L’ombre des législatives plane sur la scène politique et en particulier sur les réunions du Conseil des ministres, d’autant que la moitié des ministres (15 : Saad Hariri, Ali Hassan Khalil, Nouhad Machnouk, Gebran Bassil, César Abi Khalil, Marwan Hamadé, Tarek Khatib, Hussein Hajj Hassan, Pierre Abi Assi, Michel Pharaon, Pierre Raffoul, Talal Arslane, Ghazi Zeaïter, Inaya Ezzeddine et Ghattas Khoury) sont candidats aux législatives. Selon des fuites gouvernementales, le climat général des réunions s’en ressent d’ailleurs. S’il est vrai que la politique n’a jamais été éloignée des dossiers sociaux et économiques, depuis que le Liban est entré en période électorale, elle est devenue quasiment omniprésente et dicte désormais en grande partie les prises de position ou les remarques des ministres, surtout lorsqu’ils sont candidats dans la même circonscription, sur des listes concurrentes, comme c’est le cas de Marwan Hamadé, César Abi Khalil (et même Tarek el-Khatib).
C’est ainsi qu’au cours du Conseil des ministres d’hier, un échange violent a eu lieu entre le ministre de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur Marwan Hamadé et le ministre de l’Énergie et de l’Eau César Abi Khalil. Le premier a soulevé le problème de la surveillance du déroulement du vote des émigrés à l’étranger dans les ambassades ou les locaux consulaires choisis à cet effet. Le second a aussitôt immédiatement demandé la parole pour préciser que la surveillance est assurée par des diplomates de haut niveau, ayant des échelons plus élevés que ceux des enseignants scolaires auxquels est confiée cette mission au Liban, dans la plupart des bureaux de vote. César Abi Khalil, qui est candidat sur la liste CPL-Talal Arslane-PSNS dans la circonscription de Chouf-Aley, tout comme Marwan Hamadé qui est, lui, sur la liste PSP-FL-courant du Futur, a profité de l’occasion pour rappeler à son collègue que les hommes du PSP avaient interdit aux délégués du CPL d’entrer dans le bureau de vote de Bater et dans d’autres localités druzes, alors que les chefs des bureaux de vote, des enseignants des écoles primaires, n’ont pratiquement pas eu leur mot à dire. Il faut préciser que César Abi Khalil est un militant du CPL avant d’en être devenu membre, et qu’il a été candidat aux élections en 2009 pour l’un des sièges maronites de Aley. Auparavant, il avait été coordinateur de la campagne électorale aouniste dans la région. Le ministre des Affaires étrangères a également pris la parole pour expliquer qu’en plus des diplomates (ambassadeur et consul) qui doivent superviser le vote des émigrés, des caméras de surveillance seront installées tout autour des lieux prévus à cet effet. Ce qui a fait dire au Premier ministre Saad Hariri, qui a voulu détendre quelque peu l’atmosphère : « On dirait que le processus électoral sera mieux surveillé à l’étranger qu’à l’intérieur du Liban... ».
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Après cette petite parenthèse qui en dit long sur l’état d’esprit des ministres-candidats, le gouvernement est passé à l’examen des autres points prévus à l’ordre du jour. Mais de l’avis de nombreux ministres interrogés à leur sortie de la réunion, les cœurs et les cerveaux sont plutôt ailleurs. Même en pleine réunion gouvernementale, chaque candidat ne songe qu’à renforcer sa position dans la circonscription où il se présente. Avec trois ministres candidats à Chouf-Aley, cette circonscription a le plus grand nombre de postulants. Et l’enjeu y est important, puisque c’est la première fois que les électeurs chrétiens de la circonscription traditionnellement marginalisés par le vote massif des druzes plus nombreux et plus présents pourraient modifier la donne, grâce au mode de scrutin proportionnel. D’ailleurs, depuis le début, le leader druze Walid Joumblatt n’avait pas caché son souhait de former une liste de coalition générale pour éviter la bataille électorale, laquelle pouvait, selon lui, raviver les blessures mal cicatrisées de la guerre. Il a donc entamé des discussions avec toutes les parties dans ce but. Mais, selon des sources du CPL, les conditions qu’il a posées à ce parti étaient inacceptables. Finalement, le CPL a choisi de former sa propre liste en alliance avec l’émir Talal Arslane et le PSNS, convaincu de pouvoir obtenir ainsi plus de sièges que n’en proposait le chef du PSP. Selon les pronostics de ceux qui suivent les élections de près, le ministre de l’Énergie serait un des favoris dans cette circonscription et il aurait suffisamment de voix préférentielles pour obtenir un des sièges qui seront attribués à la liste. Mais son problème est qu’il y a deux autres candidats membres du CPL sur cette liste à Aley, ce qui pourrait affaiblir sa position en dispersant les voix préférentielles du CPL dans ce caza.
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D’ailleurs, ce problème est devenu courant dans ces élections et seules les Forces libanaises l’ont réglé à leur manière en présentant dans la plupart des circonscriptions un seul candidat par caza. Il se posera aussi par exemple à Kesrouan-Jbeil pour les candidats maronites de la liste du CPL au Kesrouan et pour les candidats maronites de la même liste à Jbeil. Le problème inverse se posera dans la seconde circonscription de Beyrouth, pour les six sièges sunnites, où le courant du Futur devra savoir partager ses voix et convaincre ses partisans de ne pas voter tous pour le même... Ce sont là les subtilités de la loi qui compliquent les pronostics.
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En fait les mêmes incapables en tout depuis des décennies sauf en corruption se représentent... En quoi seront-ils meilleurs après le 6 mai 2018...? Auront-ils pris des leçons d'honnêteté, des cours pour apprendre ce que servir sa patrie signifie, auront-ils brusquement les capacités requises pour accomplir des promesses mirifiques faites pour amadouer le citoyen ? Et...après tout...pourquoi changeraient-ils un système si avantageux pour eux ? Irène Saïd
15 h 21, le 05 avril 2018