C’est de la place Riad el-Solh, théâtre régulier de manifestations et de revendications, que le journaliste Ali el-Amine, candidat face au tandem chiite dans la circonscription du Liban-Sud III, a choisi de faire passer un message au Hezbollah, lors d’un sit-in organisé en présence de plusieurs intellectuels chiites indépendants et de figures soutenant leur cause. Près d’une semaine après avoir été agressé dans son village de Chaqra, à Bint Jbeil, par une trentaine de partisans du Hezb, Ali el-Amine, le visage encore tuméfié et une dent cassée, a dénoncé « l’incapacité du Hezbollah à accepter une autre manière de voir les choses ».
Le candidat avait été attaqué dimanche dernier après avoir accroché une affiche électorale devant son domicile à Chaqra (Bint Jbeil). Sérieusement blessé, il a ensuite été hospitalisé à Tebnine.
« Les attaques auxquelles nous sommes soumis ne sont pas nouvelles. Mais ce qui s’est passé dernièrement avec moi a révélé combien il y avait de pressions », a déclaré M. Amine à L’Orient-Le Jour, visiblement encore fatigué. « Ce qui est demandé, c’est qu’il y ait quelqu’un qui suive le dossier de mon agression au niveau de l’État, surtout que ce qui s’est passé montre que l’on est en train de monter les gens contre nous, ce qui pourrait conduire à une effusion de sang. Cela dit, il devrait donc y avoir au minimum, dans l’État et le pouvoir judiciaire, quelqu’un qui enquête dans le cadre de cette affaire », a encore dit le candidat. À noter que les agresseurs du journaliste ont été brièvement arrêtés par les autorités avant d’être relâchés quelques heures plus tard.
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« Nous ne portons pas d’armes »
« Pourquoi montent-ils les gens contre nous ? s’est demandé Ali el-Amine. Je pense que cela reflète une situation de faillite (du Hezbollah) et l’absence d’une réponse logique à notre discours politique qui demande l’État, l’armée, les institutions, le respect de la Constitution et de la loi, et l’égalité de tous devant la loi. Face à notre discours, ils n’ont d’autre réponse que de nous faire passer pour des traîtres. » « On a vu comment ils sont incapables d’accepter le fait qu’il y ait une autre manière de voir les choses. Ils vont gagner les élections, mais leur arrogance est telle qu’ils ne veulent même pas qu’il y ait d’opposants », a-t-il poursuivi. « Nous ne portons pas d’armes, nous exprimons uniquement nos opinions dans le cadre de la loi et de la Constitution, et nous n’attaquons personne (…). Tant que nous serons capables de continuer, nous continuerons, malgré les difficultés et malgré le fait que nous sommes certains que des violations sont commises dans ces législatives », a-t-il déclaré à L’OLJ.
« Je ne suis pas ici pour me défendre (…). Beaucoup de candidats sont soumis à des pressions, mais il est important que les services de sécurité suivent sérieusement ce qui se passe », a encore dit Ali el-Amine lors du sit-in. « Au Sud, le minimum de liberté d’expression est complètement absent (…). Je demande au président de la République de prendre une position ferme face à ces violations. Les bureaux de vote ne doivent pas être pris d’assaut par les forces du fait accompli », a ajouté le candidat.
Présent lors du sit-in, le journaliste Imad Komeiha, colistier de M. Amine au Liban-Sud III, a condamné l’attaque dont a été victime son confrère, faisant étant de « terreur et d’intimidation ». « Qu’est-ce qu’ils veulent ? Que nous laissions tomber les élections et qu’ils s’élisent eux-mêmes ? Et ils prétendront ensuite que cela est démocratique ? » s’est-il demandé. « Nous ne nous sentons pas protégés par l’État qui devrait être en train de veiller à la liberté d’expression du candidat, voire du citoyen tout court », a dit M. Komeiha, avant d’ajouter : « On a peur qu’il nous arrive la même chose. »
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L’analyste politique Lokman Slim a pour sa part été intransigeant. « Toute tentative de terreur physique ou morale ne servira à rien », a-t-il déclaré avant de pointer du doigt les « pressions directes ou indirectes de la milice jaune ».
L’écrivaine et universitaire Mona Fayad a pour sa part affirmé « ne pas croire à ces législatives ». « Comment peut-on encore croire qu’il y aura de vraies élections au Sud après ce qui s’est passé avec Ali el-Amine ? » s’est-elle demandé.
Présente aussi à Riad el-Solh pour soutenir Ali el-Amine, la romancière Racha el-Amir n’a pas mâché ses mots. « Tout système néonazi tente de museler les voix des autres. Nous sommes en train de suffoquer. Il est inadmissible qu’il y ait quelqu’un qui impose ses points de vue tout en prétendant qu’il y a de la liberté d’expression et tout en se permettant de légitimer religieusement l’élimination de certains », a-t-elle dit à L’OLJ. « Ce sit-in est un message adressé au Hezbollah pour les élections. Nous leur disons que nous leur ferons face. Nous refusons l’intimidation exercée par le Hezb sur les gens », a pour sa part déclaré la journaliste Joumana Haddad, candidate à Beyrouth I.
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commentaires (4)
Et n'oubliez pas les crimes qui vont faire si quelqu'un est contre eux exemple Hariri et autres
Eleni Caridopoulou
20 h 54, le 28 avril 2018