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Nos Lecteurs ont la Parole - Serge GÉLALIAN

L’édition en langue arabe au Liban

Je viens donner dans ces lignes mon opinion de linguiste concernant l’état des lieux sur l’édition du livre arabe fourni dans L’Orient-Le Jour du 18 juin par notre cher ami Edgar Davidian que je salue chaleureusement au passage.La situation déplorable de l’édition arabe au Liban vaut également pour tout le monde arabe. Elle est en grande partie due au problème posé par la diglossie, c’est-à-dire la situation dans laquelle chaque pays arabe parle son dialecte dans la vie de tous les jours, mais utilise à l’écrit l’arabe dit standard – appris à l’école – et dans les universités, les médias tels que les quotidiens, les revues, Internet, les journaux télévisés et les talk-shows, quoique dans ce dernier cas on peut entendre parler un mélange de standard et de dialectal qu’on a nommé arabe médian. Pour les réseaux sociaux, la tendance penche plus vers l’utilisation de l’arabe dialectal.
Cette cohabitation pose problème déjà sur le plan de l’apprentissage scolaire, car elle occasionne dans certains pays arabes un dédoublement linguistique (la schizzoglossie d’Einar Haugen) et donc des problèmes sociétaux dont, entre autres, le fait que la jeunesse arabe ne lit pas en arabe, sans compter des problèmes d’ordre identitaire. Or lire de la fiction favorise l’imagination.
Lorsque je travaillais chez Hachette-Antoine, j’avais proposé la publication de livres en arabe dialectal, ayant remarqué l’usage de plus en plus marqué du dialectal dans les affiches publicitaires et sur les réseaux sociaux. J’avais écrit à ce sujet un article paru dans L’OLJ du 9 septembre 2012 (https://www.lorientlejour.com/article/744279/L%2527arabe_se_meurt%252C__vive_l%2527arabe_%252)1.html).
Je vous passe à cet égard les commentaires de sommités tels que Taha Hussein, Chérif Choubachi ou Saïd Akl (« La langue arabe est vouée à la mort ») lui-même citant le père Lammens (« J’ai perdu mon temps ». http://www.lorientlitteraire.com/article_details.php ? cid=15&nid=6762). J’ai également proposé un projet éditorial dans le cadre du diplôme en entrepreneuriat social à l’USJ.
S’accrocher à vouloir absolument maintenir en vie une langue considérée comme morte, c’est s’accrocher à un passé que l’on veut reproduire et perpétuer. On ne va pas très loin en procédant de la sorte. En fait si, on va vers le passé et l’on finit par vivre dans ce passé révolu, sans perspectives d’avenir. Et le citoyen arabe, en général, ne se projette pas dans l’avenir (on ne le laisse pas), et dans ce cas-là on peut finir comme Daech, à savoir, vouloir vivre comme au temps du califat. C’est un peu comme le system restore de votre ordinateur, un état antérieur où il fonctionnait bien.
Je ne comprends pas ce refus catégorique de voir des publications en arabe dialectal. Un refus souvent accompagné d’indignation et de dégoût chez les Libanais. Dans ce cas, il faut arrêter de parler l’arabe libanais (mâtiné d’araméen) au Liban – et faire de même dans les autres pays arabes – et se mettre à parler l’ASM (Arabe Standard Moderne). Ce faisant, tout le monde arabe utilisera un seul arabe à l’écrit et à l’oral.
Quel mal y a-t-il à publier des livres en dialectal ? C’est une langue vivante et vivace. Imaginez les récits en dialectal de réfugiés syriens, ceux d’habitants de Gaza, ceux de Libanais ayant vécu la guerre. Pourquoi pas des romans en arabe dialectal ? Des livres de cuisine ou de bien-être ? Des traductions aussi ? On a bien des pièces de théâtre, des sitcoms, des sketches télévisés en dialectal. Pourquoi pas de la fiction ? Ça inciterait les jeunes à lire. On ne perd rien à essayer.
Je pense sérieusement que lorsque le monde arabe aura l’audace de publier en dialectal, une nouvelle Nahda surgira.

Je viens donner dans ces lignes mon opinion de linguiste concernant l’état des lieux sur l’édition du livre arabe fourni dans L’Orient-Le Jour du 18 juin par notre cher ami Edgar Davidian que je salue chaleureusement au passage.La situation déplorable de l’édition arabe au Liban vaut également pour tout le monde arabe. Elle est en grande partie due au problème posé par la...

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