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Lifestyle - Papilles

Élie Ghosn et le foul de son grand-père

Photo DR

Il aime son métier imprégné des saveurs du passé. Élie Ghosn est foulier. Il concocte ses recettes dans une petite échoppe du souk de Jounieh. C’est son oncle paternel qui lui a légué ce savoir-faire, qu’il avait lui-même hérité de son père.
La trentaine, Élie Ghosn est visiblement fier de travailler dans le petit restaurant que son grand-père a ouvert en 1902. Tous les jours, il reprend avec le même bonheur une recette vieille de cent ans, et incontestablement le meilleur foul de la région. D’ailleurs, il suffit de demander à Jounieh, « qui est le meilleur foulier de la ville ? », pour que hommes et femmes, jeunes et vieux, vous indiquent la même adresse : le petit restaurant de la famille Ghosn au cœur du souk. Ils se feront également un plaisir de vous donner des directions précises en vous conseillant de vous dépêcher, car les lieux ferment à 15 heures.

L’endroit est tout petit, immaculé. Il abrite quelques tables et chaises en plastique qui ne désemplissent pas à l’heure du déjeuner. Pour ceux qui apprécient ce genre de cuisine, le restaurant propose plusieurs options, notamment du foul, du hommos, de la moussbaha, de la fatteh et du beid be awarma. Les légumes qui accompagnent ces plats copieux sont organiques. C’est qu’Élie Ghosn ne rechigne pas sur la qualité. « J’aime offrir à mes clients des aliments que je mangerais moi-même les yeux fermés. J’ai donc opté pour des légumes organiques que j’achète chez un marchand de quatre saisons voisin, parce que je ne consomme, si j’ai le choix, que des produits organiques et fermiers. De plus, je choisis toujours les meilleurs ingrédients pour les fèves et les pois-chiches, l’huile d’olive, les œufs, le yaourt, les pignons, les olives… », confie-t-il avec un grand sourire. Pourtant, Élie Ghosn n’avait jamais pensé travailler dans l’échoppe de foul de son oncle paternel. À peine âgé d’une vingtaine d’années, il est parti en Afrique, plus précisément au Nigeria.

À son retour au pays, il a réalisé que son oncle célibataire avait besoin d’un coup de main au restaurant. Le travail marchait bien. Il s’est ainsi attelé à découvrir les secrets du métier pour prendre la relève. « Le plus difficile était de contrôler le feu. Nous cuisons les fèves sur la braise, nous les grillons dans la marmite en vue de préparer le plat. Nous n’utilisons pas le feu des cuisinières. Puis, pour préserver la température de la préparation, nous laissons la marmite dans du sable chaud », explique-t-il. « Certes les lieux ont été entièrement rénovés quand j’ai pris la relève. Un élément a toutefois été conservé : la plaque en pierre qui sert de support à la grande marmite où cuit le foul », explique-t-il.Tous les matins, Élie Ghosn se lève à 3 heures, se met aux fourneaux et le premier plat de son ingrédient préféré est prêt à 6h30. Il ferme les lieux à 15h et se repose les dimanches. Les clients, nombreux, changent au fil de la journée. Très tôt ce sont des ouvriers qui viennent manger. À déjeuner ce sont surtout des employés d’entreprises ou des personnes de passage à Jounieh qui fréquentent l’endroit. « Je suis très heureux de servir cette recette que mon grand-père à dû apprendre des Ottomans en 1902. Mon oncle paternel, toujours vivant, vient les samedis. Il s’installe à une table, rencontre ses vieux amis et vérifie surtout que rien n’a changé à la recette qu’il a appris de son père. »

Assisté par une autre personne au restaurant, il rêve de pouvoir un jour servir du pain chaud avec ses plats. Pour lui, les choses seraient ainsi parfaites. « Mais je n’ai pas de la place pour la cuisson du pain, ça reviendra plus cher… Et puis, l’esprit du restaurant changera », dit-il. Fidèle à cet héritage, et fier de ce legs, il doute, avec regret, que ses enfants prennent la relève plus tard. « Pourtant c’est un métier que j’aime et qui permet de vivre dignement. »



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Il aime son métier imprégné des saveurs du passé. Élie Ghosn est foulier. Il concocte ses recettes dans une petite échoppe du souk de Jounieh. C’est son oncle paternel qui lui a légué ce savoir-faire, qu’il avait lui-même hérité de son père. La trentaine, Élie Ghosn est visiblement fier de travailler dans le petit restaurant que son grand-père a ouvert en 1902. Tous les jours,...

commentaires (6)

Un plat délicieux, j'ai de l'eau dans la bouche après avoir lu cet article, surtoût que les ingrédients sont des produits organiques ... Dommage que les échoppes du souk n'ont pas une addresse précise (numéro de la rue etc.) ...

Stes David

18 h 17, le 18 avril 2018

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Commentaires (6)

  • Un plat délicieux, j'ai de l'eau dans la bouche après avoir lu cet article, surtoût que les ingrédients sont des produits organiques ... Dommage que les échoppes du souk n'ont pas une addresse précise (numéro de la rue etc.) ...

    Stes David

    18 h 17, le 18 avril 2018

  • Un foulier, un hommossier, un manqouchier, un kechkier b'aourma... si l'académicien Amine Maalouf, le permette ? Ségolène Royal ex-compagne de François Hollande, avait créé la "bravitude" à la place de "bravoure".

    Un Libanais

    15 h 24, le 18 avril 2018

  • L'assiette de foul chez Abou-Ahmed à Souk-Sayour coûtait 50 piastres. La même assiette de foul chez Ajami sous l'arcade face à L'Orient et al-Jarida coûtait 75 piastres. Chez Abou-Ahmed, lorsqu'il remarquait que l'assiette était vidée et qu'on a encore un bout de pain, il venait ajouté un bonus, une louchée de foul "balache". C'était cela, le Liban des temps heureux avant 1975.

    Un Libanais

    14 h 48, le 18 avril 2018

  • Je viens d'apprendre un nouveau mot , "foulier". C'est fou à lier cette histoire qui sent bon la menthe le bassal et l'huile d'olive. Je ne raterai pas l'occasion de m'y rendre une fois au Liban. A Paris un restaurant existe où on ne vous sert que des steaks frites du côté du boulevard pereire depuis des décennies, mais je n'ai jamais eu l'idée que cela aurait pu s'appeler un "steackier", votre article ma mis l'eau à la bouche et la puce à l'oreille.

    FRIK-A-FRAK

    14 h 29, le 18 avril 2018

  • Bon et beau ce retour aux sources pour un pays qui perd ses bons plats au quotidien .

    Antoine Sabbagha

    14 h 14, le 18 avril 2018

  • Je ne soupçonnais même pas que lire donnait autant d'appétit, et activait l'imagination. Ahhhhh les bons plats populaires libanais, transmis de génération en génération sont les meilleurs délices culinaires au monde.

    Sarkis Serge Tateossian

    13 h 50, le 18 avril 2018

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