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Nos Lecteurs ont la Parole - par Georges TYAN

La république voyelle

Je ne sais pas si, au moment de paraître, ces lignes auront vu la formation du nouveau gouvernement. Toujours est-il que même un enfant en bas âge aura contemplé avec dégoût l’ignominie dont sont l’objet les Libanais. Le bazar des marchandages, des conditions, des demandes à n’en plus finir, non pour servir le peuple, mais pour l’asservir et se servir.
Si les Libanais avaient été conscients de ce qui allait advenir des accords signés en cachette, dépeçant les postes de responsabilité, se partageant jusqu’à ses moindres miettes le gâteau du pouvoir, ils ne se seraient pas rendus aux urnes en mai dernier, ou à tout le moins le résultat aurait été tout autre.
En fait, il n’était pas difficile de deviner les sous-jacents d’un accord conclu entre deux parties, dont la finalité est de mettre en coupe réglée le devenir d’une communauté, qui dans sa large majorité reste réfractaire aux diktats, méfiante à l’égard de ceux qui prétendent la protéger des intrus et des affres de la guerre, installant ainsi le Liban dans un régime communautaire pur et dur.
Le claironemment haut et fort de la prise en charge des leviers de l’État par le plus fort de sa communauté n’est pas du tout innocent. Il était facile par la suite de deviner le cheminement tortueux de la pensée inhumaine de ceux qui ont dicté chaque mot de cet accord.
Dicté oui. En effet, il est courant chez nous de suivre les instructions de ceux qui donnent en monnaies sonnantes et trébuchantes. Ils n’ont jamais eu de cesse de tenter de détruire notre pays. Les guerres internes, les explosions de violence n’ont jamais abouti qu’à faire renaître le phénix de ses cendres. Le Libanais refuse de mourir.
Alors va pour l’implosion, elle ne coûte rien de plus que ce qui est déjà entendu avec les protagonistes, ni effusions de sang ni éruption de violence à la clé, tout juste un petit effort cérébral, quelques lettres formant une suite de mots couchés sur du papier (recyclable?) et le tour est joué.
Bien entendu, il faudra quelques comparses à la parlotte facile, mafieux de préférence, pour vendre le projet, plus quelques acolytes de ci, de là, pour le commercialiser auprès des chefs de file, leur faire avaler le poison et au passage tirer un profit personnel, tel un siège de député qu’ils ne verront jamais, la trahison des fois ne paye pas.
Si depuis la nuit des temps le scénario n’a jamais changé d’un iota, à savoir la disparition du Liban, pays démocratique, havre de paix, de culture, de religion et de liberté, il est curieux que les acteurs chargés de cette basse besogne, qui, par la mort, les assassinats, les manigances, la lâcheté, la trahison, ont pris la relève, suivent aveuglément le script original.
Comme si les atrocités que nous endurons chaque jour depuis déjà plus de quarante ans, nos rêves déchirés, nos espoirs piétinés, nos amis partis trop tôt, victimes innocentes de la terreur bête, sournoise, dure, méchante, hargneuse, gratuite, n’ont jamais existé.
Et ces gens-là persistent et signent, s’alliant contre nature pour instaurer un régime communautaire qui alignera notre pays sur les autres de la région, à la différence qu’ailleurs il existe une seule couleur, une seule religion, tandis qu’au Liban il y en a dix-huit de recensées.
Sans que quiconque ne le prenne en compassion, le Libanais de base, pour mieux le mettre sous tutelle, est écrasé par la cherté, le chômage, l’écolage, les soins médicaux. Il assiste éberlué à l’augmentation du poids et des richesses chez une certaine catégorie de personnes. Elle est proportionnelle à ses privations.
Pour cette nouvelle classe de privilégiés tout est permis, les lucratifs et florissants passe-droits, le commerce d’influence, la mise à sac des richesses du pays, la destruction de croissance, le musèlement de la liberté, l’appauvrissement de la presse, la gabegie à tous les étages, la justice à la carte.
Tous ces ingrédients réunis font de notre pays une république explosive, même si pour le moment le peuple est amorphe, la détresse humaine étant exploitée à des fins personnelles, à l’instar des républiques bananières, où les tontons macoutes et les petits voyous avaient pignon sur rue, que dans mon langage personnel j’appelle république voyelle.
Il est dangereux de prendre ses concitoyens pour des imbéciles, de bafouer leur crédulité, de jouer sur les appartenances religieuses ou communautaires, car il suffira aux hommes en noir, tapis dans l’ombre, attendant leur heure, se présentant drapés de dignité et de confiance, d’une pichenette bien placée pour faire disparaître la république voyelle et ses tenants, tous sans exception aucune.
Religion et démocratie ne font pas bon ménage. C’en sera alors fini du Liban que nous voulons, bienvenue dans la république des mollahs, des turbans et des bures.

Je ne sais pas si, au moment de paraître, ces lignes auront vu la formation du nouveau gouvernement. Toujours est-il que même un enfant en bas âge aura contemplé avec dégoût l’ignominie dont sont l’objet les Libanais. Le bazar des marchandages, des conditions, des demandes à n’en plus finir, non pour servir le peuple, mais pour l’asservir et se servir. Si les Libanais avaient été...

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