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Liban - Circonscriptions

Législatives 2018 : Anatomie du vote à Tyr-Zahrani

Le Hezbollah se désolidarise d’Amal.

À Tyr-Zahrani, seules deux listes ont croisé le fer, celle du tandem Amal-Hezbollah et celle dite de l’opposition, regroupant le Parti communiste, Riad el-Assaad et des indépendants. Se limiter au résultat, plus ou moins prévisible, de la victoire de la première dans son intégralité est réducteur. 

L’adoption du vote préférentiel par caza permet en effet de visualiser, par-delà les résultats finaux, les rapports entre partis sur une même liste ainsi que les poids respectifs de chaque candidat (par rapport à sa base partisane ou à sa communauté – c’est ce dernier point qui compte pour les principaux partis chrétiens). 

On constatera d’abord que les rapports entre Amal et le Hezbollah ne sont pas au beau fixe. La répartition des votes entre les six candidats chiites de la liste gagnante révèle un net avantage des deux candidats du Hezbollah par rapport aux quatre candidats d’Amal –à l’exclusion de Nabih Berry. 

Le député sortant Nawaf Moussawi et le nouveau venu, Hussein Jechi, membre du bureau politique du Hezbollah, qui succède à Mohammad Fneich, ont respectivement recueilli 24 379 et 23 864 votes (sur les 134 068 votes obtenus par la liste). Ils arrivent en deuxième et troisième place derrière M. Berry, fort de 42 137 votes (soit 87 % des votes préférentiels du caza de Zahrani). En dépit de ce large avantage du chef d’Amal, la somme des voix recueillies par les deux candidats du Hezbollah dépasse le nombre de votes de cette tête de liste. Le Hezbollah n’aurait manifestement pas transféré de votes à Amal. « Le Hezbollah prend mais ne donne pas », souligne Hanna Saleh, un ancien de la Gauche démocratique, proche de la liste de l’opposition et qui suit de près l’évolution des forces politiques dans cette région. Cela n’était pas le cas aux législatives de 2009, mais aurait commencé à se faire sentir aux municipales de 2016. Il y aurait à cela plusieurs raisons. D’abord, cette circonscription est certes un terrain réservé à Nabih Berry, mais elle a aussi une symbolique pour le Hezbollah : le secrétaire général du parti, Hassan Nasrallah, est originaire de Bazouriyé (Tyr) – où le candidat indépendant à la présidence du conseil municipal avait raflé 40 % des votes en 2016. 


(Lire aussi : Législatives 2018 : Anatomie du vote au Metn)


Le mécontentement chiite qui s’est fait sentir lors de ces législatives (près de 150 000 électeurs sur près de 312 000 inscrits, alors que le taux de participation en 2009 était de 51 %) jouerait en premier lieu contre Amal, le Hezbollah étant plus apte à le contenir. Sa machine électorale est « mieux organisée » que celle d’Amal, et plus mobilisatrice et plus intimidante. Les pressions qui auraient été exercées sur les délégués de la liste de l’opposition au niveau de 90 bureaux de vote (répartis sur une quarantaine de centres de vote) l’auraient été « exclusivement » par le Hezbollah, puisque les bureaux se situent dans des régions relevant de ce parti. Ces délégués ont soit été expulsés dès la mi-journée, soit carrément dissuadés de se rendre au bureau de vote par intimidation ou payés pour ne pas le faire. L’enjeu a été de neutraliser les votes de l’électorat « qui y est connu pour être majoritairement de gauche », mais aussi d’optimiser les résultats du Hezbollah par rapport à ceux d’Amal. C’est ce qui expliquerait que le nombre de voix recueillies par la liste de l’opposition, que même le Hezbollah avait estimé à plus de 17 000 votes lors des pointages, ait été revu à la baisse avec 11 481 voix – sachant que le seuil d’éligibilité a été de 19 403. 

Le parti de Hassan Nasrallah aurait ainsi réussi à mobiliser la large majorité de sa base électorale à Tyr (dont sont issus ses deux candidats), « y compris les chrétiens ». Avec une volonté supplémentaire de « montrer que le public d’Amal est marginal ». 

Ce serait une manière de paver la voie à l’après-Berry. La méthode du Hezbollah aurait d’ailleurs suscité « une vague de contestation » dans les milieux de Amal dans cette circonscription et ailleurs.  Le dernier des gagnants, Ali Osseirane, n’a recueilli que 4 542 votes à Zahrani. 


(Lire aussi : Anatomie du vote à Beyrouth II : Hariri s'en sort à bon compte)



Le siège grec-catholique 

Le cas du siège grec-catholique, lui, serait le plus révélateur. Le député sortant Michel Moussa, vainqueur sur la liste Amal-Hezbollah au siège grec-catholique, a obtenu moins de votes que son rival, Wissam Hajj (4 162 contre 4729 voix). Considéré dans un premier temps comme candidat indépendant (c’était la condition exigée par ses colistiers), M. Hajj a fini par être récupéré par le chef du Courant patriotique libre (CPL), Gebran Bassil, auquel il a rendu visite à une semaine des élections – non sans susciter une réponse d’indignation publique de la part de ses colistiers, engagés à rester « indépendants » du pouvoir. Peu importe, ce soutien a posteriori est l’une des méthodes adoptées par M. Bassil pour « parasiter » sur M. Berry dans ses zones d’influence. M. Hajj aurait fini par bénéficier des votes du CPL à Zahrani (la force de frappe de ce parti avait été estimée à 6 000 en 2009, sur l’ensemble de la circonscription). « Le message de M. Bassil serait parvenu à Nabih Berry : sur le terrain chrétien, il est perdant », commente Riad el-Assaad, qui avait pourtant contesté la récupération de son colistier par le CPL. 

M. Saleh se veut en revanche moins catégorique : il précise qu’une grande partie des chrétiens non partisans continuent de répondre de Nabih Berry. Et parmi les chrétiens partisans, les Forces libanaises (d’influence moindre que le CPL) ont boycotté les élections en faveur de M. Berry – avec lequel elles auraient établi une alliance tacite dans d’autres circonscriptions (Jbeil et Jezzine). Il laisse entendre enfin que l’affaiblissement du candidat grec-catholique d’Amal n’aurait pas été sans un laisser-faire du Hezbollah en faveur de Gebran Bassil. En dépit de ces gesticulations, dans une circonscription gouvernée par les partis de facto, la liste de l’opposition a fait ce à quoi elle s’était engagée, « empêcher la liste du pouvoir d’être élue d’office ». 




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