L'engagement du Hezbollah "dans les conflits régionaux" menace "la sécurité du Liban" et a des "effets déstabilisateurs sur la région". C'est de Beyrouth que le secrétaire d’État américain Rex Tillerson a tenu ces propos virulents à l'encontre du parti chiite, à l'issue d'une visite de quelques heures, la première d'un chef de la diplomatie américaine depuis quatre ans.
Lors de ce déplacement, le chef de la diplomatie US a en outre évoqué avec le président de la République, Michel Aoun, le président du Parlement, Nabih Berry, et le Premier ministre, Saad Hariri, les tensions entre le Liban et Israël au sujet d'un mur en béton que Tel-Aviv compte construire dans une zone frontalière contestée et celui de l'exploitation des hydrocarbures offshore.
"L'armée libanaise est la seule qui défend le Liban"
"Il est impossible de parler de stabilité sans traiter la question du Hezbollah que nous considérons comme un groupe terroriste depuis deux décennies, a lancé Rex Tillerson lors d'une conférence de presse conjointe avec Saad Hariri avant de s'envoler pour Ankara. Pour nous, il n'y a pas de différence entre sa branche militaire et politique". Et d'insister : "L'armée libanaise est la seule qui défend le Liban, et le peuple libanais doit s'inquiéter des comportements du Hezbollah".
Le Hezbollah, poids lourd du gouvernement libanais, classé "groupe terroriste" par Washington, est notamment pointé du doigt pour son rôle dans le conflit qui ravage depuis 2011 la Syrie, où ses combattants, soutenus par l'Iran, sont engagés aux côtés du régime de Bachar el-Assad, dont Washington réclame le départ.
"L'engagement du Hezbollah dans les conflits régionaux menace la sécurité du Liban et a des effets déstabilisateurs sur la région", a indiqué M. Tillerson. "Sa présence en Syrie a perpétué le bain de sang, augmenté le déplacement de populations innocentes, et renforcé le régime barbare d'Assad", a-t-il précisé. Et de marteler : "Il est inacceptable pour une milice comme le Hezbollah d'opérer en dehors de l'autorité du gouvernement libanais qui doit se tenir à l'écart des conflits extérieurs".
La veille, le chef de la diplomatie amércaine, qui se trouvait en Jordanie, avait reconnu que le Hezbollah faisait partie du "processus politique" au Liban. "Nous savons que le Hezbollah libanais est influencé par l'Iran, une influence que nous considérons nuisible pour l'avenir du Liban à long terme", avait-il toutefois précisé.
"Nous sommes satisfaits de la coopération militaire avec le Liban et ses forces armées qui ont fait face au groupe terroriste Daech (acronyme arabe du groupe Etat islamique", a en outre indiqué M. Tillerson. Au sujet des tensions avec Israël, il a fait savoir que Washington était en contact avec les gouvernements libanais et israélien. "Le Liban a subi beaucoup de pression et nous œuvrons afin que la frontière libanaise reste sûre", a-t-il fait savoir.
"Les États-Unis sont un partenaire stratégique du Liban au niveau de la lutte anti-terroriste et leur message est +nous sommes aux côtés du Liban et de ses institutions légales+", a de son côté souligné Saad Hariri. "J'ai insisté avec M. Tillerson sur le droit du Liban à exploiter les ressources naturelles et la frontière sud du pays est la plus calme au Moyen-Orient", a en outre affirmé le Premier ministre libanais. "Le Liban veut aboutir à un cessez-le-feu permanent avec Israël", a insisté M. Hariri. Il a en outre affirmé que "le respect de la politique de distanciation" du Liban par rapport aux conflits régionaux "est une responsabilité collective".
Rex Tillerson et Saad Hariri lors d'une conférence de presse commune au Grand Sérail. REUTERS/Mohamed Azakir
Le secrétaire d’État avait été accueilli dans la matinée à l'aéroport de Beyrouth par l'ambassadrice américaine, Elizabeth Richard, et le directeur du protocole au sein du ministère libanais des Affaires étrangères, Assaf Doumit. Il s'est immédiatement rendu au palais de Baada où il s'est entretenu avec Michel Aoun, en présence du chef de la diplomatie libanaise Gebran Bassil -qui ne l'attendait pas à l'aéroport- et du directeur de la Sûreté générale, Abbas Ibrahim. Le chef de la diplomatie américaine était accompagné par David Satterfield, le secrétaire d’État adjoint américain par intérim aux Affaires proche-orientales.
Selon un communiqué publié par le bureau de la présidence, M. Aoun a affirmé à M. Tillerson que le Liban était attaché à ses frontières et ne ferait aucune concession à ce sujet. "Nous sommes attachés aux frontières libanaises et nous rejetons les affirmations israéliennes selon lesquelles Israël posséderait certaines portions de la zone économique exclusive du Liban", peut-on lire dans le communiqué. M. Aoun a dans le même temps assuré que le Liban "n'épargnerait aucun effort pour parvenir à des solutions à la question des frontières terrestres et maritimes", appelant "les États-Unis et l'ONU à jouer un rôle efficace en ces sens".
Il a en outre appelé Washington à "interdire à Israël de violer les frontières terrestres, maritimes et aériennes du Liban et respecter l'application de la résolution 1701" du Conseil de sécurité de l'ONU."Le Liban s'engage au calme à la frontière sud et ne veut de guerre avec personne, alors qu'Israël poursuit ses violations contre nous. La mémoire des habitants du Liban-Sud est encore vive, ils se souviennent des guerres israéliennes", peut-on également lire dans le communiqué.
Le président Aoun a en outre "remercié les États-Unis pour leur soutien aux forces armées libanaises". "Après avoir libéré le territoire des groupes terroristes, nous allons poursuivre nos efforts afin de démanteler les cellules dormantes, notamment à l'aide d'opérations préventives", a également affirmé le chef de l’État, selon le communiqué.
Concernant la question des près d'un million de déplacés syriens que le Liban accueille depuis le début du conflit en Syrie en 2011, le président Aoun a fait savoir à M. Tillerson que "le Liban ne peut plus supporter les conséquences de cet exode sur la sécurité, l'économie et la stabilité du pays". Il a appelé le secrétaire d’État à "aider au retour en sécurité et graduel des déplacés syriens dans leur pays et à obtenir une solution pacifique au conflit syrien (...)".
Il a également dit au secrétaire d’État américain que le Liban regrettait la décision de Washington de réduire de 260 à 60 millions de dollars son aide annuelle à l'Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) qui sera uniquement dépensée à Gaza. Il a ainsi fait savoir à M. Tillerson que cette décision allait alourdir le fardeau que le Liban supporte en matière d'accueil des réfugiés.
Enfin, le président Aoun a demandé à M. Tillerson que Washington participe aux conférences de Paris, Bruxelles et Rome prévues pour soutenir le Liban dans les mois qui viennent. M. Tillerson y a confirmé sa présence, réitérant le soutien de son pays au Liban, à ses institutions et à ses forces armées.
"Un Liban libre et démocratique"
A l'issue de l'entretien avec M. Aoun, Rex Tillerson s'est de son côté contenté d'écrire un message dans le livre d'or du palais présidentiel. "Merci pour l'accueil chaleureux et pour la discussion ouverte, franche et productive. Les États-Unis se tiennent aux côtés du peuple libanais pour un Liban libre et démocratique. Nous souhaitons la stabilité et la prospérité du pays à l'avenir", peut-on lire dans le message rédigé par le secrétaire d’État.
Le message écrit par Rex Tillerson dans le livre d'or du palais présidentiel. Photo Hoda Chédid
Le chef de la diplomatie américaine a également eu un entretien avec son homologue libanais avant de quitter le palais de Baabda. Il a ensuite été reçu par le président du Parlement, Nabih Berry, à Aïn el-Tiné. Durant cet entretien, Rex Tillerson a insisté sur "l'importance du partenariat libano-américain, alors que les deux pays œuvrent afin d'atteindre des objectifs communs qui renforcent la souveraineté, l'indépendance et le développement du Liban". MM. Berry et Tillerson ont également abordé la question des violations israéliennes contre le Liban.
Il y a quelque jours, l’émissaire du département d’État, David Satterfield, avait proposé une formule de compromis au sujet du bloc 9 à savoir que la compagnie chargée de l’exploration des hydrocarbures offshore verse au Liban les deux tiers de ses ventes et le tiers à Israël, en attendant que le conflit frontalier soit réglé, selon notre correspondant au palais Bustros Khalil Fleyhane. Une proposition sur laquelle les dirigeants libanais ont exprimé des réserves.
Enfin, la visite de Rex Tillerson a suscité une polémique quant au respect des usages protocolaires . "En réponse à ce que certains médias ont rapporté et à ce qui se dit sur les réseaux sociaux, le bureau de la présidence de la République assure que tous les usages protocolaires ont été respectés en accueillant le secrétaire d’État américain cet avant-midi au palais de Baabda", a écrit la présidence sur son compte Twitter. Sur une photo de l'AFP, on peut apercevoir M. Tillerson, assis à côté du fauteuil vide où est censé se trouver le président Aoun. Le chef de l’État aurait vraisemblablement fait patienter le chef de la diplomatie américaine avant de le recevoir personnellement. En outre, l'absence de M. Bassil pour accueillir son homologue américain à l'aéroport de Beyrouth est également pointée du doigt. "Il n'y a eu aucune entorse ou manquement au protocole et tout ce qui est dit est dénué de tout fondement. Le secrétaire d’État a même insisté à écrire un mot sur le livre d'or dans lequel il a relevé l'accueil chaleureux qui lui a été réservé au palais de Baabda", ajoute la présidence libanaise.
Rex Tillerson attendant le président Aoun au palais de Baabda. AFP / JOSEPH EID
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Lses televisions Libanaise ont bien explique que M Tillerson etait effectivement arrive plus tot comme je le prevoyais mais on peut faire une entorse au protocole et avancer de 5 minutes une reunion et surtout ne pas autoriser les photographes dans la salle car cette affreuse photo qui a fait le tour du monde des televisions et des medias est, qu'on le veuille ou non, CHOQUANTE. L'abscence d'un drapeau americain aussi a fait jaser mais c'est probablement ici aussi le protocole qui dit peut etre que le drapeau du convive n'est deroule que quand des Presidents se rencontrent Quand a M Bassil , s'il avait ete a l'aeroport il n'aurait pas ete pris dans des embouteillages generes d'ailleurs par l'arrivee de M Tillerson et qui eux ont cause son arrive tardive a Baabda De toute facons M Bassil n'avait probablement rien a dire a M Tillerson puisque leur entretien a ete de dix minutes seulememnt d'apres les nouvelles Heureusement que le Premier Ministre M Hariri connait mieux la valeur des USA, lui qui a ete recu par M Trump deja en grande pompe avec un tres long echange de questions et reponses devant les journalists par la suite. Il a reciproquait cette reception par l'accueil chaleureux qu'il a fait a Tillerson meme si sur certains points l'accord n'est pas total BRAVO M Harriri vivement les elections
02 h 43, le 16 février 2018