Rechercher
Rechercher

Culture - L’artiste de la semaine

Joe Kodeih, daddy cool

Il n'est pas vraiment un Abou al-Ghadab (titre de sa pièce à l'affiche du théâtre Gemmayzé à partir de ce soir) colérique et flingueur. Ses exaspérations, cet auteur, comédien et metteur en scène les exprime plutôt par l'ironie et la dérision. Sur les planches comme en coulisses...

Il n’est pas vraiment un Abou al-Ghadab (titre de sa pièce à l’affiche du théâtre Gemmayzé à partir de ce soir) colérique et flingueur. Ses exaspérations, Joe Kodeih, auteur, comédien et metteur en scène, les exprime plutôt par l’ironie et la dérision. Sur les planches comme en coulisses...

Il a, tour à tour, été Valmont (dans Les Liaisons dangereuses), le Jagal... d'Achrafieh, Le Jocon et s'apprête à se glisser, à partir de ce soir, dans la peau d'Abou el-Ghadab, personnage mythique et fantasmé de la guerre libanaise. Mais parmi les nombreux rôles que Joe Kodeih a endossé, le plus beau, le plus cher à son cœur, reste celui du papa d'une petite Julia. « Comme tout père tardif, je suis fou de ce petit bout de femme de 5 ans. Je veux tout lui assurer, tout lui dédier », dit celui qui a ainsi offert à sa fille adorée son premier rôle à... un an à peine, en la faisant monter chaque soir, quelques minutes sur scène, en ouverture de Daddy, la pièce que sa naissance lui avait inspirée.

Déroutant Joe Kodeih qui, sous l'humour parfois graveleux et la légèreté apparente, cache une grande sensibilité, une vraie culture théâtrale et un regard profond, sinon incisif, sur la société libanaise, ses stéréotypes et autres travers. Autant de caractéristiques qui, en une vingtaine d'années, ont hissé cet auteur, acteur et metteur en scène parmi les têtes d'affiche du théâtre populaire libanais d'aujourd'hui.

Et pourtant, à l'origine, sa passion était le dessin. Certes, tout petit, il aimait déjà raconter des blagues devant un large auditoire d'enfants et de dames de son quartier. Mais en grandissant, le gavroche volubile et farceur se transforme en adolescent introverti. « Je m'isolais des autres, je me réfugiais dans la nature, je passais mon temps à lire, écrire et peindre. Le bac en poche, je m'étais inscrit en interior design à la LAU (BUC à l'époque) et j'avais horreur de tout ce qui avait rapport avec la scène. Bref, j'étais un personnage bizarroïde, mais intéressant. Certainement plus intéressant que maintenant », dit-il avec l'autodérision qu'on lui connaît. Le portrait de Joe Kodeih pourrait s'arrêter là, tant cette alternance entre phases d'extraversion et d'introversion définit sa personnalité.

 

 

 

 

Hasard et dépit...
C'est un peu par hasard, un peu par dépit, que l'aventure scénique de Joe Kodeih a commencé. « J'accompagnais ma copine de l'époque à son concours d'inscription à l'Iesav-USJ. Et là, je croise Jalal Khoury, qui me pousse à présenter également l'examen d'entrée. Je passe l'entretien sans trop y réfléchir. Je suis pris et c'est ainsi que je me retrouve inscrit en audiovisuel alors que ma petite amie abandonnait pour se marier... avec un autre évidement. »

Fasciné par les cours de théâtre, dispensés par feu Jalal Khoury qui deviendra son mentor et ami, le jeune homme a pourtant une forte appréhension à monter sur les planches. Obligé cependant à le faire, dans le cadre d'un cours avec Alain Plisson, il choisit d'interpréter, « sans la chanter », Ces gens-là de Brel. « Bizarrement, cette expérience m'a réconcilié avec la scène. Et, du coup, elle a changé ma vie », dit-il.

Une maîtrise de mise en scène en poche, Joe Kodeih commence sa carrière théâtrale en 1995. Avec des adaptations d'abord. Dont La soirée des proverbes de Georges Schéhadé, qu'il présente à l'Institut français de Beyrouth (à l'époque Centre culturel français ou CCF). Quelques autres adaptations au succès plus mitigé le pousseront à se lancer dans l'écriture de sa toute première pièce. Un solo féminin, intitulé Matar Charles de Gaulle, qu'il compose et met en scène, en 1999, pour la comédienne Betty Taoutel. Et dont le triomphe aussi bien public que critique le hissera, ainsi que sa comédienne, au rang de nouvelle garde du théâtre libanais.

 

Off Off Broadway
Avide d'expériences nouvelles, le jeune homme s'essaye à tous les registres. Il adapte, écrit, joue et met en scène... Il participe aussi à un ouvrage dramaturgique collectif sous l'égide d'Écritures vagabondes, fait des stages à Paris et ailleurs et se produit même sur scène à New York en 2003. « Cette année-là, j'ai eu la très grande chance de créer sur les planches du Off Off Broadway The Middle Beast, avec Mario Bassil, Nadine Labaki, Élie Karam et Jacques Maroun. En fait, j'avais été invité, deux ans plus tôt, par Ellen Stewart, la fameuse fondatrice de la compagnie MaMa E.T.C. à jouer dans une pièce Les Sept contre Thèbes. Et là, je ne peux que citer Aimée Boulos, Maria Chakhtoura et Souad Najjar qui ont très silencieusement œuvré pour cette invitation », signale-t-il. « Et je suis revenu deux ans plus tard avec ma propre pièce. Elle a reçu pas mal de critiques favorables, sauf du New York Post qui l'a descendue. Mais, pour moi, c'est déjà formidable que le Post en ait parlé. »

Il aurait pu et voulu rester dans la Grande Pomme. Des histoires personnelles le font revenir au Liban. « C'était mon destin », dit-il aujourd'hui. Sans doute, car à partir de là, toutes les œuvres qu'il produira – à commencer par une reprise élaborée de The Middle Beast en 2006 – seront inspirées du pays du Cèdre, sa situation politique, ses désordres sociaux et sociétaux. À partir de 2009, il remonte sur scène dans des solos parodiques tels Hayet el-Jagal (un autre de ses gros succès) ou Achrafieh, qui dressent un formidable portait de la société libanaise. Mais il alterne aussi avec des pièces dans lesquelles il donne le beau rôle aux femmes : Rima (solo de Rozy Yazigi) ou Btektol (version libanisée de Petits Crimes conjugaux, avec Bernadette Houdeib et Talal el-Jurdi). Entre-temps, il prend, en 2013, la direction du théâtre de l'école des Frères à Gemmayzé, où, outre sa pièce annuelle, il donne leur chance aux talents émergents de la scène. En vingt ans, Joe Kodeih est devenu une valeur sûre des planches qui a ses aficionados et ses détracteurs. Mais les uns comme les autres s'accordent à reconnaître chez lui un certain regard. Ce quelque chose de percutant qui faisait dire à Jalal Khoury qu'« il a beau être léger, un spectacle de Joe est toujours un document sociologique ».

 

3 septembre 1967
Naissance à Achrafieh.

1995
Diplômé de l'Iesav-USJ, il présente «La soirée des proverbes» de Georges Schéhadé au CCF.

1999
Premier succès d'auteur-metteur en scène avec «Matar Charles de Gaulle».

2003
Il présente une création à New York.

2006
«The Middle Beast» à Beyrouth.

2009
«Hayet el-Jagal».

2013
Naissance de Julia.
Et renaissance du Théâtre Gemmayzé sous sa direction.

2017
«Btektol», avec Bernadette Houdeib et Talal el-Jurdi.

 

 

Dans la même rubrique

Khaled el-Mays, le penseur du rotin

Bernard qui rit, Boo qui pleure

Lucien Bourjeily, l'homme pressé

Nancy Debs Hadad, portraitiste de machines et autres robots...

Dania Bdeir : Partir pour mieux revenir

Tania Saleh, les arts chevillés au corps

Hala Wardé, étoile du dôme Nouvel

Il a, tour à tour, été Valmont (dans Les Liaisons dangereuses), le Jagal... d'Achrafieh, Le Jocon et s'apprête à se glisser, à partir de ce soir, dans la peau d'Abou el-Ghadab, personnage mythique et fantasmé de la guerre libanaise. Mais parmi les nombreux rôles que Joe Kodeih a endossé, le plus beau, le plus cher à son cœur, reste celui du papa d'une petite Julia. « Comme tout père...

commentaires (1)

ENCORE BIEN QUE LA CENSURE NE L,A PAS TOUCHÉ !

LA LIBRE EXPRESSION

07 h 58, le 17 janvier 2018

Tous les commentaires

Commentaires (1)

  • ENCORE BIEN QUE LA CENSURE NE L,A PAS TOUCHÉ !

    LA LIBRE EXPRESSION

    07 h 58, le 17 janvier 2018

Retour en haut