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Culture - L’artiste de la semaine

Layale Chaker, violon hybride

Vingt-sept printemps et une allure de star. Violoniste et compositrice, elle n’hésite pas entre les deux, mais dit que tenir un violon et écrire une partition sont la même face de Janus, et nourrissent et renforcent son inspiration.

Rencontre avec une jeune femme, à la culture rayonnante, profondément éprise de musique. Photo DR

Une opulente chevelure d’un noir de jais qui cascade jusqu’aux hanches, de grands yeux pétillants de vie, un joli minois, un pull blanc à col roulé moulant sur un jeans noir. Par-delà ces grandes mains aux doigts fins et blancs qu’elle agite discrètement et qui doivent pincer avec art les cordes, une silhouette gracieuse pour une musicienne qui vit actuellement entre Paris et Londres.
De parents libanais, Layale Chaker rentre au Liban en 1997. Haute comme trois pommes, elle faisait déjà studieusement ses gammes au piano. C’est après avoir entendu l’appel de feu Walid Gholmieh pour grossir impérativement le rang des musiciens de l’orchestre national qu’elle s’oriente à huit ans vers le violon. Plus tard, elle dira qu’elle sera happée par le mouvement collectif de la houle orchestrale. Et elle sera de prime abord une chambriste chevronnée.

Assidue dans son travail jusqu’à ses dix-neuf ans, elle fréquente alors à Beyrouth le Conservatoire national supérieur de musique. Tout en évoquant le bon souvenir de sa professeure Carmen Scripcario. Et puis c’est au tour de Paris de l’accueillir pour plus de perfectionnement et de technique. Elle y fait le Conservatoire rayonnement régional et séjourne par la suite à l’Académie royale de musique à Londres. Mais pour cette jeune femme, qui a été déjà à l’Orchestre du Divan occidental-oriental avec Daniel Barenboïm – qui l’a auditionnée à Séville dans une Partita de Bach et dont elle souligne « son élégance et transparence à jouer Mozart » –, être exclusivement interprète lui semble la priver de sa quête personnelle d’identité. C’est pourquoi la composition, tout en accentuant ses capacités de jeu, lui ouvre des horizons encore plus vastes. Et elle s’y est engouffrée, et après avoir longtemps accordé son archet à la boîte magique pour faire jaillir la voix des autres, la voilà aujourd’hui interprète de ses propres œuvres.

Passeur de culture
Dotée d’un diplôme de lettres de l’Université Saint Joseph, Layale Chaker rêvait initialement d’écrire. Les notes ont certes supplanté les lettres, mais sa curiosité et sa boulimie intellectuelle n’en sont que plus vives. Son goût accentué pour les livres est un compagnonnage riche et stimulant. La poésie lui parle : Nadia Tuéni, Mallarmé, Ounsi el-Hage, Talal Haidar, Bouhour el-Chaar sont à portée de sa main et de ses lignes de partitions… Tout autant que Herman Hesse et Mishima, dont les proses irriguent son imagination. Férue de Prokofiev, Chostakovitch, Dutilleux, Kaija Saariaho, Messiaen, Bach, Mozart et Beethoven (avec une admiration déclarée pour Béchara Khoury et Houtaf Khoury), fascinée par le jeu de Gidon Kremer, Layale Chaker, qui est déjà depuis huit ans au-devant de la scène, prépare le lancement de son premier album qui sort dans deux semaines : Hints on Memory avec l’orchestre d’Oxford. À son actif déjà le trio à cordes avec le New World Symphony.

Définition d’un violon ? « J’ai pensé à cette question, dit-elle, en écrivant pour le Bayreuth Symphony. Le violon est un passeur de culture. Il est approprié pour tout le monde. Il a des racines orientales. En Europe, il a un rôle prépondérant dans la texture symphonique, sans parler de la place privilégiée qu’il a grâce à Vivaldi ou Paganini. Il fait partie aussi du takht charqi. »
Et d’ajouter que la beauté de sa présence n’en est que plus remarquable avec Samy Chawa, Abdo Dagher, Nidaa Abou Mrad. Autant piano et oud ont leur spécificité, le violon est hybride...
Et pour les projets futurs ? La liste est longue. Énumération : ce 18 janvier, Concerto pour violon (de 23 minutes) avec le Philharmonique de Bayreuth à Abou Dhabi au Palais des Émirats. Ensuite, Duo pour violon et alto (150 minutes) pour son passage dans une résidence au Texas. Retour à Londres pour donner avec le collectif Sarafand qu’elle a fondé, Moukhammas (rythme traditionnel du Mont-Liban), œuvre commanditée pour le Festival de Brighton. À nouveau Londres en février pour le quatuor pour la Fin du temps de Messiaen au Royal Academy of Music.

La bonne nouvelle, c’est le retour, pour un laps de temps, au pays d’origine avec une invitation de la LAU pour être artiste en résidence en mars prochain, avec un concert au théâtre Gulbenkian (le 27 du même mois) suivi d’un autre concert à la LAU Byblos le 29 mars. Avis aux amateurs et mélomanes pour découvrir et applaudir un de nos jeunes fleurons musicaux.


Naissance
en 1990

Septembre 2010
Admission au Conservatoire national de la région de Paris.

2012
masterclass avec Maxim Vengerov à l’Académie de Graves.

Janvier 2015
admission au Royal Academy of Music (Londres).

Décembre 2016
concert avec Daniel Barenboim aux Nations unies (Genève).

 Janvier 2017
 commande et première avec l’Orchestre d’Oxford.

 Juin 2017
première tournée avec Sarafand.

Septembre 2017
premier Prix de la compétition internationale Ruth Anderson.

 Janvier 2017
invitation de l’Orchestre philharmonique de Bayreuth, commande du Concerto pour violon et première à Emirates Palace, Abou Dhabi.


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Une opulente chevelure d’un noir de jais qui cascade jusqu’aux hanches, de grands yeux pétillants de vie, un joli minois, un pull blanc à col roulé moulant sur un jeans noir. Par-delà ces grandes mains aux doigts fins et blancs qu’elle agite discrètement et qui doivent pincer avec art les cordes, une silhouette gracieuse pour une musicienne qui vit actuellement entre Paris et Londres....

commentaires (1)

Comme une providence divine, une sagesse suprême, une harmonie céleste... Beauté, générosité, savoir ... La musique devient source de poésie

Sarkis Serge Tateossian

03 h 24, le 23 janvier 2018

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Commentaires (1)

  • Comme une providence divine, une sagesse suprême, une harmonie céleste... Beauté, générosité, savoir ... La musique devient source de poésie

    Sarkis Serge Tateossian

    03 h 24, le 23 janvier 2018

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