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À La Une - Syrie

Après l'échec de Sotchi, la stratégie russe en question

"Toute l'action de la Russie n'est qu'une tentative de subvertir le processus de Genève", selon un expert.

L'émissaire de l'ONU Staffan de Mistura (au centre) parle durant la conférence de Sotchi, en russie, le 30 janvier 2018. REUTERS/Sergei Karpukhin

Organisée à la hâte, boudée par des acteurs clés, la réunion de Sotchi sur la Syrie s'est soldée par un échec prévisible qui met en lumière la difficulté pour la Russie à proposer une solution au conflit et fait craindre une résurgence des combats.

Plus de 1.600 invitations lancées et, selon Moscou, l'ensemble de la société syrienne représentée dans la station balnéaire de Sotchi : la Russie avait de grandes ambitions pour son "Congrès du dialogue national syrien", qui venait couronner plus de deux ans d'intervention militaire qui ont permis à son allié Bachar el-Assad de reprendre la main sur le terrain.

Résultat : des rebelles qui claquent la porte sans avoir quitté l'aéroport, une journée de débats houleux et une simple promesse de former un comité chargé de plancher sur une "réforme constitutionnelle", composé de représentants du gouvernement et de l'opposition.

"La réunion de Sotchi a montré les limites de la diplomatie russe", estime Hasni Abidi, le directeur du Centre d'études et de recherche sur le monde arabe à Genève, qui évoque une "improvisation" et juge que "Sotchi a créé plus de divergences que de convergences". "Il aurait fallu être plus intelligent, d'abord ne pas se dépêcher et ensuite parvenir à tout prix à ce qu'il y ait le plus de participants possible", renchérit l'expert russe Alexeï Malachenko.

A commencer par le Comité des négociations syriennes (CNS), qui représente les principaux groupes de l'opposition, et les Kurdes, furieux de l'offensive turque contre leur enclave d'Afrine, qui ont refusé de se rendre à la réunion. Les Occidentaux avaient eux aussi décliné l'invitation, expliquant que le processus de négociations de l'ONU en cours à Genève doit primer sur tout autre.


(Lire aussi : Querelle de drapeau, cris et sifflets : le Congrès du dialogue national syrien tourne au psychodrame)


Crédibilité 'ridicule'
"En termes de crédibilité des personnes représentées, c'était assez ridicule", renchérit Thomas Pierret, chargé de recherche au CNRS. Le principal succès de la Russie, concède cet expert, est d'avoir réussi à convaincre de venir l'émissaire de l'ONU Staffan de Mistura "qui accepte ce petit jeu de réforme constitutionnelle". Pourtant, "toute l'action russe n'est qu'une tentative de subvertir le processus de Genève", prévient-il.

Mardi soir, Staffan de Mistura a souligné que la réunion de Sotchi permettait de "passer de la théorie à la pratique" en matière de réforme constitutionnelle : "Nous n'avions jamais eu le gouvernement et l'opposition impliqués dans une discussion sur une nouvelle Constitution".

Paradoxalement, l'échec de Sotchi pourrait pourtant relancer le processus de Genève, qui réunit le régime et toutes les franges de l'opposition syrienne, ainsi que le Conseil de Sécurité de l'ONU ou les pays voisins de la Syrie, mais a obtenu peu de résultats concrets en neuf cycles de négociations. "Cela montre que l'approche multilatérale suivie à Genève reste le seul cadre référentiel pour engager des discussions sérieuses", reprend Hasni Abidi. Mardi soir, Sergueï Lavrov a d'ailleurs envoyé la balle dans le camp de l'ONU, chargé de mettre en musique les projets constitutionnels énoncés à Sotchi.

Encore faudra-t-il convaincre l'opposition syrienne à se prêter au jeu. Car si Ankara, qui soutient les rebelles, a annoncé dès mardi soir avoir proposé 50 noms de l'opposition susceptibles de rejoindre ce comité, le porte-parole du Comité des négociations syriennes, Yehia al-Aridi, dénonce le double jeu russe. "La conférence a réussi à dévoiler l'intention des Russes de (...) réhabiliter le régime", a-t-il déclaré à l'AFP. Selon lui, "les Russes ont ignoré avec arrogance" plusieurs autres sujets centraux, comme la transition politique et le processus électoral à mettre en place après cette guerre qui, depuis 2011, a fait plus de 340.000 morts.


(Lire aussi : Sotchi : maîtresse du jeu, la Russie peine toutefois à faire cavalier seul)


Résurgence des combats ?
Après l'échec successif de pourparlers à Vienne la semaine dernière, puis mardi à Sotchi, Thomas Pierret craint "la continuation de ce qu'on voit maintenant (...), avec le régime tentant de reprendre un à un ce qui reste des territoires rebelles" et "une extension des affrontements entre l'armée turque et le PYD (kurde) à d'autres régions".

"La guerre contre Daech (l'acronyme arabe du groupe Etat islamique, ndlr) a masqué toutes les autres divergences et contradictions autour du conflit syrien et même entre des pays alliés. La fin de la guerre contre l'EI a ouvert la voie à d'autres guerres qui ne seront pas moins meurtrières ou dangereuses pour la région", met en garde Hasni Abidi.



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