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Moyen Orient et Monde - Diplomatie

Que peut-on attendre de la tournée de Tillerson au M-O ?

Le secrétaire d’État américain a entamé dimanche un voyage de cinq jours dans la région, mais il dispose de peu de marge de manœuvre.

Le président égyptien Abdel Fattah el-Sissi recevant hier Rex Tillerson, au Caire. Egypt Presidential Office/Handout via Reuters

Washington tente de revenir sur le devant de la scène diplomatique moyen-orientale. Seulement trois semaines après la venue du vice-président américain Mike Pence dans la région, c’est au tour du secrétaire d’État américain Rex Tillerson d’y entamer une tournée diplomatique. Sur fond de tensions liées aux accrochages de ce week-end entre Israël et l’Iran en Syrie, M. Tillerson a entamé un voyage de cinq jours dimanche. Après avoir commencé par une première étape en Égypte, il devrait se rendre aujourd’hui au Koweït avant de se rendre dans les jours suivants en Jordanie, au Liban et enfin en Turquie. Différents dossiers sont au menu de sa tournée, notamment la lutte contre le terrorisme et le conflit syrien qui secoue l’ensemble des pays du Moyen-Orient. L’objectif est également de renforcer les liens bilatéraux avec les pays que M. Tillerson va visiter.

Arrivé dimanche soir au Caire, il a rencontré le ministre égyptien des Affaires étrangères Sameh Choukri et s’est entretenu hier avec le président égyptien Abdel Fattah el-Sissi, dont le président américain Donald Trump est proche. La visite de M. Tillerson fait des remous alors qu’elle survient au moment où la tenue de l’élection présidentielle égyptienne déjà bien controversée approche à grands pas. Bien que la relation avec Le Caire soit fragile ces derniers temps, la première étape de M. Tillerson n’a pas été choisie au hasard puisque l’Égypte est un allié traditionnel de longue date dans la région. Les deux administrations collaborent étroitement au niveau diplomatique sur le dossier israélo-palestinien et militaire sur la question de la lutte contre les jihadistes dans le Sinaï. « Nous avons convenu de poursuivre notre coopération étroite dans la lutte contre le terrorisme », a déclaré à cet égard M. Tillerson lors d’une conférence de presse conjointe avec M. Choukri. La question des droits de l’homme devait également être évoquée. Le secrétaire d’État américain a notamment déclaré que les États-Unis « soutiennent un processus électoral transparent et crédible » pour les prochaines élections. Mais aucun détail n’a été donné sur la réaction américaine si l’élection ne se passait pas dans des conditions démocratiques.


Discussions difficiles

Si M. Tillerson semble avoir passé le premier test diplomatique de son voyage sans trop d’encombres, il devra faire preuve d’habilité pour aborder les dossiers abordés aujourd’hui à Koweït City. La délégation américaine qu’il dirige doit se rendre à une réunion ministérielle de la Coalition internationale pour la lutte contre l’État islamique et à une conférence pour la reconstruction en Irak pour la troisième fois. Dans ce contexte, il est difficile d’anticiper le plan stratégique que M. Tillerson pourrait présenter avec une marge de manœuvre limitée. Il pourrait cependant en profiter « pour faire avancer la médiation entre l’Arabie saoudite et le Qatar » dans le cadre du blocus imposé par Riyad et ses alliés en juin dernier, observe pour L’Orient-Le Jour David Mack, ancien ambassadeur des États-Unis aux Émirats arabes unis et chercheur à l’Institut du Moyen-Orient (MEI) basé à Washington D.C'EST

Le secrétaire d’État américain doit rencontrer ensuite le roi Abdallah II de Jordanie ainsi que son homologue jordanien Ayman al-Safadi pour parler de la guerre en Syrie et de la crise des réfugiés. La paix au Moyen-Orient doit également être évoquée, notamment le conflit israélo-palestinien alors que Washington a reconnu Jérusalem comme capitale d’Israël et a suspendu certaines de ses aides financières aux Palestiniens, mettant de l’huile sur le feu des négociations déjà particulièrement enlisées entre les deux camps. Amman a toujours été un partenaire-clé dans ce dossier mais la récente décision américaine a décrédibilisé les États-Unis en tant que médiateur aux yeux des leaders arabes.


(Lire aussi : Trump pas sûr qu'Israël cherche la paix avec les Palestiniens)


Les deux destinations aux dossiers les plus brûlants pourraient cependant être le Liban et la Turquie. La question des armes du Hezbollah, considéré comme organisation terroriste par Washington, est particulièrement délicate. M. Tillerson doit notamment rencontrer les dirigeants libanais pour leur « souligner le soutien américain au peuple libanais et aux forces armées libanaises », selon le communiqué du département d’État.

Pas plus de détails n’ont filtré également concernant sa visite à Ankara où il doit « discuter de problèmes bilatéraux et régionaux ». La position de M. Tillerson y sera d’autant plus difficile que les Turcs sont actuellement engagés contre les Kurdes, partenaires des Américains, à Afrine en Syrie et ont pour objectif d’étendre l’opération « Rameau d’olivier » à Manbij où sont stationnés les forces américaines et leurs alliés. « Tillerson cherchera probablement à signaler le soutien des États-Unis aux intérêts sécuritaires turcs légitimes, tout en mettant en garde contre une éventuelle extension (de ces opérations) et en exhortant à la retenue militaire, pour ne pas mettre aussi en danger les forces spéciales américaines opérant en Syrie », estime pour L’OLJ Georg Löffmann, chercheur et professeur en sécurité internationale à l’université de Warwick. Les discussions s’annoncent cependant difficiles. Les questions du refus d’extrader des États-Unis le prédicateur turc Fethullah Gülen et opposant au président turc Recep Tayyip Erdogan ou encore des soupçons des ingérences américaines dans la tentative de coup d’État en juillet 2016 sont autant d’épines dans le pied de M. Tillerson. 


Israël, le grand absent

Au vu de ces différents éléments, M. Mack explique avoir des « attentes bien peu élevées » concernant des résultats concrets pour la région. La relative perte du poids diplomatique de Washington au Moyen-Orient, suite à la récente décision sur Jérusalem et face à une stratégie longtemps restée floue en Syrie, ne semble pas jouer en faveur de M. Tillerson. Il devrait donc surtout « tenter de rassurer les alliés des États-Unis » en montrant que l’administration américaine « reste stratégiquement engagée au Moyen-Orient » face aux tensions actuelles et en dépit de l’attention consacrée au dossier nord-coréen par le président Trump, précise M. Löffmann. Car dans ce contexte, « les partenaires arabes des États-Unis et même Israël sont sceptiques » sur la position qu’a encore Washington dans la région, note M. Mack.

L’État hébreu est par ailleurs le grand absent de l’itinéraire de M. Tillerson, décision sujette à de nombreux débats entre les observateurs. Le secrétaire d’État américain « s’y est rendu récemment et il n’est donc pas nécessaire pour lui d’y retourner, sachant qu’il n’a plus beaucoup de crédibilité auprès des Israéliens et que la marge de manœuvre américaine en Syrie est diminuée », souligne l’ancien ambassadeur américain. Dans le cadre des récentes tensions avec l’État hébreu, « le contournement extrêmement maladroit d’Israël porte la marque des atermoiements et des tâtonnements de l’administration Trump en matière de politique étrangère », estime Nicolas Gachon, spécialiste des États-Unis et maître de conférences à l’Université Paul-Valéry, Montpellier 3.

Au-delà des considérations géopolitiques, MM. Tillerson et Trump entretiennent des relations particulièrement tendues depuis un an, se contredisant mutuellement régulièrement sur la stratégie américaine dans différents dossiers en politique étrangère. « Face aux réserves de Rex Tillerson quant à la personne même du président américain, cela implique qu’il est un émissaire au mieux assez inefficace et au pire un peu maladroit pour une mission aussi sensible que celle qu’il entreprend au Proche-Orient », observe M. Gachon. « Perpétuellement annoncé comme allant quitter son poste et donc visiblement un second couteau de l’administration Trump, derrière Mike Pence et Nikki Haley (ambassadrice des États-Unis à l’ONU) notamment, il tend à jouer sa propre petite musique et à tenir des propos parfois assez décalés, mais qui ont finalement peu de portée », ajoute-t-il.



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