L'armée israélienne a publié la semaine dernière une photo censée montrer que les journalistes couvrant les manifestations de Palestiniens à Gaza servent, peut-être sciemment, de boucliers humains. Une vidéo et le témoignage d'un reporter sur le terrain décrivent une autre réalité.
La bande de Gaza, coincée entre Israël, l'Egypte et la Méditerranée et contrôlée par le mouvement islamiste Hamas, qualifié de "terroriste" par Israël, est en proie depuis le 30 mars à des manifestations massives de Palestiniens.
Ce vendredi encore, pour la quatrième semaine consécutive, des milliers de Palestiniens se sont rassemblés à quelques centaines de mètres de la frontière lourdement gardée par les soldats israéliens, pour revendiquer le "droit au retour" sur les terres dont ils ont été chassés ou qu'ils ont fuies à la création d'Israël en 1948, et pour dénoncer le blocus israélien de l'enclave.
Une nouvelle fois, certains d'entre eux ont défié la mort en se détachant et en se rapprochant de la barrière de sécurité pour lancer des pierres ou des engins incendiaires sur les soldats qui veillent à stopper, y compris à balles réelles, toute intrusion sur leur territoire.
Le 13 avril, dans un contexte similaire, l'armée israélienne a posté une photo prise de loin et exposant selon elle la dangereuse proximité physique des journalistes avec les "terroristes".
Elle montre un journaliste de l'AFP auprès d'une caméra sur son trépied parmi les manifestants, dont un homme sur des béquilles. A leurs pieds, un autre homme en keffieh tend le bras en direction d'Israël.
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L'armée accuse constamment le Hamas, auquel elle a livré trois guerres depuis 2008, de se servir de la population civile, de l'ONU ou de la presse pour couvrir ses agissements contre Israël.
Mais elle-même est mise en cause pour usage excessif de la force.
Trente-cinq Palestiniens ont été tués et des centaines d'autres blessés depuis le 30 mars. Parmi eux figure un journaliste qui, selon des témoins, portait un gilet tagué "presse" quand il a été atteint par les tirs israéliens.
L'armée israélienne n'a subi aucune victime.
Elle dit n'ouvrir le feu que quand c'est nécessaire, pour protéger ses soldats et la barrière.
Le cliché publié par l'armée ne reflète guère les tensions régnant tout près de la frontière, là où les manifestants jouent leur vie.
Le porte-parole de l'armée en langue arabe, Avichay Adraee, a cependant tweeté la photo à ses 190.000 followers, assortie d'un dialogue imaginaire et suggérant un parti pris anti-israélien de la part de la presse.
"Je suis venu tout seul, mais je me fiche de servir de bouclier humain. S'il m'arrive quelque chose, on accusera Israël", fait dire une bulle au vidéaste de l'AFP.
Photo tirée du compte Twitter du porte-parole arabophone de l'armée israélienne, Avichay Adraee.
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Les faits se déroulent à au moins une centaine de mètres des soldats israéliens, dit le journaliste. Celui-ci, habitué à la couverture des conflits, explique s'être placé là pour réaliser un direct précisément parce que l'endroit était à une distance assez sûre.
L'AFP n'est pas parvenue à identifier ou à retrouver l'homme au keffieh.
Des feux d'artifice comme celui de la vidéo ont été lancés à plusieurs reprises sur les soldats, a dit l'armée à l'AFP.
Interrogée sur ce qui permettait à son porte-parole de supposer qu'un journaliste mettrait en cause Israël en cas d'incident, elle a répondu que le propos était "de montrer dans quelle situation dangereuse et complexe se placent les journalistes et les civils quand ils choisissent d'être sur les lieux de violences organisées par l'organisation terroriste Hamas".
"Le propos n'était pas de mettre en cause précisément et personnellement le journaliste en question", a-t-elle dit.
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13 h 30, le 20 avril 2018