Depuis quelques semaines, les plaintes pour violation de la loi électorale se sont multipliées et des voix se sont élevées pour dénoncer, dès à présent, l’argent politique, l’utilisation des lieux publics à des fins de promotion électorale, ou l’exploitation par certains ministres, qui se trouvent être également candidats aux législatives, de leur position pour amorcer une opération de charme en direction de leur base électorale.
Sur les trente ministres actuels, dix-sept sont candidats aux prochaines législatives. Plusieurs d’entre eux sont accusés de violer notamment l’article 77 de la loi électorale qui interdit l’utilisation des lieux publics, de l’administration ou des ministères à des fins de promotion électorale et pour influencer le choix de l’électeur. Des déviations que plusieurs candidats lésés ont récemment dénoncées, déplorant notamment l’inégalité des chances et l’abus de pouvoir auquel ont eu recours plusieurs candidats, ministres et personnes influentes, dont le chef de l’État, Michel Aoun, pointé du doigt pour son ingérence directe dans la formation des listes.
Candidat à Kesrouan – Jbeil, l’ancien député Farès Souhaid, qui avait dénoncé « l’implication directe » du président dans la gestation des listes électorales dans la circonscription où il se présente, est revenu à la charge hier, invitant M. Aoun à « déménager, avec le ministre de la Justice, Sélim Jreissati, pour s’installer à Mirna Chalouhi (le siège principal du CPL) ». Comprendre que ce changement d’adresse leur permettra de gérer de plus près l’opération électorale.
M. Souhaid dénonçait ainsi « la pression » exercée par M. Aoun sur le président de la municipalité de Jounieh, Juan Hobeiche, élu à ce poste en 2016 avec l’appui du CPL, pour l’inciter à convaincre son frère de retirer sa candidature de la liste concurrente à celle du CPL. Convoqué à Baabda, M. Hobeiche aurait aussitôt obtempéré.
La veille, M. Jreissati avait réagi aux propos de M. Souhaid en affirmant que « ceux qui accusent le locataire de Baabda d’ingérence n’ont aucune crédibilité et objectivité ». L’exemple avancé par M. Souhaid n’est pas le seul, d’autres violations ayant été notifiées, notamment par l’Association libanaise pour la démocratie des élections (LADE). Hier, le président exécutif de l’association, Omar Kaboul, a relevé entre autres deux violations commises par les ministres des Affaires étrangères, Gebran Bassil, et de l’Intérieur, Nouhad Machnouk. M. Kaboul a pointé du doigt « l’offre alléchante » faite récemment par M. Bassil aux électeurs libanais résidant à l’étranger en leur suggérant « un rabais important sur les frais des formalités destinées à renouveler ou à obtenir un passeport ». Pour M. Kaboul, la violation est d’autant plus patente que le ministre des Affaires étrangères a recouru « à son compte Twitter pour faire une telle annonce, et non sur le site du ministère ».
Pour M. Kaboul, le ministre de l’Intérieur n’est pas mieux placé puisqu’il s’est engagé, au nom du courant du Futur dont il est issu, à adopter le plus tôt possible la loi d’amnistie grâce à laquelle plusieurs détenus sunnites seraient relâchés.
Hier, les plaintes se sont succédé, plusieurs candidats ayant dénoncé l’argent politique auquel certains responsables du pouvoir ont de plus en plus recours. Candidat à la circonscription du Chouf-Aley, l’ancien ministre Wi’am Wahhab a accusé sans ambages le ministre des Déplacés, Talal Arslane, de recourir à des faveurs pour appâter son électorat.
« Nous aurions souhaité que le ministère des Déplacés s’abstienne de verser de l’argent politique à droite et à gauche », a dénoncé M. Wahhab qui n’a toutefois pas donné de plus amples détails sur les modalités du versement de ces pots-de-vin.
C’est le même type d’accusation qui a été lancé par le député Serge Torsarkissian candidat à Beyrouth I, qui a saisi les membres de la commission de supervision des élections en faisant état d’ « informations relatives à des pots-de-vin électoraux et à l’achat de voix dans des circonscriptions où le coefficient électoral requis n’est pas très élevé ». Pour M. Souhaid, qui a également dénoncé ces déviations, l’argent électoral est en train d’être versé par des candidats fortunés qui ont été sollicités sur certaines listes pour leurs moyens financiers. « De véritables coffres-forts ont été intégrés aux listes électorales », a ironisé l’ancien député.
Plus au nord, Toufic Sultan, l’un des candidats sunnites sur la liste de l’ancien Premier ministre Nagib Mikati, a tiré à boulets rouges sur le mohafez du Nord, Ramzi Nohra, proche du CPL. Il l’a accusé de mettre à profit les moyens de son administration « pour le compte d’une partie précise ». « Le mohafez effectue des tournées avec les candidats et participe à leurs activités tout en proclamant haut et fort son allégeance partisane », a-t-il dénoncé, soulignant avoir déposé une plainte en ce sens auprès de la commission de supervision des élections. Le candidat a également dévoilé son intention de présenter un recours en invalidation des élections « si la situation devait s’aggraver ».
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21 h 03, le 22 mars 2018