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Moyen Orient et Monde - Conflit

À Gaza, les prochaines semaines s’annoncent violentes

Les manifestations pourraient permettre au Hamas de reprendre l’initiative politique.

Des secouristes palestiniens transportent un manifestant blessé par les forces israéliennes à la suite de l’installation de tentes à la frontière entre Israël et Gaza, à Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, hier. Said Khatib/AFP

Ce qui devait être une journée de commémoration pacifique a dégénéré pour finir dans le sang. Vendredi 30 mars, 17 Palestiniens ont été tués et plus de 1 400 ont été blessés par les forces israéliennes. Et il est plus que probable que ce scénario se répète au cours des six prochaines semaines. Balles réelles ou en caoutchouc et gaz lacrymogène ont été tirés en direction de dizaines de milliers de Palestiniens qui affluaient en direction de la frontière israélienne pour demander « le droit au retour » de près d’un million de Palestiniens spoliés de leurs terres ou qui se sont réfugiés pour la majeure partie dans les pays voisins lors de la guerre qui avait suivi la création d’Israël en 1948.

Comme chaque année depuis 1976, date à laquelle le gouvernement israélien confisque en masse des terres palestiniennes afin de « judaïser » la Galilée, le 30 mars était une journée de commémoration. Cette année, les protestations devraient se poursuivre sur six semaines jusqu’au 15 mai. La date n’est pas anodine. C’est celle de l’anniversaire de la Nakba (« catastrophe », en arabe), survenue au lendemain de la déclaration d’indépendance d’Israël en 1948.

Les prochaines semaines s’annoncent tendues. Bien que moins nombreux que vendredi, plusieurs milliers de Palestiniens ont poursuivi leur « marche des déplacés » hier, et certains ont commencé à ériger des villages de tentes le long de la frontière avec Israël, en cinq points différents. Quelques jeunes ont lancé des pierres en direction des soldats postés à la clôture frontalière, qui ont riposté par des balles réelles. Certains leaders palestiniens n’ont pas fait signe de vouloir abandonner le mouvement de protestations. « Le peuple palestinien est déterminé à poursuivre la grande “marche du retour” pour libérer sa terre et se diriger vers Jérusalem sans se soucier de tous les sacrifices », a lancé Khalil al-Hayya, un responsable du Hamas, au cours d’une cérémonie honorant les victimes de vendredi dernier.

Au cours des préparatifs précédant « la marche des déplacés », le mouvement islamiste au pouvoir à Gaza avait estimé que plus de 100 000 personnes répondraient à ses appels. Seuls quelque 30 000 Palestiniens étaient présents le jour J.
Car la « marche des déplacés » n’a pas seulement été initiée par la société civile, notamment la Commission nationale supérieure pour la Marche du retour et briser le siège, une entité en partie formée de factions islamistes, mais fait partie d’une nouvelle manœuvre élaborée par certains leaders palestiniens. « On sait que le Hamas y a infiltré des membres actifs, le mouvement se trouvant dans une sorte d’impasse stratégique. Il est clair pour eux que les armes ne fonctionnent pas comme modèle de lutte depuis la bande de Gaza, et ils sont à la recherche d’une nouvelle stratégie politique », avance Stéphanie Latte Abdallah, historienne et chercheuse au CNRS et CERI (Centre de recherches internationales à Sciences-Po Paris). Le but : continuer d’alerter sur la situation à Gaza et le blocus subi depuis une douzaine d’années, certes, mais aussi reprendre l’initiative politique à travers un événement qui prend de plus en plus l’allure d’un sit-in. Et au fur et à mesure que la date du 15 mai se rapproche, les tensions déjà vives devraient prendre de l’ampleur.


(Lire aussi : A Gaza, les manifestations baissent d'intensité, mais la tension reste vive)


Intifada larvée
Certains observateurs craignent même des dérapages, après la journée meurtrière de vendredi, la plus sanglante depuis la guerre de 2014, et ce malgré les appels au calme de la communauté internationale qui a réclamé une « enquête indépendante » sur l’usage par Israël de balles réelles, une requête aussitôt rejetée par l’État hébreu. Sur le plan diplomatique, un projet de déclaration du Conseil de sécurité de l’ONU appelant « toutes les parties à la retenue et à prévenir toute escalade supplémentaire » et demandant une enquête sur les affrontements a été bloqué par Washington.

De quoi faire craindre un embrasement, bien que la situation reste imprévisible. « Du côté du Hamas, il n’y a pas eu de tirs de roquettes, donc il n’y a pas de volonté d’affrontement guerrier comme on a pu le voir en 2012 ou 2014 », indique Stéphanie Latte Abdallah, selon laquelle la situation au cours des prochaines semaines « dépendra aussi de la réaction israélienne, et s’ils vont continuer de riposter de manière extrêmement violente ».

L’armée israélienne n’a toutefois pas donné d’indications quant à une volonté de changer ses méthodes, malgré une condamnation globale des violences, y compris par une partie de la population israélienne. Une analyse de l’Israel Democracy Institute, publiée le jour même et reprise par le Haaretz, reprend les vues de trois analystes légaux israéliens, d’après lesquels l’usage de balles réelles n’est supposé être qu’un « dernier recours », face à une « menace tangible et imminente », ce qui n’était pas le cas vendredi dernier.

De là à appeler le mouvement en cours une nouvelle intifada, il n’y a qu’un pas que certains ont déjà allègrement franchi. Théorie à laquelle ne semble pas, pour l’instant en tout cas, adhérer Stéphanie Latte Abdallah, pour qui les territoires palestiniens vivent déjà une situation d’intifada « plus ou moins larvée, depuis 2015, avec des moments forts et des moments plus calmes ».

Cette nouvelle éruption de violences intervient également dans le contexte de l’annonce, en novembre dernier, faite par le président américain Donald Trump sur le statut de Jérusalem, qu’il a qualifié de « capitale israélienne ». Une annonce qui écarte Washington en tant qu’intermédiaire crédible pour d’hypothétiques négociations avec l’État hébreu. Sous blocus depuis une douzaine d’année, devenue une prison à ciel ouvert pour ses quelque deux millions d’habitants, pour la plupart au chômage, l’enclave palestinienne semble être dans un cercle vicieux entre violence et désespoir.



Ce qui devait être une journée de commémoration pacifique a dégénéré pour finir dans le sang. Vendredi 30 mars, 17 Palestiniens ont été tués et plus de 1 400 ont été blessés par les forces israéliennes. Et il est plus que probable que ce scénario se répète au cours des six prochaines semaines. Balles réelles ou en caoutchouc et gaz lacrymogène ont été tirés en direction...

commentaires (2)

Le cercle de la violence ... L'éternelle violence, et un destin injuste du peuple palestinien. Des ponts devraient être établis entres palestiniens et israéliens. Qui s'en occupent ? Hormis des va-t-en guerre ? Et des hypocrites ?

Sarkis Serge Tateossian

08 h 40, le 03 avril 2018

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Commentaires (2)

  • Le cercle de la violence ... L'éternelle violence, et un destin injuste du peuple palestinien. Des ponts devraient être établis entres palestiniens et israéliens. Qui s'en occupent ? Hormis des va-t-en guerre ? Et des hypocrites ?

    Sarkis Serge Tateossian

    08 h 40, le 03 avril 2018

  • EN UN JOUR 17 PALESTINIENS TUES ET 1400 BLESSES ! LE COMPORTEMENT DAESCHIEN DES ISRAELITES N,EMEUT PAS ASSEZ LES GRANDES PUISSANCES... SI C,ETAIT L,INVERSE ON AURAIT ASSISTE JUSQUES A DES INTERVENTIONS ! JE NE DIS PAS QUE LES PALESTINIENS SONT DES SAINTS MAIS LES REPLIQUES ISRAELIENNES SONT ULTRA DISPROPORTIONNEES ET CRIMINELLES ! CE SONT DES MASSACRES ET NON DES PUNITIONS !

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 03, le 03 avril 2018

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