelé à gérer le dossier du gouvernement de manière « responsable » en gardant en tête « la priorité de préserver la situation politique et sécuritaire interne ».
Le patriarche maronite, Mgr Béchara Raï, a quant à lui tiré la sonnette d’alarme. « Aucune force politique, quelle qu’elle soit, n’a le droit de continuer d’entraver la formation du gouvernement », a-t-il déclaré, lors de son homélie dominicale hier, en rappelant l’urgence de mettre en œuvre les résolutions de la conférence de Paris (CEDRE).



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commentaires (7)

Le chef du gouvernement, désigné pour former le nouveau gouvernement n'a pas à discuter le projet de sa formation avec les ministres, il discute cela avec le Chef de l'Etat. Attention, il y a une limite au mépris.

Un Libanais

16 h 55, le 06 août 2018

Tous les commentaires

Commentaires (7)

  • Le chef du gouvernement, désigné pour former le nouveau gouvernement n'a pas à discuter le projet de sa formation avec les ministres, il discute cela avec le Chef de l'Etat. Attention, il y a une limite au mépris.

    Un Libanais

    16 h 55, le 06 août 2018

  • Il semble donc que nos responsables sont nostalgiques au retour des tutelles . Triste pays .

    Antoine Sabbagha

    11 h 31, le 06 août 2018

  • Liban fort? Eh oui, Fort malchanceux avec ses supposés dirigeants eux-mêmes montgolfières"full of hot air" comme dirait uncle Sam ...

    Wlek Sanferlou

    10 h 38, le 06 août 2018

  • Chaque fois que Saad Hariri soumet un projet de gouvernement au chef de l'Etat, ce dernier le renvoie vers le fakhamat-bis Gébran Bassil. Ce jeu de ping-pong est dangereux ne durera pas longtemps, il pourrait susciter un second Taéf qui accorderait forcément plus de pouvoir au chef du gouvernement. Suite à cela, le titre honorifique "Fakhamat" passerait du chef de l'Etat au chef du gouvernement. Il y a des limites à la patience.

    Un Libanais

    10 h 32, le 06 août 2018

  • Pour Monsieur Gebran Bassil, un "gouvernement équilibré" signifie la dictature exercée par lui et son beau-papa, (soi-disant Chef de l'Etat Libanais) manipulés par leurs alliés divers ici et ailleurs. Que le ciel les bénisse pour le bien qu'ils font à notre pays ! Irène Saïd

    Irene Said

    08 h 37, le 06 août 2018

  • LES DIRECTIVES DE BOYCOTTAGES DU GENDRISSIME LUI VIENNENT BEAUPEREMENT !

    LA LIBRE EXPRESSION

    07 h 09, le 06 août 2018

  • Cirque politique dont les enjeux sont évidents: D’un côté, CPL et Hezbollah qui veulent jouer à fond l’axe irano-chiite avec une alliance syrienne renouvelée, s’imaginant protéger la présence chrétienne au Liban et rebâtir l’état Libanais sur ces bases! D’ un autre côté, Futur, FL et le PSP, jouant le jeu de l’axe saudo-sunnite et le camp Occidental qui veut à tout prix contrer la montée de l’influence chiite au Liban. Jeu régional morbide dont on fait les frais encore une fois, entre deux tendances théocratiques qui se haïssent et qui ne trouveront aucun terrain d’entente! Nos politiciens véreux continueront donc ce jeu dangereux sans égard aux citoyens et l’avenir du pays et cette crise pourrait durer encore longtemps tant qu’il n’y aura aucun développement majeur sur le plan régional!

    Saliba Nouhad

    01 h 21, le 06 août 2018

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