S’il est vrai que le Liban tout entier est désormais entré dans la période des campagnes électorales, l’affaire du bloc 9 continue toutefois de susciter des interrogations et des craintes. D’autant qu’officiellement, rien n’a été réglé en ce qui concerne le litige frontalier entre Israël et le Liban, sur fond d’exploitation d’hydrocarbures offshore, autour de ce bloc maritime de la zone économique exclusive libanaise, dont Israël revendique une partie.
Après le forcing américain, tout semble être rentré dans l’ordre, mais nul ne sait de quel ordre il s’agit. Y a-t-il eu un accord quelconque ou bien le dossier a-t-il été mis en veilleuse jusqu’après les élections législatives ? Brusquement, et sans la moindre justification, l’affaire a simplement disparu des médias.
Des sources diplomatiques libanaises précisent à cet égard que les Américains ont essayé par tous les moyens de faire pression sur le Liban pour qu’il accepte de céder une partie du bloc 9 aux Israéliens, afin que les travaux de prospection et d’extraction d’hydrocarbures offshore puissent se dérouler dans un climat de paix profitable à toutes les parties. Selon les mêmes sources, les Américains ont alterné, avec les responsables libanais, les discours prometteurs et les menaces, dans l’espoir d’ouvrir une brèche dans la muraille de la position officielle libanaise. Le secrétaire d’État adjoint David Satterfield était ainsi menaçant, alors que le secrétaire d’État Rex Tillerson s’est montré conciliant. M. Satterfield a laissé entendre que le Liban pourrait payer le prix fort s’il ne se montrait pas plus flexible et il ne trouverait à ce moment-là personne pour le soutenir dans ses positions. Alors que M. Tillerson a essentiellement mis l’accent sur les bénéfices que pourrait retirer le Liban si la région baigne dans une sorte de paix favorable aux investissements dans le domaine de l’énergie. De son côté, le Liban, par la voix des responsables, a expliqué qu’il n’a aucune intention de procéder à une escalade avec les Israéliens. Mais il ne peut pas pour autant céder ses droits sur ses ressources énergétiques nationales, sachant que ces ressources appartiennent aux générations libanaises futures et que, par conséquent, nul n’a le droit de les brader. Le Liban ne veut donc pas faire de provocation, mais il ne peut pas non plus faire des concessions sur ses ressources.
(Lire aussi : Mission accomplie pour Satterfield : le ton a baissé entre le Liban et Israël)
Les différentes discussions n’ont pas permis d’avancer d’un pouce et les Américains sont repartis du Liban mécontents, estimant que les Libanais sont en train de jouer avec le feu et qu’ils ne mesurent pas que le risque d’une attaque israélienne est réel. De leur côté, les responsables libanais ont estimé que la position du Liban est solide, parce que dans le contexte actuel, c’est Israël qui a le plus à perdre dans le déclenchement d’une nouvelle guerre, ayant largement progressé dans les opérations de prospection. Si cela n’avait pas été le cas, les Israéliens auraient déjà lancé leur attaque, au lieu de solliciter l’aide des Américains pour négocier avec le Liban un partage du bloc 9. Le Liban est ainsi convaincu que les risques d’une attaque israélienne sont actuellement réduits et que les menaces visent essentiellement à le faire plier. Mais celui-ci a des éléments de force non négligeables. Il s’est d’ailleurs gardé de se prononcer sur les menaces proférées par le secrétaire général du Hezbollah à l’encontre des installations pétrolières et gazières israéliennes, bien que ce dernier se soit placé sous le plafond de l’État et de ses institutions. En évitant de les commenter, le Liban officiel a préféré maintenir le flou, laissant les menaces de Hassan Nasrallah se répercuter dans les médias israéliens.
Dans ce dossier, le Liban se considère donc en position de force et il estime que le fait qu’il ait montré aux responsables américains un front uni sur cette affaire a permis de mettre un terme aux tentatives israéliennes de grignoter les ressources du Liban. Les menaces israéliennes relayées par les responsables américains n’ont donc pas été vraiment efficaces. Mais cela ne signifie pas que le Liban baigne dans un climat de sécurité enviable.
Des sources sécuritaires libanaises estiment en effet que la vigilance doit rester de mise, car les Israéliens, mais aussi d’autres parties régionales et internationales, vont essayer de trouver des moyens détournés pour affaiblir le Liban officiel et l’empêcher de resserrer les rangs autour du Hezbollah. S’il est un peu tard pour tenter d’effectuer des percées sur la scène chiite, le Hezbollah et le mouvement Amal s’étant empressés de conclure entre eux une alliance qui devrait leur permettre de remporter la plupart des sièges parlementaires chiites, il y a par contre de grandes possibilités sur le plan des problèmes sociaux et de la crise économique qui va en s’amplifiant. La corruption quasi généralisée, les dépenses inconsidérées, la politique d’endettement, le populisme, le manque de prévoyance et de vision, tous ces facteurs favorisent la crise économique tout en mettant en évidence l’incapacité de l’État à régler les problèmes sociaux, à assurer des emplois et à faire baisser le montant de la dette publique. La présence massive des déplacés syriens ne facilite pas non plus les solutions, et le Liban est plus que jamais dépendant des conférences économiques qui doivent se tenir en mars et en avril, à Rome, Paris et Bruxelles. Le gouvernement libanais espère que ces conférences économiques lui permettront de parer au plus pressé, tout en gagnant un peu de temps et en faisant reculer la perspective d’une faillite annoncée. Mais les fonds qui seront accordés au Liban dans le cadre de ces conférences pourraient ne pas être à la hauteur des attentes des Libanais. Dans ce cas, le réveil après la fin des élections législatives pourrait être brutal.
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commentaires (6)
Madame le gaz et pétrole pour les générations du futures ... faudrai qu’il y ai un déjà un futur pour ces générations .... mais c’est du n’importe quoi
Bery tus
16 h 20, le 09 mars 2018