Des députés ont adopté jeudi en commission parlementaire mixte une loi ouvrant la voie à la construction d'incinérateurs pour parer à la crise des déchets au Liban, au grand dam des députés Samy Gemayel et Elias Hankache pour les Kataëb, et Paula Yacoubian, issue de la société civile, qui se sont retirés de la séance en signe de protestation.
Cette loi définit un cadre juridique concernant les appels d'offres sur la mise en place de ces incinérateurs de déchets solides et d'usines de transformation "waste to energy" (récupération des gaz pour la production d’énergie) à laquelle s'opposent les écologistes et les riverains potentiels de ces installations, notamment en raison de la toxicité des rejets et des risques de pollution qu'elles pourraient engendrer en cas de mauvaise application de la technologie.
"Je ne sais pas quel est le but de cette séance si les députés ne peuvent pas donner leur opinion afin que des erreurs ne soient pas commises", a déclaré M. Gemayel après s'être retiré de la séance, exprimant l'espoir que ce genre de comportement ne se reproduise plus. "Il y a deux solutions : une mauvaise, celle des incinérateurs, et d'autres beaucoup plus intéressantes et qui ont fait preuve sur le plan sanitaire et environnemental", a-t-il ajouté.
De son côté, Mme Yacoubian s'est prononcée en faveur de la solution du tri des déchets. "Je n'accepterai pas que des cancers ou d'autres maladies soient causés par ces incinérateurs", a-t-elle déclaré au Parlement. "La première condition pour que ces incinérateurs ne posent pas de dangers, c'est leur contrôle, or l'Etat n'est pas en capacité d'effectuer ce travail", a-t-elle ajouté.
L'option des incinérateurs a été toujours été privilégiée par le gouvernement comme solution à long terme, faisant l'objet d'une décision gouvernementale datant de 2010 mais pas encore mise en application. Les cabinets successifs ont adopté au fil des années des mesures temporaires dont l'installation de décharges côtières à Bourj Hammoud et à Costa Brava, respectivement au nord et au sud de Beyrouth. Ces mesures sont contestées par les Kataëb, la société civile et les écologistes. Ces derniers mois, les Kataëb et Mme Yacoubian ont effectué des opérations coup de poing pour sensibiliser contre le danger que constituent ces décharges.
"Nous avons posé la première pierre d'un plan global de gestion des déchets", a déclaré de son côté le député Nawwaf Moussaoui, membre du bloc parlementaire du Hezbollah. "Cette loi est un message adressé aux municipalités qui sont désormais en mesure d'agir", a-t-il ajouté. Pour sa part, Hikmat Dib, membre du Courant patriotique libre, a félicité le peuple libanais pour "cette importante avancée sur le dossier des déchets". Interrogé sur le retrait des trois députés, il a déclaré qu'ils ne pouvaient pas prétendre qu'ils ont été exclus des discussions.
Par ailleurs, dix autres propositions de loi ont été étudiées en commission, dont une loi protégeant les personnes dénonçant des affaires de corruption. "Cette loi constitue une avancée concrète encourageant et protégeant ceux qui dénoncent la corruption", a déclaré Alain Aoun, membre du CPL. La lutte contre la corruption est l'une des priorités affichées notamment par le chef de l'Etat, Michel Aoun. Dans le dernier rapport annuel de l’ONG Transparency International (TI) basée à Berlin, publié en février dernier, le Liban occupe le 143e rang sur 180 pays du monde au classement 2017 de l’indice de perception de la corruption.
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commentaires (4)
Si les députés ne peuvent pas donner leur opinion ceci prouve encore une fois qu 'on a un super parlement pour rien . Triste .
Antoine Sabbagha
19 h 42, le 26 juillet 2018