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Culture - Performance

Les applaudissements, comme des gifles, de Rana Haddad

Rana Haddad dans La Vitrine de Beirut Art Residency. Photo Nour Hraiby

Elle est assise sur une chaise à l’intérieur de La Vitrine, rue Pasteur, que la Beirut Art Residency propose à des artistes d’investir en alternance. Impavide, immobile, la posture un rien altière, mains posées sur les cuisses qui s’empêchent de vaciller, elle a une certaine puissance qui aimante, entre fascination et intimidation. À de courts intervalles, des passants – desquels elle est séparée par une frontière de verre – s’arrêtent sur leur chemin, interloqués ou amusés, pour scruter cette vitrine où les mannequins sont ici remplacés par une drôle de dame. Aussitôt, l’artiste kidnappe leur regard, les fixe droit dans les yeux et se met à applaudir très fort, sans pour autant que son expression ne change.
 Si, habituellement, les cartons d’invitation des vernissages sont accompagnés de la mention « L’artiste sera présent », Rana Haddad, elle, a choisi d’être la pièce maîtresse de sa propre installation Each place has that smell * qui se prolonge jusqu’à ce soir. L’exercice de la performance n’a rien de nouveau pour cette architecte et artiste, elle a en présenté une pléiade depuis 1996. L’idée de Each place has that smell est apparue, dit-elle, d’un coup de magie, lorsqu’elle a posé son regard sur la vitrine. « Tout s’est fait très rapidement. C’était en plein dans la période des élections, avec les gens qui s’apprêtaient à revoter pour les mêmes qui nous ont menés à cette situation. Parallèlement, je m’interrogeais sur le comportement des Libanais qui applaudissent, au propre comme au figuré, tout ce qui se présente sous leurs yeux, quelle qu’en soit la qualité et sans rien questionner, alors que je suis persuadée que nous sommes un peuple exigeant », explique-t-elle.
 En se pliant aux diktats d’un jeu dont elle a imposé les règles : une sorte de face-à-face avec les passants, à partir de cette cage qui l’emprisonne autant qu’elle lui donne du pouvoir, Rana Haddad applaudit : « Toi, ton je, ton menton, ton toujours, tes mains, tes principes, tes non-principes, ton absence, ton arrogance, tes applaudissements » – comme le formule la liste imprimée à sa gauche – et tant d’autres choses qui finissent, le plus souvent, par faire baisser les yeux de l’interlocuteur. En fait, les applaudissements de Rana Haddad s’assènent comme des gifles qui tournent en dérision notre situation : « À se complaire à être dans ce marasme. » Puissent-ils réveiller notre volonté de faire !
 
*« Each place has that smell » de Rana Haddad à La Vitrine de Beirut Art Residency, rue Pasteur, Gemmayzé, de 16h à 19h, jusqu’à ce mardi soir.
Elle est assise sur une chaise à l’intérieur de La Vitrine, rue Pasteur, que la Beirut Art Residency propose à des artistes d’investir en alternance. Impavide, immobile, la posture un rien altière, mains posées sur les cuisses qui s’empêchent de vaciller, elle a une certaine puissance qui aimante, entre fascination et intimidation. À de courts intervalles, des passants – desquels...

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