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Histoire d’œufs

Symbole de vie, de renouveau, de résurrection est, pour les chrétiens, l’œuf de Pâques. L’espace de deux dimanches – calendriers julien et grégorien obligent –, nombre de petits Libanais se seront donc adonnés, ou bien s’apprêtent à le faire, au joyeux rituel de la bataille d’œufs. En revanche, c’est à une belle brassée d’œufs passablement pourris qu’auront eu droit, le week-end dernier, leurs aînés de toutes confessions.


Au plan domestique, la scène préélectorale en aura vu de belles, avec le retour en force des puissances d’argent ou de brigandage. Les poules aux œufs d’or sont légion : richissimes hommes d’affaires (pas toujours très nettes, celles-là) brûlant d’accéder à la basse-cour parlementaire ; qui paient au prix fort leur adhésion à une liste de candidats ; et qui portent à des sommets inégalés la cote des suffrages à vendre. Pour leur part, et histoire de ne pas perdre la main, des miliciens en armes entreprennent, en toute impunité, de terroriser les candidats qui oseraient contester l’hégémonie du tandem chiite dans l’est du pays…


De l’autre côté de la frontière sud nous est lancé un vénéneux œuf de vautour. Par la voix de son chef d’état-major, Israël promet au Hezbollah, et avec lui au Liban, une guerre à nulle autre pareille pour l’année en cours. Depuis quand un État passé maître dans l’agression-éclair dévoile-t-il de la sorte ses batteries ? Cette sombre prédiction aurait-elle plutôt pour objet de dissuader les gouvernements donateurs ou prêteurs d’investir dans un champ de ruines annoncé ? De détourner l’attention de la barbare répression exercée en ce moment contre les manifestants palestiniens dans la bande de Gaza, littéralement massacrés dans le silence assourdissant de la communauté internationale ? Ou encore de refaire l’unité sacrée autour de Benjamin Netanyahu aux prises avec la justice ?


Toujours est-il que les Libanais seraient bien inspirés de remettre sur le tapis cette fameuse stratégie de défense sur laquelle ils planchent depuis des années. Quant aux Saoudiens, le moment est bien mal choisi pour eux de multiplier les ouvertures en direction d’Israël, régulièrement pondues par un Mohammad ben Salmane dont il faut croire qu’il ne suit pas de trop près la brûlante actualité. Et c’est encore un œuf de pigeon patenté, certifié et même coloré du même orange que sa houppe, que Donald Trump dédie pêle-mêle aux Syriens, Kurdes et Libanais. Les boys rentrent au pays et Assad reste au pouvoir, annonce-t-il ainsi aux premiers, après sept années d’une atroce guerre civile dont on n’entrevoit même pas encore l’issue. À l’adresse des infortunés Kurdes utilisés, exploités, manipulés puis froidement lâchés par un peu tout le monde, le président américain siffle la fin de partie aux accents d’une sonnerie aux morts. Aux Libanais enfin, il paraît offrir la perspective d’un long hébergement forcé de plus d’un million de réfugiés syriens incapables de rentrer chez eux : confusion et insécurité persistant en effet, Bachar ou pas.


Sept ans après, la sanglante omelette n’est pas encore cuite. Ce n’est pas faute, pourtant, d’avoir cassé des masses et des masses d’œufs.

Issa GORAIEB
igor@lorientlejour.com

Symbole de vie, de renouveau, de résurrection est, pour les chrétiens, l’œuf de Pâques. L’espace de deux dimanches – calendriers julien et grégorien obligent –, nombre de petits Libanais se seront donc adonnés, ou bien s’apprêtent à le faire, au joyeux rituel de la bataille d’œufs. En revanche, c’est à une belle brassée d’œufs passablement pourris qu’auront eu droit,...